Les sondages américains donnent encore l’avantage, pour l’élection du 6 novembre prochain, au Président Démocrate Barack Obama sur le Républicain Mitt Romney.
Si l’on prend la moyenne des sondages publiés au cours des trois dernières semaines, Obama l’emporterait par 46,6% des voix, contre 44,1% pour Romney (9,3% d’indécis).
Si l’on considère le collège électoral – la véritable manière dont sont décidées les élections américaines -, l’avantage de l’actuel dirigeant est encore plus important. En faisant la moyenne de ceux des sondages qui produisent des résultats par Etat, on trouve que 243 grands électeurs (sur 270 nécessaires pour gagner) porteraient leur choix sur Obama, et seulement 170 sur Romney. Ce dernier devrait donc, pour remporter le scrutin, gagner 80% des grands électeurs dans les Etats où les deux candidats sont coude à coude.
Et pourtant, malgré ces résultats encourageants pour le président sortant, plusieurs éléments rendent Obama bien plus faible qu’il ne semble. Ils ne suffisent naturellement pas pour prédire sa défaite, mais sont de nature à refroidir dès à présent l’enthousiasme de ses partisans.
En premier lieu, le nombre des Américains qui éprouvent des sentiments favorables pour la personne du président actuel est, dans tous les sondages depuis plus d’un an, constamment inférieur à 50%. Ce nombre reste, certes, supérieur dans la plupart des sondages à celui des gens qui éprouvent les mêmes sentiments pour Romney.
Mais dans les cinq mois et demi qui restent pour la campagne, le candidat Républicain – moins connu du public que ne l’est Barack Obama – dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour surprendre et améliorer son image. Un sondage Gallup, publié hier 17 mai, montre d’ailleurs, pour la première fois, une popularité personnelle de Romney supérieure à celle du président sortant.
En second lieu, la plus grande partie des sondages publiés se fonde sur un échantillon d’électeurs inscrits – tous les Américains qui jouissent du droit de vote. Un seul institut, Rasmussen, a pour méthode de limiter son échantillon aux « électeurs probables », c’est-à-dire ceux qui répondent « oui » à la question « Etes-vous déterminé à aller voter le 6 novembre ? ».
Or, Rasmussen donne un avantage de 5 points à Romney (48% contre 43%). Les électeurs Républicains semblent donc, à ce stade, bien plus décidés à se déplacer le jour du scrutin que leurs compatriotes Démocrates.
Enfin, les Etatsuniens restent profondément insatisfaits de la situation économique. De manière constante depuis début 2011, plus des deux tiers des Américains sondés expriment une inquiétude sur la situation économique, et moins du quart des citoyens croit que la situation va s’améliorer.
La morosité économique persistante est une condamnation directe d’Obama, le président qui a mené l’action de relance par la demande la plus intense de l’histoire américaine en temps de paix, et qui n’a aucun résultat à montrer pour ses efforts.
Malgré 5000 milliards d’emprunts en quatre ans et des taux d’intérêt proches de zéro, l’économie américaine est engagée dans la « reprise » la plus anémique de son histoire depuis la Grande Dépression, avec un taux de chômage supérieur à 8% pour la plus longue période continue (38 mois) depuis les années 1930.
Malgré l’échec manifeste de sa politique économique, le chef d’Etat paraît constitutionnellement incapable de proposer autre chose que toujours plus d’emprunts et toujours plus de dépense publique. Le résultat de ce blocage mental est que, depuis trois ans, le gouvernement fédéral américain fonctionne sans avoir voté un budget. Cette semaine, le budget proposé par le président a été rejeté par le Sénat – à majorité Démocrate, rappelons-le –, par 99 voix contre et une abstention.
Il avait déjà rencontré la même unanimité à la Chambre des Représentants, certes contrôlée par les Républicains, mais où pas un seul membre du parti présidentiel n’avait osé soutenir les fariboles budgétaires de la Maison Blanche.
Privés d’une politique budgétaire crédible, ou même lisible, les Américains sont désormais à peu près convaincus que tout cela ne pourra se terminer que par une brutale augmentation des impôts, une forte poussée d’inflation ou une banqueroute. Aucune de ces trois options n’est de nature à enthousiasmer les électeurs.
L’Amérique souffre aussi, au moins sur le court terme, d’une forte augmentation du prix de l’essence à la pompe. C’est là un sujet politique bien plus brûlant aux Etats-Unis qu’en Europe, vu les longues distances et la plus grande dépendance des citoyens envers leur voiture.
Or, il ne faut pas être grand clerc pour faire le lien entre l’augmentation du prix du brut et les multiples décisions et déclarations de M. Obama contre le développement de l’industrie pétrolière : gel de droits d’exploration dans le golfe du Mexique et le long des côtes Pacifique et Atlantique, annulation du projet de pipeline Keystone en provenance du Canada.
Ce qui devait être le grand succès du pensionnaire de la Maison Blanche – sa réforme de l’assurance-santé – est devenu, au contraire, un poids dans la campagne. Qu’elles appartiennent à des Démocrates ou non, des milliers d’entreprises ont demandé à être exemptées de l’application de la réforme ; et celles dont les dirigeants sont proches du pouvoir semblent avoir plus de succès pour obtenir ces exemptions. Quant aux sociétés qui restent soumises à la loi, celle-ci est si monstrueusement complexe que personne ne peut encore dire avec certitude ce que seront les coûts supplémentaires pour les employeurs. Cette incertitude gèle l’embauche et l’investissement, contribuant à la persistance du chômage.
Cependant, le principal risque qui pèse sur les chances du dirigeant américain actuel réside dans la nature de la campagne qui se prépare pour les prochains mois.
Comme il ne peut pas se présenter en défendant le bilan de sa politique économique, Obama a choisi de lancer la campagne la plus négative et la plus divisive de l’histoire américaine.
Ses stratèges ont scindé la population en groupes électoraux, auxquels la campagne Obama annonce successivement, en suscitant de toutes pièces des nouvelles artificielles, qu’ils sont menacés par les Républicains et doivent soutenir le président sortant pour obtenir protection.
Cette tactique a commencé par la mise en scène d’un risque de « guerre contre les femmes », à laquelle les Républicains se livreraient sournoisement.
Impossible cependant de croire, en l’absence du moindre début de commencement de mesure dans le programme de Romney pouvant conduire à une ombre de remise en cause de la situation actuelle en matière d’égalité salariale ou d’accès à la contraception ou à l’avortement, que ce thème pourrait être pris au sérieux.
Ce serait toutefois sous-estimer l’inventivité de la campagne Démocrate. Celle-ci a simplement organisé l’entretien télévisé d’une militante féministe, Mlle Sandra Fluke, dans les locaux du Congrès, sous une forme mimant celle d’une audition officielle. Mlle Fluke, une étudiante de trente ans, a exigé que son université (une université catholique, pour tout arranger) finance la totalité de ses contraceptifs. Comme prévu, les Républicains protestent … et c’est parti pour quelques jours de campagne sur « la guerre contre les femmes ».
Dans ce monde parallèle créé par la campagne Obama et la presse à ses bottes, la mort tragique d’un jeune Noir, Trayon Martin, tué en février dernier par un vigile aux traits manifestement mexicains (mais avec du sang blanc et noir), George Zimmerman, que Martin avait violemment agressé, a pu être utilisée durant de longues semaines comme la preuve de la persistance d’un racisme meurtrier des Blancs (sic) envers les Noirs… et donc de la nécessité pour les Noirs de soutenir le parti Démocrate.
Plus récemment, le Président Obama en a appelé au vote homosexuel, en annonçant avoir changé d’avis et soutenir désormais le mariage gay. Comme il sait que cette position est massivement impopulaire dans l’électorat, il n’est pas allé jusqu’à promettre de faire quoi que ce soit pour faire reconnaître cette union par l’Etat fédéral (il s’agit actuellement d’une décision laissée à la discrétion des cinquante Etats fédérés) ; à vrai dire, il a même explicitement exclu une telle action.
Mais certains Républicains ont, modestement et sans en faire un fromage, exprimé leur désaccord avec la position de M. Obama ; et c’est parti pour l’appel catégoriel au bulletin de vote, qui était l’objectif de toute cette manœuvre dès le départ.
En parallèle, faute de tout message positif à faire valoir, le pensionnaire de la Maison Blanche lance contre son adversaire les agressions les plus brutales qu’il peut trouver. Romney est très riche : cela est nécessairement mal en soi. Lorsqu’il s’occupait d’un fond d’investissement, Bain Capital, il a fait fermer une aciérie dans le Kansas, causant la mise au chômage des ouvriers. Lorsqu’il avait dix-sept ans, il a brutalisé un camarade en coupant ses cheveux longs. Lorsqu’il en avait trente, il a mis son chien dans une cage sur le toit de sa voiture pour voyager entre deux villes américaines…
Les Français qui estiment que le niveau du débat politique est tombé bien bas chez eux pourront trouver du réconfort en observant la tactique de la campagne Obama. Cela va durer comme cela encore tout l’été. Citoyens des Etats-Unis lisant la Ména : éloignez vos enfants de la télévision et vérifiez bien l’état de la plomberie, vous allez éprouver le besoin de vous laver plusieurs fois par jour.
Il n’est pas impossible que cette tactique de négativité réussisse en augmentant la mobilisation des électeurs de gauche. Cependant, il ne fait aucun doute qu’elle aura l’effet contraire sur les électeurs centristes (ou « indépendants » comme on les appelle en Amérique), qui seront vite dégoûtés par tant d’agressivité.
De plus, la stratégie de Barack Obama en 2012 est à l’exact opposé du positionnement qu’il avait choisi il y a quatre ans : celui d’un futur dirigeant rassembleur, qui allait surmonter les divisions et les haines qui morcellent la société américaine. Il est rare que l’électorat outre-Atlantique ne choisisse pas celui des deux candidats qui incarne le mieux l’espoir d’une réconciliation et d’un progrès moral : on se souvient, par exemple, de l’échec de la campagne Kerry en 2004, lorsque les Démocrates avaient axé toute leur campagne sur une haine hystérique du Président Bush.
De plus, Obama n’est pas aidé, dans la mise en œuvre de sa stratégie de division, par le fait que son équipe de campagne pour 2012 semble nettement moins professionnelle et efficace que celle qui avait triomphé en 2008. Jusqu’à présent, aucune des attaques mentionnées plus haut n’est parvenue à améliorer les chiffres du président candidat – pas nécessairement parce que la tactique était mauvaise en soi, mais parce que ces attaques ont été particulièrement mal orchestrées.
Au contraire, la campagne Romney – contrairement à celle de John McCain en 2008, qui considérait que ces bassesses étaient indignes de lui – a systématiquement et rapidement répliqué à toutes les tentatives maladroites d’agression de celle du chef de l’Etat.
« Guerre contre les femmes » ? La campagne Romney s’est précipitée sur une déclaration embarrassante d’une proche d’Obama, Hillary Rosen, qui s’en était prise à Mme Romney pour « n’avoir pas travaillé un seul jour de sa vie ». Ann Romney a élevé cinq enfants et souffre de sclérose en plaques : l’élégance de l’attaque n’a pas échappé aux électeurs américains et, le 15 mai, un premier sondage (CBS / New York Times) plaçait Romney en tête dans l’électorat féminin.
L’aciérie que le candidat Républicain aurait fermée en 2001 ? Il s’avère qu’à l’époque où Bain Capital a mené cette opération, Romney était en congé de l’entreprise pour s’occuper de la préparation des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City. En revanche, l’un des partenaires de la banque à l’époque, Jonathan Lavine, a récemment contribué d’un demi-million de dollars à la campagne Obama.
Un chien placé sur le toit d’une voiture serait un scandale ? Des extraits des « Mémoires du Président », dans lesquelles Obama raconte avoir mangé du chien en Indonésie, sont immédiatement diffusés. Quarante-huit heures plus tard, l’Internet est plein de plaisanteries et de photomontages sur le goût du président pour Fido. Ce n’est pas exactement le résultat que la campagne Démocrate avait espéré.
Le soutien du président au mariage homosexuel ? Le sondage CBS / New York Times, cité plus haut, montre que 67% des Américains jugent qu’il s’agit d’une position électoraliste, et seulement 13%, d’une position de principe (cela dit, même si c’était une position de principe, cela ne serait pas forcément un avantage politique. Lorsque l’ancien vice-président Dick Cheney s’était prononcé pour le mariage homosexuel, on ne se souvient pas que cela améliorât sa popularité).
Tout cela ne signifie pas, bien sûr, que Mitt Romney puisse déjà être donné gagnant.
Le Républicain doit encore utiliser les cinq prochains mois pour convaincre les électeurs sur deux points. Le premier est sa compétence, ce qui ne devrait pas être le plus difficile : au cours de sa longue carrière en affaires en en politique, personne n’a jamais regretté d’avoir recruté Mitt Romney. Le deuxième point – qui sera beaucoup plus délicat – est sa capacité à éprouver de l’empathie pour tous ses concitoyens et à les représenter dans le monde.
Cependant, si le candidat Républicain ne fait pas d’erreurs majeures, il bénéficiera d’une dynamique politique qui devrait aller en sa faveur, sous l’influence d’une économie flageolante et du dégoût probable des électeurs centristes face au déferlement d’agressivité qui émane de la Maison Blanche.(
Si l’on prend la moyenne des sondages publiés au cours des trois dernières semaines, Obama l’emporterait par 46,6% des voix, contre 44,1% pour Romney (9,3% d’indécis).
Si l’on considère le collège électoral – la véritable manière dont sont décidées les élections américaines -, l’avantage de l’actuel dirigeant est encore plus important. En faisant la moyenne de ceux des sondages qui produisent des résultats par Etat, on trouve que 243 grands électeurs (sur 270 nécessaires pour gagner) porteraient leur choix sur Obama, et seulement 170 sur Romney. Ce dernier devrait donc, pour remporter le scrutin, gagner 80% des grands électeurs dans les Etats où les deux candidats sont coude à coude.
Et pourtant, malgré ces résultats encourageants pour le président sortant, plusieurs éléments rendent Obama bien plus faible qu’il ne semble. Ils ne suffisent naturellement pas pour prédire sa défaite, mais sont de nature à refroidir dès à présent l’enthousiasme de ses partisans.
En premier lieu, le nombre des Américains qui éprouvent des sentiments favorables pour la personne du président actuel est, dans tous les sondages depuis plus d’un an, constamment inférieur à 50%. Ce nombre reste, certes, supérieur dans la plupart des sondages à celui des gens qui éprouvent les mêmes sentiments pour Romney.
Mais dans les cinq mois et demi qui restent pour la campagne, le candidat Républicain – moins connu du public que ne l’est Barack Obama – dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour surprendre et améliorer son image. Un sondage Gallup, publié hier 17 mai, montre d’ailleurs, pour la première fois, une popularité personnelle de Romney supérieure à celle du président sortant.
En second lieu, la plus grande partie des sondages publiés se fonde sur un échantillon d’électeurs inscrits – tous les Américains qui jouissent du droit de vote. Un seul institut, Rasmussen, a pour méthode de limiter son échantillon aux « électeurs probables », c’est-à-dire ceux qui répondent « oui » à la question « Etes-vous déterminé à aller voter le 6 novembre ? ».
Or, Rasmussen donne un avantage de 5 points à Romney (48% contre 43%). Les électeurs Républicains semblent donc, à ce stade, bien plus décidés à se déplacer le jour du scrutin que leurs compatriotes Démocrates.
Enfin, les Etatsuniens restent profondément insatisfaits de la situation économique. De manière constante depuis début 2011, plus des deux tiers des Américains sondés expriment une inquiétude sur la situation économique, et moins du quart des citoyens croit que la situation va s’améliorer.
La morosité économique persistante est une condamnation directe d’Obama, le président qui a mené l’action de relance par la demande la plus intense de l’histoire américaine en temps de paix, et qui n’a aucun résultat à montrer pour ses efforts.
Malgré 5000 milliards d’emprunts en quatre ans et des taux d’intérêt proches de zéro, l’économie américaine est engagée dans la « reprise » la plus anémique de son histoire depuis la Grande Dépression, avec un taux de chômage supérieur à 8% pour la plus longue période continue (38 mois) depuis les années 1930.
Malgré l’échec manifeste de sa politique économique, le chef d’Etat paraît constitutionnellement incapable de proposer autre chose que toujours plus d’emprunts et toujours plus de dépense publique. Le résultat de ce blocage mental est que, depuis trois ans, le gouvernement fédéral américain fonctionne sans avoir voté un budget. Cette semaine, le budget proposé par le président a été rejeté par le Sénat – à majorité Démocrate, rappelons-le –, par 99 voix contre et une abstention.
Il avait déjà rencontré la même unanimité à la Chambre des Représentants, certes contrôlée par les Républicains, mais où pas un seul membre du parti présidentiel n’avait osé soutenir les fariboles budgétaires de la Maison Blanche.
Privés d’une politique budgétaire crédible, ou même lisible, les Américains sont désormais à peu près convaincus que tout cela ne pourra se terminer que par une brutale augmentation des impôts, une forte poussée d’inflation ou une banqueroute. Aucune de ces trois options n’est de nature à enthousiasmer les électeurs.
L’Amérique souffre aussi, au moins sur le court terme, d’une forte augmentation du prix de l’essence à la pompe. C’est là un sujet politique bien plus brûlant aux Etats-Unis qu’en Europe, vu les longues distances et la plus grande dépendance des citoyens envers leur voiture.
Or, il ne faut pas être grand clerc pour faire le lien entre l’augmentation du prix du brut et les multiples décisions et déclarations de M. Obama contre le développement de l’industrie pétrolière : gel de droits d’exploration dans le golfe du Mexique et le long des côtes Pacifique et Atlantique, annulation du projet de pipeline Keystone en provenance du Canada.
Ce qui devait être le grand succès du pensionnaire de la Maison Blanche – sa réforme de l’assurance-santé – est devenu, au contraire, un poids dans la campagne. Qu’elles appartiennent à des Démocrates ou non, des milliers d’entreprises ont demandé à être exemptées de l’application de la réforme ; et celles dont les dirigeants sont proches du pouvoir semblent avoir plus de succès pour obtenir ces exemptions. Quant aux sociétés qui restent soumises à la loi, celle-ci est si monstrueusement complexe que personne ne peut encore dire avec certitude ce que seront les coûts supplémentaires pour les employeurs. Cette incertitude gèle l’embauche et l’investissement, contribuant à la persistance du chômage.
Cependant, le principal risque qui pèse sur les chances du dirigeant américain actuel réside dans la nature de la campagne qui se prépare pour les prochains mois.
Comme il ne peut pas se présenter en défendant le bilan de sa politique économique, Obama a choisi de lancer la campagne la plus négative et la plus divisive de l’histoire américaine.
Ses stratèges ont scindé la population en groupes électoraux, auxquels la campagne Obama annonce successivement, en suscitant de toutes pièces des nouvelles artificielles, qu’ils sont menacés par les Républicains et doivent soutenir le président sortant pour obtenir protection.
Cette tactique a commencé par la mise en scène d’un risque de « guerre contre les femmes », à laquelle les Républicains se livreraient sournoisement.
Impossible cependant de croire, en l’absence du moindre début de commencement de mesure dans le programme de Romney pouvant conduire à une ombre de remise en cause de la situation actuelle en matière d’égalité salariale ou d’accès à la contraception ou à l’avortement, que ce thème pourrait être pris au sérieux.
Ce serait toutefois sous-estimer l’inventivité de la campagne Démocrate. Celle-ci a simplement organisé l’entretien télévisé d’une militante féministe, Mlle Sandra Fluke, dans les locaux du Congrès, sous une forme mimant celle d’une audition officielle. Mlle Fluke, une étudiante de trente ans, a exigé que son université (une université catholique, pour tout arranger) finance la totalité de ses contraceptifs. Comme prévu, les Républicains protestent … et c’est parti pour quelques jours de campagne sur « la guerre contre les femmes ».
Dans ce monde parallèle créé par la campagne Obama et la presse à ses bottes, la mort tragique d’un jeune Noir, Trayon Martin, tué en février dernier par un vigile aux traits manifestement mexicains (mais avec du sang blanc et noir), George Zimmerman, que Martin avait violemment agressé, a pu être utilisée durant de longues semaines comme la preuve de la persistance d’un racisme meurtrier des Blancs (sic) envers les Noirs… et donc de la nécessité pour les Noirs de soutenir le parti Démocrate.
Plus récemment, le Président Obama en a appelé au vote homosexuel, en annonçant avoir changé d’avis et soutenir désormais le mariage gay. Comme il sait que cette position est massivement impopulaire dans l’électorat, il n’est pas allé jusqu’à promettre de faire quoi que ce soit pour faire reconnaître cette union par l’Etat fédéral (il s’agit actuellement d’une décision laissée à la discrétion des cinquante Etats fédérés) ; à vrai dire, il a même explicitement exclu une telle action.
Mais certains Républicains ont, modestement et sans en faire un fromage, exprimé leur désaccord avec la position de M. Obama ; et c’est parti pour l’appel catégoriel au bulletin de vote, qui était l’objectif de toute cette manœuvre dès le départ.
En parallèle, faute de tout message positif à faire valoir, le pensionnaire de la Maison Blanche lance contre son adversaire les agressions les plus brutales qu’il peut trouver. Romney est très riche : cela est nécessairement mal en soi. Lorsqu’il s’occupait d’un fond d’investissement, Bain Capital, il a fait fermer une aciérie dans le Kansas, causant la mise au chômage des ouvriers. Lorsqu’il avait dix-sept ans, il a brutalisé un camarade en coupant ses cheveux longs. Lorsqu’il en avait trente, il a mis son chien dans une cage sur le toit de sa voiture pour voyager entre deux villes américaines…
Les Français qui estiment que le niveau du débat politique est tombé bien bas chez eux pourront trouver du réconfort en observant la tactique de la campagne Obama. Cela va durer comme cela encore tout l’été. Citoyens des Etats-Unis lisant la Ména : éloignez vos enfants de la télévision et vérifiez bien l’état de la plomberie, vous allez éprouver le besoin de vous laver plusieurs fois par jour.
Il n’est pas impossible que cette tactique de négativité réussisse en augmentant la mobilisation des électeurs de gauche. Cependant, il ne fait aucun doute qu’elle aura l’effet contraire sur les électeurs centristes (ou « indépendants » comme on les appelle en Amérique), qui seront vite dégoûtés par tant d’agressivité.
De plus, la stratégie de Barack Obama en 2012 est à l’exact opposé du positionnement qu’il avait choisi il y a quatre ans : celui d’un futur dirigeant rassembleur, qui allait surmonter les divisions et les haines qui morcellent la société américaine. Il est rare que l’électorat outre-Atlantique ne choisisse pas celui des deux candidats qui incarne le mieux l’espoir d’une réconciliation et d’un progrès moral : on se souvient, par exemple, de l’échec de la campagne Kerry en 2004, lorsque les Démocrates avaient axé toute leur campagne sur une haine hystérique du Président Bush.
De plus, Obama n’est pas aidé, dans la mise en œuvre de sa stratégie de division, par le fait que son équipe de campagne pour 2012 semble nettement moins professionnelle et efficace que celle qui avait triomphé en 2008. Jusqu’à présent, aucune des attaques mentionnées plus haut n’est parvenue à améliorer les chiffres du président candidat – pas nécessairement parce que la tactique était mauvaise en soi, mais parce que ces attaques ont été particulièrement mal orchestrées.
Au contraire, la campagne Romney – contrairement à celle de John McCain en 2008, qui considérait que ces bassesses étaient indignes de lui – a systématiquement et rapidement répliqué à toutes les tentatives maladroites d’agression de celle du chef de l’Etat.
« Guerre contre les femmes » ? La campagne Romney s’est précipitée sur une déclaration embarrassante d’une proche d’Obama, Hillary Rosen, qui s’en était prise à Mme Romney pour « n’avoir pas travaillé un seul jour de sa vie ». Ann Romney a élevé cinq enfants et souffre de sclérose en plaques : l’élégance de l’attaque n’a pas échappé aux électeurs américains et, le 15 mai, un premier sondage (CBS / New York Times) plaçait Romney en tête dans l’électorat féminin.
L’aciérie que le candidat Républicain aurait fermée en 2001 ? Il s’avère qu’à l’époque où Bain Capital a mené cette opération, Romney était en congé de l’entreprise pour s’occuper de la préparation des Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City. En revanche, l’un des partenaires de la banque à l’époque, Jonathan Lavine, a récemment contribué d’un demi-million de dollars à la campagne Obama.
Un chien placé sur le toit d’une voiture serait un scandale ? Des extraits des « Mémoires du Président », dans lesquelles Obama raconte avoir mangé du chien en Indonésie, sont immédiatement diffusés. Quarante-huit heures plus tard, l’Internet est plein de plaisanteries et de photomontages sur le goût du président pour Fido. Ce n’est pas exactement le résultat que la campagne Démocrate avait espéré.
Le soutien du président au mariage homosexuel ? Le sondage CBS / New York Times, cité plus haut, montre que 67% des Américains jugent qu’il s’agit d’une position électoraliste, et seulement 13%, d’une position de principe (cela dit, même si c’était une position de principe, cela ne serait pas forcément un avantage politique. Lorsque l’ancien vice-président Dick Cheney s’était prononcé pour le mariage homosexuel, on ne se souvient pas que cela améliorât sa popularité).
Tout cela ne signifie pas, bien sûr, que Mitt Romney puisse déjà être donné gagnant.
Le Républicain doit encore utiliser les cinq prochains mois pour convaincre les électeurs sur deux points. Le premier est sa compétence, ce qui ne devrait pas être le plus difficile : au cours de sa longue carrière en affaires en en politique, personne n’a jamais regretté d’avoir recruté Mitt Romney. Le deuxième point – qui sera beaucoup plus délicat – est sa capacité à éprouver de l’empathie pour tous ses concitoyens et à les représenter dans le monde.
Cependant, si le candidat Républicain ne fait pas d’erreurs majeures, il bénéficiera d’une dynamique politique qui devrait aller en sa faveur, sous l’influence d’une économie flageolante et du dégoût probable des électeurs centristes face au déferlement d’agressivité qui émane de la Maison Blanche.(
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