Le 1er recensement de la population en Bosnie-Herzégovine depuis la fin de la guerre. Sarajevo, 1er octobre 2013 - AFP / Elvis Barukcic
Pour la première fois depuis vingt-deux ans, la Bosnie-Herzégovine procède à un recensement de sa population (entre le 1er et le 15 octobre). Une fois les données statistiques recueillies et recoupées, nous connaîtrons les chiffres officiels concernant la population de notre pays, le nombre de maisons, de vaches, de fermes, etc.
Il était temps ! Les recensements de 2001 et de 2011* n'ont pas pu avoir lieu conformément aux critères de l'Eurostat [l'office de statistiques de l'Union européenne], faute d'accord des dirigeants politiques d'un pays où tout est surpolitisé. Au final, ils se sont entendus sur le questionnaire. Et les questions portant sur l'appartenance ethnique et religieuse ainsi que sur la langue pratiquée – aucune des trois n'exigeait une réponse obligatoire – sont remontées à la surface comme étant les plus importantes.
Ainsi, les données portant sur le nombre de Musulmans bosniaques, de Serbes et de Croates vivant en Bosnie-Herzégovine, sur la répartition des musulmans, des orthodoxes et des catholiques, ou sur la langue qu'ils parlent sont devenues la question centrale pour les élites politiques.
Toutes les données qui touchent à la vie réelle, à savoir au nombre d'hôpitaux et d'écoles dont on a besoin, aux terres cultivables ou encore au nombre de gens bénéficiant d'un emploi ont été repoussées au second plan. Depuis deux mois, tous les appels des hommes politiques et des dignitaires religieux incitant la population à participer au recensement sont accompagnés de "consignes" pour inciter à déclarer clairement la confession et l'appartenance ethnique.
Répartir les postes bien rémunérés
Certes, le recensement risque de donner à voir l'état réel des conséquences de la guerre [1992-1995] qui a sévi en Bosnie-Herzégovine, à savoir des modifications démographiques résultant du nettoyage ethnique et de l'obstruction au retour des réfugiés. Tout cela sera répertorié. Toutefois, les leaders nationaux ne s'en soucient guère. Ils se préoccupent davantage de la future structure ethnique que le recensement fera apparaître. D'autant plus qu'elle servira de base pour la répartition des postes ministériels, dans le système judiciaire ou dans les conseils d'administration des grandes entreprises. Bref, de toutes les fonctions bien rémunérées dans les institutions publiques, depuis les collectivités locales, en passant par les cantons et les entités [la Bosnie-Herzégovine et composée de deux entités : la Fédération croato-bosniaque (ou croato-musulmane) et la République serbe de Bosnie (ou Republika Srpska)], jusqu’au sommet de l'Etat.
Depuis plus d'une décennie, l'égalité des peuples constituant le pays (Musulmans bosniaque, Serbes et Croates) est garantie aux niveaux de l'Etat central et des entités régionales. Mais, en réalité, seules certaines lois garantissant cette égalité sont appliquées. L'égalité des peuples n'est respectée que dans le domaine de la justice, et au sommet du pouvoir exécutif et législatif des entités locales.
Les minorités écartées
Si le principe d'égalité avait été respecté à la lettre, le nombre de représentants des minorités embauchés dans les municipalités locales ne se serait pas réduit comme une peau de chagrin. Si cela avait été le cas, les écoliers bosniaques de Vrbanjac et de Konjevic Polje [des localités situées en République serbe de Bosnie] n'auraient pas boycotté leurs écoles, étant privés du droit fondamental de bénéficier d'une éducation en langue maternelle. Toutefois, ceux qui appellent aujourd'hui les citoyens à déclarer de manière claire leur appartenance ethnique et religieuse ne sont pas très convaincants. A part les éternelles lamentations sur la non-application des lois, ils ont fait très peu de démarches concrètes pour changer l'état actuel des choses.
Et comme si les appels répétés soulignant l'importance de l'appartenance ethnique, de la confession et de la langue pour les Serbes bosniens ne suffisaient pas, l'Alliance des sociaux-démocrates indépendants (Snsd, parti serbe] a rappelé l'"obligation" de la population de l'entité serbe de se déclarer en tant que citoyens de la République serbe de Bosnie. Cette insinuation ne peut que profiter au Premier ministre Milorad Dodik et à ses acolytes, et alimenter leur discours que la République serbe de Bosnie constitue un Etat à part entière.
Certes, les citoyens auront le dernier mot. La plus grande sanction infligée à ceux qui vivent confortablement sur leur dos depuis plus de vingt-deux ans serait de refuser de déclarer une appartenance ethnique. Ou alors de s'y soumettre, dans la mesure où cela permettrait de mettre fin au principe de l'exclusivité ethnique, ce qui donnerait une chance aux gens éduqués et intelligents, et pas seulement à ceux caractérisés par leur profil ethnique. Ce serait beau…
Il était temps ! Les recensements de 2001 et de 2011* n'ont pas pu avoir lieu conformément aux critères de l'Eurostat [l'office de statistiques de l'Union européenne], faute d'accord des dirigeants politiques d'un pays où tout est surpolitisé. Au final, ils se sont entendus sur le questionnaire. Et les questions portant sur l'appartenance ethnique et religieuse ainsi que sur la langue pratiquée – aucune des trois n'exigeait une réponse obligatoire – sont remontées à la surface comme étant les plus importantes.
Ainsi, les données portant sur le nombre de Musulmans bosniaques, de Serbes et de Croates vivant en Bosnie-Herzégovine, sur la répartition des musulmans, des orthodoxes et des catholiques, ou sur la langue qu'ils parlent sont devenues la question centrale pour les élites politiques.
Toutes les données qui touchent à la vie réelle, à savoir au nombre d'hôpitaux et d'écoles dont on a besoin, aux terres cultivables ou encore au nombre de gens bénéficiant d'un emploi ont été repoussées au second plan. Depuis deux mois, tous les appels des hommes politiques et des dignitaires religieux incitant la population à participer au recensement sont accompagnés de "consignes" pour inciter à déclarer clairement la confession et l'appartenance ethnique.
Répartir les postes bien rémunérés
Certes, le recensement risque de donner à voir l'état réel des conséquences de la guerre [1992-1995] qui a sévi en Bosnie-Herzégovine, à savoir des modifications démographiques résultant du nettoyage ethnique et de l'obstruction au retour des réfugiés. Tout cela sera répertorié. Toutefois, les leaders nationaux ne s'en soucient guère. Ils se préoccupent davantage de la future structure ethnique que le recensement fera apparaître. D'autant plus qu'elle servira de base pour la répartition des postes ministériels, dans le système judiciaire ou dans les conseils d'administration des grandes entreprises. Bref, de toutes les fonctions bien rémunérées dans les institutions publiques, depuis les collectivités locales, en passant par les cantons et les entités [la Bosnie-Herzégovine et composée de deux entités : la Fédération croato-bosniaque (ou croato-musulmane) et la République serbe de Bosnie (ou Republika Srpska)], jusqu’au sommet de l'Etat.
Depuis plus d'une décennie, l'égalité des peuples constituant le pays (Musulmans bosniaque, Serbes et Croates) est garantie aux niveaux de l'Etat central et des entités régionales. Mais, en réalité, seules certaines lois garantissant cette égalité sont appliquées. L'égalité des peuples n'est respectée que dans le domaine de la justice, et au sommet du pouvoir exécutif et législatif des entités locales.
Les minorités écartées
Si le principe d'égalité avait été respecté à la lettre, le nombre de représentants des minorités embauchés dans les municipalités locales ne se serait pas réduit comme une peau de chagrin. Si cela avait été le cas, les écoliers bosniaques de Vrbanjac et de Konjevic Polje [des localités situées en République serbe de Bosnie] n'auraient pas boycotté leurs écoles, étant privés du droit fondamental de bénéficier d'une éducation en langue maternelle. Toutefois, ceux qui appellent aujourd'hui les citoyens à déclarer de manière claire leur appartenance ethnique et religieuse ne sont pas très convaincants. A part les éternelles lamentations sur la non-application des lois, ils ont fait très peu de démarches concrètes pour changer l'état actuel des choses.
Et comme si les appels répétés soulignant l'importance de l'appartenance ethnique, de la confession et de la langue pour les Serbes bosniens ne suffisaient pas, l'Alliance des sociaux-démocrates indépendants (Snsd, parti serbe] a rappelé l'"obligation" de la population de l'entité serbe de se déclarer en tant que citoyens de la République serbe de Bosnie. Cette insinuation ne peut que profiter au Premier ministre Milorad Dodik et à ses acolytes, et alimenter leur discours que la République serbe de Bosnie constitue un Etat à part entière.
Certes, les citoyens auront le dernier mot. La plus grande sanction infligée à ceux qui vivent confortablement sur leur dos depuis plus de vingt-deux ans serait de refuser de déclarer une appartenance ethnique. Ou alors de s'y soumettre, dans la mesure où cela permettrait de mettre fin au principe de l'exclusivité ethnique, ce qui donnerait une chance aux gens éduqués et intelligents, et pas seulement à ceux caractérisés par leur profil ethnique. Ce serait beau…
Note :* Le dernier recensement en Bosnie-Herzégovine a eu lieu en 1991 – à l'époque, le pays faisait partie de la république fédérale de Yougoslavie. La population locale avait été estimée à 4,4 millions d'habitants, dont 43,5 % de Musulmans bosniaques, 31,2 % de Serbes et 17,4 % de Croates. A l'heure actuelle, elle serait de 3,8 millions d'habitants.
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