Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com
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Cinquante ans après, les grands hommes sont souvent réduits à l’état de pin’s, de tee-shirts ou de logos pour paquets de clopes ; voir Che Guevara, dont la gloire posthume n’est jamais rien d’autre que le triomphe de ce capitalisme qu’il prétendit pourtant combattre, les armes vaguement à la main.
Martin Luther King, donc. Il y a presque aujourd’hui un demi-siècle, ce pasteur baptiste, né en 1929 en Georgie, devint la figure emblématique de l’antiracisme. Convenez qu’il y avait alors de quoi. Certes, le storytelling à l’américaine. Rosa Parks, vieille dame noire qui refuse de céder sa place dans un bus du Sud des USA à un jeune Blanc. Vrai ? Pas vrai ? La légende a fait le reste comme dans le film de John Ford, L’Homme qui tua Liberty Valance et, en matière de propagande, pourquoi demander plus aux héritiers putatifs du célèbre pasteur qu’à ceux de John Wayne ?
Pour mieux comprendre tout cela, prière de remonter à la guerre civile américaine, seule fois où les USA furent frappés en leur chair par un conflit les touchant à l’intérieur de leurs propres frontières. Là encore, recul et études historiques aidant, la réalité est autrement plus complexe. Il y a quelques années, dans le défunt bimensuel Flash, l’historien Christian Bouchet révélait : « John David Smith, enseignant à l’Université de Charlotte en Caroline du Nord, remarque : “Les causes de la guerre civile ne furent pas, comme on le croit maintenant, l’esclavage et le suprémacisme blanc, mais le non-respect par l’État fédéral du droit des États fédérés”… »
Mieux : « Earl James, conservateur du musée de Raleigh, où il est en charge des collections d’histoire locale et afro-américaine, relève quant à lui, bien qu’il soit Noir, qu’il est stupide d’affirmer qu’aucun Afro-Américain ne se soit opposé aux armées de l’Union. » Et le même d’ajouter : « Du fait d’un rapport particulier entre le sol et ses habitants, le patriotisme sudiste s’est développé, y compris chez les esclaves des plantations. » Un autre historien noir, Roland Young, déclare ne pas avoir été surpris : « La plupart des Noirs du Sud, sinon tous, ont soutenu leur nation. En faisant cela, ils ont montré qu’il était possible de séparer le refus de l’esclavagisme et l’amour de sa patrie… »
Résultat : les Noirs engagés volontaires furent paradoxalement plus nombreux dans les armées du Sud que dans celles du Nord et bénéficiaient de soldes non indexées sur la noirceur de l’épiderme. Cela, Martin Luther le savait. Il savait aussi qu’Abraham Lincoln attendit la fin de la guerre de Sécession pour affranchir ses esclaves, alors que le général Lee leur avait rendu la liberté depuis belle lurette. Tout comme il n’ignorait pas que ses ancêtres, en guise de libération, n’eurent que le droit d’aller se faire exploiter dans les usines du Nord. La misère est toujours plus heureuse au soleil et on n’a rien trouvé de mieux, pour remplacer l’esclavage, que le salariat de masse…
Depuis, les voix dissidentes se sont tues. Les Black Panthers feront de très bons « biopic » pour Hollywood, tel Malcolm X ; et qui se souvient encore des héroïques Eldridge Cleaver, Bobby Seale, Stokely Carmichael, Tommie Smith et John Carlos ?
Cassius Clay, devenu Mohamed Ali, disait, à propos de la guerre du Vietnam : « Je ne vois pas pourquoi moi, qui suis Noir, irais me battre pour des Blancs ayant volé leurs terres à des Rouges contre des Jaunes qui ne m’ont rien fait. » Qu’ajouter à ce constat ?
Alors oui, Martin Luther King a fait un rêve. Mais le cauchemar américain, hier au Tennessee comme aujourd’hui en Syrie, est toujours là.
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