lundi 3 juin 2013

Syrie/Turquie: où en sont les anti-Bush et islamophiles?

Par Lucien SA Oulahbib on 2/6/2013
Le vent semble tourner : tandis que les rebelles se font hacher menu par les soldats "laïcs" d'Assad aidés par un Hezbollah considéré il n'y a pas si longtemps en interlocuteur incontournable (comme le Hamas d'ailleurs), les belles-âmes qui n'avaient pas de mots assez durs contre Bush et Blair, en particulier ces formalistes légalistes qui les traitaient de "menteurs" dans les rues de Londres et de Paris à propos des armes chimiques "inexistantes" mais bel et bien là en Syrie, espèrent, mais oui, en une hypothétique conférence en juillet, sauf que d'ici là on tue en silence (please) et les 100.000 assassinats sont déjà dépassés.


"Hypothétique" conférence parce que la France de Hollande ne veut pas de l'Iran khomeyniste à la table des négociations, de peur que celui-ci fasse un chantage pour sauver la fabrication de sa bombe A. Ce qui est aussi là une position âprement défendue par les wahhabites d'Arabie Saoudite et du Qatar, or comme la France a choisi depuis la chute de l'Algérie le camp arabe afin de contrebalancer l'influence anglosaxonne sur l'axe pétrolier moyen oriental, Hollande semble bien toujours jouer dans le camp wahhabite qui alimente par ailleurs toutes les forces djihadistes non affiliées à Al Keida en Afrique du Nord en Syrie et…en France : cherchez l'erreur :-) car il ne sert à rien de choisir la peste plutôt que le choléra, d'autant que la possession de la bombe n'est pas moins dangereuse que lorsque la Chine maoïste l'avait eu, voire le Pakistan aujourd'hui. Autrement dit l'affaiblissement du camp wahhabite n'est pas un mal, bien au contraire.


Par contre continuer à isoler l'Iran veut déjà dire sur le terrain syrien une multiplication des morts jusqu'à ce que le clan khomeyniste arrache une victoire, d'ailleurs encore bien fragile en Irak, surtout avec la quasi indépendance Kurde. Certes les sunnites via Al Keida et les wahhabs tentent de l'empêcher, sauf que, hormis les armées régulières, les forces les plus importantes dans le secteur sont le Hamas et le Hezbollah (le Fatah n'étant plus que l'ombre de lui-même) et de telles forces peuvent fort bien devenir le noyau de ce panislamisme que le khomeynisme tente de constituer depuis plus de trente ans.


Aussi convient-il mieux attirer l'Iran sur un autre terrain de jeu que sur celui du pur rapport de forces, à moins de se dire qu'inexorablement Israël attaquera l'Iran, sauf que cette attaque risque de faire basculer l'Égypte des Frères Musulmans dans la guerre, de ressourcer Assad, et de fragiliser les Wahhab… Ce qui n'est pas déplaisant si je raisonne aussi du point de vue berbère: comme je le disais dans un autre billet, la reconstitution de l'ancienne Mède via les Kurdes, la possibilité de reconstruire une Numidie ou mieux encore le territoire du temps de Massinissa et Jugurtha, nécessitent un reflux (comme au temps de l'Espagne occupée pendant huit siècles) de la prégnance arabo-musulmane repoussée dans ses terres originelles : le désert d'Arabie. Que ce reflux passe par sa défaite devant une Perse reconstituée s'étant emparée de l'ancienne Assyrie et la Mésopotamie ne fait que relancer le balancier historique. Mais cela peut être fort dangereux, y compris pour Israël. Nous n'en sommes de toute façon pas là.


Et si je raisonne, d'abord, du point de vue de cette France nécessaire qui peut encore apporter au monde une vision neuve des valeurs capables de permettre d'être ensemble plutôt que la seule cohabitation du vivre ensemble, je dirais qu'une guerre totale au proche Orient n'est également pas de bonne augure pour l'équilibre des forces en Europe ; qu'il faut donc contraindre les uns et les autres à aller vers le terrain des idées et des symboles, en l'occurrence le fait que l'islam dans son interprétation aujourd'hui dominante, l'islam tel qu'il est au fond, semble incompatible avec le régime démocratique et pourquoi en est-il ainsi.


Il faut s'emparer de cette question, réellement, et ce au niveau mondial, plutôt que de botter en touche tout en prétendant connaître le "vrai" islam bien mieux que les premiers concernés, ce qui est déjà une gageure avant d'être surtout une ineptie, voire une insulte.
On n'échappera pas à une critique du discours islamique, sous tous ses modes, comme il y a eu cette critique du temps où la religion en soi se considérait moins comme "l'opium du peuple" que le seul discours "vrai"mettant à l'Index tous les autres, ce que fait l'islam dans sa version "hard". Ce qui implique d'inviter l'islam khomeyniste de venir expliquer en quoi son système serait meilleur que le nôtre, qu'il n'aurait pas besoin par exemple de sciences sociales, de pluralisme, l'islam étant une réponse à tout, ce qui semble bien péremptoire lorsque l'on veut avoir une vision non biaisée des problèmes en cours. Certes, certains disent qu'il est préférable que cela se fasse seulement de l'intérieur de l'islam. Ce qui est un malentendu.


Parce qu'il ne s'agit pas, contrairement aux islamophiles, d'imposer aux musulmans le "vrai" islam, comme le font Cameron et tant d'autres, il s'agit de se demander en quoi est-il une réponse pour les problèmes de "notre"temps : au sens techno-urbain du terme ; quid de la vie dans une société bien plus solitaire qu'avant alors qu'elle est baignée d'images et de sons en permanence? On peut certes exiger de tout couper comme le veulent les radicaux verts (islamiques ou écologiques) sauf que le problème est moins dans l'idée de le faire pour soi que de l'imposer à autrui : si l'on ne comprend pas cela, c'est que l'on a rien compris à l'esprit démocratique. Mais, comme dirait un nietzschéen conséquent : à quoi bon comprendre?…


À quoi bon comprendre ce qui se passe en Turquie par exemple ? Les partis dits de "gauche" se réveillent bien tard tant ils se sont auto-anesthésiés avec cette histoire d'un retour originaire vers des racines non flétries par une modernité par essence nihiliste : or, ce serait confondre l'actuel effondrement du scientisme marxiste recyclé dans ce nihilisme moral qui vivifie également les affairistes tous azimuts (ils ont souvent faits les mêmes écoles) avec la réelle démocratie pluraliste qui ne considère pas la liberté de penser et d'entreprendre comme autant de licences sans foi ni loi.


Pourtant, il semble bien que les courants soutenant aujourd'hui la restauration conservatrice islamique se voient confortés dans leur refus par l'actuel affaissement de la critique "critique", celle-là même qui pariait en cet "islam modéré" turc, le même qui veut arracher 600 arbres d'un parc apaisant pour reconstruire entre autres une caserne à l'ancienne façon ottomane elle-même abritant un centre commercial, ce qui semble bien hétéroclite, et surtout propice à conforter l'idée que l'islam versus ottomane se trouve devenir le dernier support de cette pensée vieillie qui met les femmes à part et considère que mettre à mal un poumon urbain serait une bonne chose. Qu'en pensent nos "verts" en Europe ?...
Les islamistes Turcs ont eux aussi mangé leur pain blanc…Les islamophiles également.

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