vendredi 28 juin 2013

ERIC ZEMMOUR, L’APPEL A LA LUTTE CONTRE LE POLITIQUEMENT CORRECT

S’il avait été Belge, Eric Zemmour aurait probablement écrit dans le Peuple. Le journaliste l’avoue sans ambages : “Dans populisme, il y a peuple. Le mot sert à diaboliser les idées de ceux qui ne se revendiquent pas d’une certaine élite. Alors, oui, si l’on veut, je suis populiste”. Mais d’un populisme qui entend tirer le peuple vers le haut et non l’enfoncer dans la médiocrité contemporaine. Car le chroniqueur est avant tout un homme brillant, trop peut-être pour ses nombreux détracteurs. Il était ce mercredi à Bruxelles, à l’invitation d’Alain Destexhe, dont le parti pourtant s’est tu dans l’affaire-Trullemans. Portrait d’un intellectuel.
eric zemmourLe polémiste français est un homme presque timide, espiègle, toujours rigolard. Il justifie cette impression que les hommes cultivés ne peuvent être que courtois et bien élevés. Le camp du bien, comme le regretté Philippe Murray le désignait, n’apprécie pourtant pas Eric Zemmour qui le lui rend bien : “Une caste s’est crue investie d’une mission. Les Torquemada du café du commerce, comme je les appelle, vous clouent au pilori et vont jusqu’à demander à vos patrons de vous licencier séance tenante. Nous sommes dans un monde orwellien dans lequel les mots disent le contraire de ce qu’ils signifient réellement. C’est assez effrayant. Au-delà de mes idées, avec lesquelles on peut être d’accord ou non, c’est l’intégrité de la pensée qu’il convient de défendre.”
C’est pour ses idées qu’Eric Zemmour fut condamné en 2011. Chez Thierry Ardisson, chantre de la télévision grossière, vulgaire et facile, il déclara doctement que “la plupart des trafiquants étaient noirs ou arabes” et non pas, comme l’ont entendu ses adversaires, peu capables de sophisme, que “la plupart des noirs et des Arabes étaient des délinquants”. L’homme n’est pas allé en appel de cette sentence “parce que c’est une situation assez difficile à vivre. Je ne souhaiterais même pas ça à mon pire ennemi. J’ai entendu tout et n’importe quoi sur ma personne, notamment que j’avais un complexe envers les noirs parce que j’aurais moi-même un petit sexe. C’était vraiment n’importe quoi. Et puis, je ne voulais pas mêler la justice à cela car il s’agissait d’une querelle politique et idéologique. Mes condamnations sont des motifs de gloire et la preuve que j’ai gardé ma liberté de pensée.”
La liberté de penser contre le vent dominant donc. Eric Zemmour est un réactionnaire. L’homme préfère les temps révolus, non pas des trente glorieuses, mais de la monarchie absolue. Homme de plume, il se rêve en Chateaubriand, auteur des Mémoires d’Outre-Tombe, ou en Saint-Simon, biographe officiel à la cour de Louis XIV. Homme de poigne, il s’imagine en souverain peu désireux de s’embourber dans le marigot d’une politique politicienne qu’il croque pourtant avec talent. Homme d’histoire, il connaît les événements qui ont forgé la France, des ancêtres les Gaulois à la décolonisation, assumant même les pages les plus sombres de son pays. Homme d’ambition, il ne voit pour la France que les frontières de l’empire napoléonien. Homme avant tout, Eric Zemmour exècre le féminisme contemporain et ses méfaits sur la société, ciblant dans sa vulgate les militantes les plus pointues dans le combat pour le droit des femmes autant que les hommes pour qui “le poids entre les jambes est devenu trop lourd à porter”. Le vieux ringard a finalement échoué en plein XXIe siècle et ses plateaux de télévision, média qu’il exècre, mais où il connut la renommée en tant que chroniqueur dans « On n’est pas couché ».
L’homme possède une grille de lecture critique sur la mondialisation, dont l’Union européenne est le cheval de Troie : “L’Europe souffre d’avoir fait disparaître les Etats-nations, avec cette conséquence que l’on baigne aujourd’hui dans le flou le plus total. Nous avons un problème de compétitivité que l’on pouvait autrefois résoudre par la dévaluation. Avec la monnaie unique, ce n’est plus possible. De plus, les Allemands ont procédé à une dévaluation masquée en augmentant la TVA et en baissant les salaires. L’Europe n’est pas une zone économique optimale qui nécessiterait un sentiment d’appartenance commune. Aujourd’hui, les Espagnols doivent aller travailler en Allemagne, créant des nouveaux nomades alors qu’on avait sédentarisé le continent. Est-ce cela le progrès ? La politique déflationniste à l’œuvre nous ramène dans les années trente. Hitler n’est pas arrivé au pouvoir à cause de l’inflation, mais de son contraire. Aujourd’hui, il règne à nouveau un sentiment anti-germanique. Sortir de l’euro entraînerait des renoncements, mais, au point où nous en sommes, le retour au franc ne posséderait pas que des désavantages.”
Alors que le débat a été occulté en Belgique, le mariage homosexuel suscite de vives controverses en France. Eric Zemmour fait partie des plus farouches opposants, non pas par homophobie, argumentaire des bien-pensants, mais au nom d’un idéal civilisationnel : “Le mariage homosexuel concerne une minorité d’une minorité car la plupart des homosexuels n’en veulent pas. C’est un symbole. Et les gouvernants de gauche ouvrent en réalité cette institution bourgeoise au plus grand nombre pour lui porter un nouveau coup fatidique. La logique ultime en est la PMA et la GPA avec l’enfant perçu comme une marchandise. Ce qui se passe en France est une nouvelle digue qui s’effondre et le signe que la civilisation régresse.”
eric-zemmour-bucher-des-vaniteuxLa politique française reste le dada du chroniqueur et il n’échappe jamais quelques observations circonstanciées sur le landerneau. Alors que le Front national progresse élection après élection, l’analyste livre une explication brillante qui rejoint celle que nous effectuons : “La petite classe moyenne ne peut plus vivre dans les villes et fuit la banlieue qui devient une terre islamisée. La population a changé son rapport aux partis. Le FN est aujourd’hui devenu un parti de gauche, fortement social, étatiste et protectionniste, proche du discours que tenait autrefois Chevènement. Et cela plaît. Le parti profite d’une double révolution, la première qui se base sur le vécu des gens et la seconde sur le changement orchestré par Marine Le Pen. On peut être à la veille d’un basculement gigantesque à gauche, aggravé par le discours immigrationniste de Mélenchon.”
Eric Zemmour suit aussi avec intérêt l’évolution de la Belgique : “Votre pays est la RDA de la France. J’avais écrit dans Mélancolie française que l’empire français ne devait pas s’arrêter aux frontières de la Belgique. Si Napoléon avait vaincu, il n’y aurait plus aujourd’hui de question flamande. Un homme intelligent comme De Wever le comprend sûrement très bien aussi.” Mais, tout le monde a le droit de se tromper. Zemmour, en conservateur qu’il est, devrait, au contraire, se réjouir qu’une région comme la Flandre résiste à la mondialisation avec ses moyens.
Le chroniqueur français est de ceux qui ont permis à la parole de se libérer, permettant à d’autres d’exprimer des opinions dérangeantes et de dénoncer des vérités tues. En attaquant mai-68, le pacifisme béat, la permissivité, les zones soumises à la loi des bandes, la mondialisation bienheureuse ou le déclin de l’école républicaine, il est un des porte-voix de ceux qui n’aiment pas le monde tel qu’il évolue. Mais, dit-il, il faut raison garder. Et chacun n’a pas vocation à commenter : “ tout le monde se prend pour des éditorialistes grâce aux réseaux sociaux. C’est un vieux rêve de soixante-huitards, comme Edwy Plenel, pour qui chaque personne peut donner son avis et même être écrivain, chanteur ou footballeur s’il le souhaite. Si un rapeur se prend pour Mozart, alors je suis Platini”.
Des signes d’espoir, Eric Zemmour n’en voit guère. Mais il subsiste selon lui quelques raisons de se réjouir : “La montée du populisme n’est pas le fruit du vieillissement, mais au contraire de cette nouvelle jeunesse qui se soulève. Il ne s’agit pas d’une révolution. Pour qu’il y ait une révolution, il faut que les gens aient faim. Ceci étant, la révolte actuelle est saine. La France bien élevée réagit enfin. Je ne l’attendais plus.”
GREGOIRE BRUEL

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