mardi 11 octobre 2011

Le printemps arabe est terminé en Egypte. Prêts pour un hiver grelottant?

En Egypte, en ce qui concerne les sept mois qui viennent de s’écouler, depuis l’éviction d’Hosni Moubarak, de la montée en puissance des Islamistes à l’attaque contre l’Ambassade israélienne, il ne s’est rien passé d’autre qu’une accumulation de mauvaises nouvelles. Sous de la surface, la situation semble même être bien plus sinistre…

Considérons, par exemple, l’économie : le marché des échanges est au plus bas, depuis le début de la crise financière, avec une chute de son principal index de 40% par rapport à son niveau d’avant janvier ; la Banque Centrale égyptienne n’a pas seulement dépensé un tiers de ses réserves étrangères, mais, selon les chiffres officiels, qui restent optimistes, l’Egypte a également a atteint une moyenne de -2,2% de décroissance (croissance négative), au cours des deux derniers trimestres.
A part un coup d’Etat militaire, dont la survenue comme les conséquences restent imprédictibles, l’Egypte est confrontée à l’un des deux scénarios suivants : a) les Islamistes, soit les Frères Musulmans [FM], soit d’autres, triomphent totalement, grâce à une victoire écrasante aux élections parlementaires à venir, voire, peut-être aux élections présidentielles. Ou, b) : les Islamistes gagnent à une majorité moins absolue et choisissent de gouverner en tant que partie d’une plus vaste coalition, ou, autrement, siègent dans l’opposition, contre une coalition de toutes les autres forces. Le premier scénario est sans doute le plus probable et un peu meilleur que le second.
L’argument essentiel de la propagande islamiste en Egypte consiste à dire que toutes les autres idéologies politiques ont été essayées tour à tour, excepté l’Islamisme – et celui-ci se combine avec la promesse que dès que l’Islam gouvernera, une société de justice univoque et de prospérité naîtra !
Maintenant, nous le savons tous, en prenant en compte la terrible situation économique et sociale, couplée avec la barre trop haute des espérances soulevées, diriger l’Egypte pour les toutes prochaines années ne va pas être comme se rendre à un picnic. Si on essaie l’islmaisme maintenant, il va échouer. Et c’est exactement la raison pour laquelle les Frères Musulmans ont décidé de ne pas présenter de candidat à la Présidence, et de limiter leurs prétentions à des sièges parlementaires à 33%, qui pourrait aller jusqu’à 49%sous l’extrême tension des racines profondes de sa base. A cette fin, les FM ont rejoint l’absurde « coalition démocratique », aux côtés de 27 autres groupes qui n’ont absolument rien en commun, excepté leur manque de vision, et qui a trouvé un compromis en s’accommodant des bouffonneries de partis bien plus faibles, tels qu’Al Wafd.
Plus récemment, alors que les rumeurs se répandaient dans la presse égyptienne qu’Al-Wafd expulserait les FM de la coalition, des dirigeants prééminents d’Al Wafd ont exprimé leur joie à propos de ces nouvelles, l’un d’entre eux les appelant même « une cause à célébrer », ce à quoi les cercles dirigeants des FM répondaient en affirmant que : « La coalition tient, avant, pendant et après les élections ».
Si les islamistes ne prennent pas la pleine responsabilité du gouvernement, cependant, -comme le Hezbollah au Liban – ils pourraient faire aller les choses dans leur sens, à coups de pression populaire, et faire appliquer leurs propres politiques sans même avoir besoin d’en prendre la responsabilité.
Les partis non-islamistes, cependant, ne sont pas moins frivoles que les FM, lorsqu’on en vient à des sujets à traiter, telle que la gestion de l’économie ou les relations égypto-israéliennes. Presque toutes les forces politiques en Egypte, par exemple, parlent ouvertement de mettre en pièces le traité de paix avec Israël – une position considérée comme allant de soi, élémentaire pour accéder à la moindre sorte de popularité politique. Quel que soit celui qui sera au gouvernement, devra toujours soit conserver le traité en l’état et perdre en popularité, soit annuler le traiter et en subir les conséquences. Quel que soit le scénario, le leadership des FM préférerait avoir quelqu’un d’autre en ligne de mire comme responsable, et être ainsi à même de l’accuser en vue des prochaines élections.
Quoi qu’il en soit, l’armée égyptienne détient encore les clés du pouvoir politique en Egypte, et, comme les FM, feront tout pour éviter un affrontement. ils peuvent ainsi travailler systématiquement en coulisse pour affaiblir l’armée. Les FM peuvent, par exemple, promouvoir une législation en faveur de toutes les forces militaires poussées à se retirer pour des raisons politiques, de pouvoir rejoindre leurs rangs, et, par ce biais, installer des alliés à l’intérieur du cercle dirigeant de l’armée.
La plupart des Islamistes, cependant, n’ont pas l’habileté du groupe dirigeant des FM, et gaspilleront leurs efforts à tenter d’obtenir autant de sièges qu’ils le peuvent. De plus, la loi de nouveau redécoupage électoral, proposé par le Conseil militaire suprême, offre aux islamistes un grand avantage. Sans trop entrer dans les détails de la loi, l’idée fondamentale, c’est que les nouveaux districts sont bien plus étendus qu’auparavant, limitant ainsi l’influence des relations familiales ou tribales. Le candidat qui peut se présenter de façon conséquente partout – ce qui correspond au profil des islamistes- se en mesure de recueillir plus de votes que quelqu’un dont le soutien et l’influence sont confinés à un secteur spécifique.
En supplément, les élections à venir vont différer des règles du jeu, telles qu’elles ont été établies : il n’y a personne qui planifie qui concourra à l’élection dans chaque district, après l’effondrement du Parti Démocratique National de Moubarak ; et en temps d’incertitude économique, les candidats traditionnels ne voudront pas dépenser trop d’argent dans des circonscriptions qu’ils ne connaissent pas, particulièrement s’il n’est pas assuré que les nouveaux députés disposeront ou non d’autant d’autorité qu’auparavant. En d’autres termes, le vote non-islamiste devrait se subdiviser entre trop de candidats enthousiastes et trop mal financés.
Aussi, qu’est-ce qui devrait se passer si les islamistes prennent effectivement le pouvoir en Egypte?
Premièrement, ils devraient recevoir un traitement assez tiède de la part de la Communauté Internationale : pas de sanctions, pas d’assistance ; leur popularité dissuadera de recourir aux premières, et leur succès contribuera à la seconde.
Deuxièmement, dans une stratégie similaire à celle du cercle dirigeant des FM, une opposition forte devrait plaquer au sol les Islamistes, dans la moindre de leurs mesures politiques. Cela ne va pas être une simple promenade de santé, mais il y a, aujourd’hui, une chance historique de démontrer – cas par cas- ce que sont les limites à l’Islamisme. Nous ne devrions pas faire trop tenir compte des partis politiques existants ; notre principal centre d’attention devrait être la construction d’une société civile forte et indépendante, à travers des Think-Tanks, des groupes d’intérêts et des médias.
Troisièmement, et certainement le plus important, on devrait faire pression sur l’armée égyptienne pour qu’elle maintienne une politique étrangère égyptienne saine, d’une part, et afin qu’elle agisse en tant que protectrice de la Démocratie, d’autre part. Un des sujets essentiels sera d’exhorter les dirigeants de l’Armée à lâcher du lest sur leur chauvinisme, particulièrement eu égard à l’aide étrangère – qu’elle soit financière ou logistique – et envers les groupes de l’intérieur. Les dirigeants militaires du pays, et leurs laquets dans les médias, ont fait très peu pour masquer leur hostilité aux organisations appuyés par l’Occident. Ils ne se sont pas contentés d’accuser certaines de poursuivre des agendas « externes » ; ils ont également menacé de resserrer la mainmise de l’Etat par des mesures légales dans la façon d’instaurer, de permettre d’opérer et de financer des organisations non-gouvernementales.
Evidemment, la situation en Egypte est trop volatile pour se permettre un verdict final, mais il est fort probable que cela ne sera guère meilleur que cela. Les fans des « libéraux » d’Egypte seront en désaccord, et insisteront pour dire qu’il est encote possible pour leurs héros, de gagner les prochaines élections. Plutôt que de tenter de les faire entrer à toute force dans leurs propres catégories de pensée, il pourrait être plus sage de leur éviter les vents glaçants de l’urne en ballotage de l’hiver arabe.

http://www.hudson-ny.org/2476/egypt-arab-winter

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