Un article d’Yvan Blot, dont la lecture est ardue mais qui a le mérite de nous sortir des considérations quotidiennes.
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Description du « Gestell » totalitaire qui nous asservit La description du Gestell (système d’arraisonnement utilitaire) fait appel aux quatre dimensions de « Geviert », système au sein duquel tout homme vit nécessairement : l’homme vit sur la terre, sous le ciel, parmi les autres hommes et face à la Divinité. Ce système structuré par quatre pôles est inspiré par la métaphysique d’Aristote avec ses fameuses causes matérielle, formelle, motrice et finale.
La société actuelle, société du « Gestell » est construite autour de quatre idoles majeures, la technique, l’argent, la masse et l’ego.
La société européenne, sous direction désormais américaine, est le résultat d’une évolution qui a conduit à mettre en place ces quatre idoles.
L’utilitarisme, idéologie de la domination de la technique sur nous mêmes
La technique ou plus exactement l’essence de la technique détermine notre société en dehors de notre maîtrise. La technique est à la base, le socle (cause matérielle) du système car elle permet la maîtrise de la nature pour que l’homme puisse atteindre au progrès matériel. Naturellement, il ne s’agit pas du tout de renoncer à la technique en admettant même que ce soit possible. Mais la technique ne domine jamais autant l’homme que lorsqu’il ne s’en rend pas compte (c’est l’idéologie selon laquelle la technique serait « neutre »). Il s’agit de renoncer à la technique comme idole, comme état d’esprit utilitaire dominant toutes autres considérations. L’utilitarisme est l’idéologie de la domination de l’essence de la technique sur nous-mêmes.
L’argent comme idole
L’argent est la cause formelle du système, c’est-à-dire ce qui fixe la norme et motive les actes. Il ne s’agit pas de condamner l’usage de l’argent mais de condamner l’argent comme idole (image : l’adoration du veau d’or de Nicolas Poussin, cliquer sur l’image pour l’agrandir). L’argent ne domine jamais tant que lorsqu’on ignore sa domination : c’est le processus d’oubli de l’être longuement analysé par Heidegger. La domination de l’argent est assurée par l’idéologie de la non discrimination. Celle-ci se montre de façon flatteuse comme voulant assurer l’égalité des hommes mais en réalité, il s’agit de supprimer toute discrimination sauf celle par l’argent afin que l’argent devienne le seul critère sur lequel on juge les hommes. Une société où seule la discrimination par l’argent existe est en réalité monstrueuse, contraire à toutes nos traditions historiques chrétiennes ou nationales. C’est un moyen de détruire l’identité nationale au profit d’un monde matérialiste sans aucune frontière.
Les masses comme matières premières
Les masses sont la cause motrice du « Gestell » car les masses sont manipulables ce qui n’est pas le cas des hommes enracinés et cultivés. De plus, la masse est source de profit : c’est même la loi de l’industrialisation. Le Gestell a besoin d’hommes qui soient de simples matières premières pour le système technique et économique. La matière première utile doit être interchangeable, ainsi les hommes doivent devenir interchangeables, et il ne faut pas que des racines puissent gêner cette interchangeabilité. Si l’homme est attaché à sa lignée, à sa famille, à sa nation, à sa culture, à sa religion, cela est un obstacle à l’interchangeabilité et à l’asservissement. En effet, l’homme libre ne peut sauvegarder sa liberté qu’en ayant des racines. Il s’agit donc de détruire ces racines : il faut s’attaquer à la cellule familiale, pratiquer ce que l’on appelle l’antiracisme dont on a changé le sens : à l’origine, l’antiracisme est le fait de combattre la haine raciale. Ici, il s’agit de s’attaquer à toute forme d’homogénéité ethnique. Voir les déclarations du général américain Wesley Clark pendant la guerre du Kossovo pour justifier le bombardement de la Serbie : les Européens doivent abandonner tout idée d’homogénéité nationale et accepter de gré ou de force le métissage et la « diversité » car c’est le sens de l’histoire. En fait, c’est le but du Gestell qui est d’empêcher l’homme de rester fidèle à son essence pour le rendre manipulable et exploitable.
L’ego contre la transcendance
Eliminer tout besoin de transcendance et de sacré. Le Gestell utilise dans ce but les « idiots utiles » comme disait Lénine en assurant la promotion de la laïcité matérialiste. L’homme n’a pas d’autre sens à donner à sa vie que de satisfaire son ego, de rester prisonnier de son ego. Il n’y a rien de plus dangereux pour le Gestell que l’héroïsme motivé par l’amour. Le Gestell est un système qui nie toute aristocratie capable de se dévouer pour une cause extérieure. C’est pourquoi il faut enlever à la jeunesse toute éducation militaire et religieuse afin qu’elle se mette au service du matérialisme marchand et technique. L’idéologie qui justifie avec une apparente générosité cette élimination de la transcendance éthique est celle des « droits de l’homme ». Il est bien entendu évident que les libertés fondamentales sont indispensables à l’homme. Mais les libertés sans devoirs sont périlleuses comme l’a écrit le patriarche de Russie Cyrille Premier, car l’homme n’est pas un saint mais un animal carnivore où son cerveau reptilien peut le mener à commettre des crimes s’il n’est pas sous le contrôle d’une « sainte alliance » entre les cerveaux affectifs et rationnels.
Or, le Gestell n’a de cesse de vouloir détruire la force du cerveau affectif (cœur de la personnalité) pour manipuler l’homme. L’individu réduit à un robot calculateur (cerveau du néo cortex) aux services d’instincts de base reptiliens est en effet facile à contrôler par le pouvoir qui gère le Gestell. Ce pouvoir est lui-même soumis au Gestell car toute déviation est sanctionnée par l’exclusion. Ainsi, la boucle est bouclée et le Gestell montre son caractère totalitaire qui est d’autant plus fort qu’il reste inconscient.
L’asservissement de l’homme par le Gestell
Les quatre idoles du Gestell font de l’homme un esclave sans qu’il le sache.
La technique l’aliène car l’utilitarisme exacerbé rend l’homme étranger à son essence, incapable de méditation et d’authenticité dans les quatre dimensions de son monde existentiel. L’argent le corrompt et c’est la raison majeure de l’explosion du crime dans les pays qui se réclament des droits de l’homme.
Le record de détenus prisonniers est ainsi atteint de très loin par les Etats-Unis. La grande majorité des crimes est due à la recherche de l’argent à court terme et sans aucun scrupule. L’idéologie des droits de l’homme efface la conscience des devoirs, le sens de l’honneur et l’enracinement dans les communautés naturelles, notamment celles de la famille, de la patrie ou du travail.
Si la technique aliène l’homme et si l’argent le corrompt, l’égalitarisme et le conditionnement de masse abrutissent l’homme et lui fait perdre toute recherche de qualité en se dépassant lui-même. Les traditions éthiques du « kalos kagathos » (homme noble et excellent) grec et du christianisme sont progressivement éliminées et l’homme est de plus en plus inculte hors sa spécialité professionnelle utile au Gestell. C’est pourquoi le Gestell qui efface les traditions chrétiennes s’attaque aussi à l’humanisme antique qui a servi de base pour constituer l’homme libre de la civilisation européenne.
Enfin, la libération sans frein de l’ego et de ses besoins, comme l’avait fort bien vu Dostoïevski, perverti l’humain et le rend prisonnier de ses propres vices et besoins. Cette déshumanisation de l’homme, présentée comme une « libération » créé une société décadente qui tend à s’autodétruire.
Le manque d’amour au sens chrétien ou platonicien (Agapê en grec) conduit à l’éclatement des familles, à la dénatalité, à l’égoïsme généralisé, surtout au sein des élites, encore plus formatées par le Gestell que le reste de la population.
Voici le schéma qui exprime toute cette corruption :
Les voies philosophiques de la sortie du Gestell
Face à la maladie du Gestell qui frappe le monde européen et qui le conduit à sa décadence humaine et à sa disparition à terme, on peut opposer termes à termes les valeurs qui doivent permettre de sortir de cet oubli de l’être où nous sommes confinés. Ce retour à l’être de notre humanité est le préalable à toute politique efficace. Sans ce préalable philosophique, la politique est à courte vue et ne peut remédier à une maladie dont elle ignore l’essence.
Le recours à la beauté
Face à l’essence de la technique le recours est à la beauté. Les philosophies existentielles en sont conscientes. Parmi les religions, la plus consciente de cette nécessité est sans doute l’Orthodoxie avec l’amour de la beauté de la Création tel que le prône Dostoïevski. L’utilitarisme technique conduit à la primauté de la laideur est conduit à détruire la terre, aplatir le ciel de l’idéal, massifier et médiocratiser les hommes et effacer tout sens du sacré et du divin, limitant ainsi l’homme à sa seule dimension animale.
La recherche de la beauté rend sa place à la méditation sur le monde qui n’est plus alors vu uniquement sous le prisme de l’exploitation utilitaire.
La démocratie : la liberté enracinée dans le cadre national
Face à la domination de l’argent, il faut opposer les valeurs de la démocratie, c’est-à-dire de la liberté enracinée dans le cadre national. La démocratie est la force politique la plus capable de faire obstacle à l’idolâtrie de l’argent, à condition bien sûr qu’elle ne soit pas confisquée par les oligarques du Gestell.
Il faut donc une démocratie directe le plus possible qui se combine avec les institutions gouvernementales et parlementaires (référendums).
L’affaiblissement des Etats nationaux, par contre, affaiblit la démocratie qui n’est pas le propre des institutions internationales, particulièrement oligarchiques, et renforce les puissances d’argent irresponsables, qui vont jusqu’à s’affranchir des contraintes imposées par le statut de la propriété. On remplace les propriétaires responsables par des gestionnaires sans racines qui cherchent le profit à court terme à la manière des délinquants. On voit les résultats avec les scandales financiers de Wall Street, les oligarques déchaînés sous Eltsine, par exemples.
L’éducation humaniste
La culture met un barrage devant la massification des hommes. C’est tout l’enjeu d’une éducation humaniste qu’il faut retrouver dans sa plénitude. Cette éducation ne peut être purement technique, elle doit avoir des dimensions éthiques, militaires et patriotiques comme c’est le cas de l’éducation nouvelle envisagée en Russie par le président Medvedev.
Cette éducation doit trouver sa base dans la culture générale issue des modèles gréco-romains, bien abandonnés aujourd’hui. Le but est le citoyen beau dans son âme et son corps (kalos) et adapté à une existence de dépassement de soi-même vers une perfection divine (agathos). On voit ici que la dimension religieuse ne peut être écartée car la dimension religieuse est ce qui distingue le plus l’homme de l’animal.
La religion met des limites à la tyrannie de l’ego, promue par la soit disant « modernité » actuelle. Le christianisme, qui est la religion qui a forgé la France, ne peut pas être mis au même rang que les autres religions, même si toutes ont droit à la liberté. Cette religion a la particularité d’avoir un Dieu qui s’est fait homme et qui appelle donc l’homme à imiter le Divin. De ce point de vue, il y a d’ailleurs une certaine continuité entre le meilleur de la philosophie grecque (Platon et Aristote) et le Christianisme, notamment dans sa version orthodoxe mais aussi catholique.
Le schéma du monde qui reflète ce que nous venons écrire selon les quatre pôles de l’existence authentique définie par le philosophe Heidegger est donc le suivant :
Les quatre pôles ci-dessus ont pour but de relativiser les quatre idoles du monde dit moderne qui sont la technique, l’argent, la masse déracinée et l’ego gonflé par ses besoins arbitraires. Il s’agit ici rien de moins que de restituer à l’homme sa liberté authentique.
Ce que l’Occident matérialiste appelle la liberté n’en est pas une comme l’avait déjà fort bien vu Dostoïevski. L’homme est asservi à l’utilitarisme technique, à la cupidité déréglée, à la masse conformiste et décervelée, à son propre ego dominé par le cerveau reptilien. Cet appel à combattre pour la liberté est parfaitement symbolisé par saint Georges terrassant le dragon. Il s’agit maintenant de combattre le dragon du Gestell sans se laisser intoxiquer par sa propagande déshumanisante mais qui se fait de façon mensongère au nom de l’homme et de ses droits. Un homme avec des droits sans devoirs ne peut que perdre sa liberté. Ce sont les oligarques qui gèrent le Gestell qui seuls en profiteront. C’est pourquoi le pouvoir doit leur échapper : il doit revenir au peuple et à son bon sens servi par une authentique aristocratie du courage et de l’esprit !
Yvan Blot
Source : Polémia.
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