vendredi 11 octobre 2013

Le FMI craint la prochaine grande crise sans dire d'où elle partira... mais il le sait et ce n'est pas une bonne nouvelle pour nous

livier Blanchard, chef économiste distingué, ne dit pas ce qu’il sait (ce qui est toujours mieux que de ne pas savoir ce que l’on dit, mais le résultat est le même) : il sait très bien que la crise se situe en zone euro et nulle part ailleurs, que les risques pour 2014 et au-delà sont concentrés quasi-exclusivement en zone euro (je dis "quasi" car il y a aussi le cas du Brésil). Il le sait, pour au moins 3 raisons :
  • Il le sait parce qu’il avait milité pour une cible temporaire d’inflation à 4 %/an (c’est le niveau où Paul Volcker avait crié victoire dans son combat contre l’hydre inflationniste au milieu des années 1980 !!) et que, 3 années et demi après cette proposition qui lui avait valu des tonnes d’injures et de pressions de la part de tout l’establishment européen (Bundesbank et BCE en tête), l’inflation officielle (biaisée, surestimée, et silencieuse sur la déconfiture des prix d’actifs) se situe à 1% sur 12 mois en zone euro et elle est prévue à 1,3% pour 2014 par la BCE elle-même : donc pour tous les économistes un peu sérieux, dont Olivier Blanchard fait partie, la zone euro est coincée dans une trappe japonisante, une trappe déflationniste qui est aussi une trappe à dettes ; une situation archi-dangereuse.
  • Il le sait parce que le FMI justement doit perfuser 8 Etats européens dont le Portugal qui a cramé 78 milliards d’euros de prêts en moins de 4 ans (imaginons que le contribuable européen soit appelé à la rescousse pour les problèmes de Détroit ou de la Nouvelle-Orléans, ce serait amusant, non ?). Il sait donc de source sûre qu’il n’y a aucune solidarité budgétaire intra-européenne au-delà des mots, que les prêts ne sont pas des dons (et que prêter à 3% quand le PIB nominal se contracte ne fait qu’alourdir le fardeau), et que la BCE ne fait décidément pas son travail (ce qui confirme que nous ne vivons pas dans une authentique zone monétaire) elle qui refuse tout QE, toute ZIRP, toute forward guidance et toute dévaluation. Il sait que tout cela est très instable politiquement.
  • Il le sait parce qu’en tant que chef économiste du FMI il est bien placé pour connaitre ce genre de graphique qui montre que la zone euro a un monopole mondial en terme de double-dip et de contraction continue de la demande agrégée (le PIB nominal) suite à une politique monétaire infondée : voici le nombre de chômeurs en zone euro versus le nombre de chômeurs dans l’Union européenne hors zone euro :

Il le sait enfin parce qu’au-delà de quelques enquêtes (les "données en mou" : PMI, indices de confiance, prévisions de Bercy…) les données "en dur" (les transactions réelles, et les indicateurs monétaires qui sont les plus avancés) racontent toujours une histoire sordide pour la zone euro : ici, la diffraction entre l’enquête de confiance zone euro qui se redresse et la chute du crédit qui continue (et qui n’augure rien de bon pour l’investissement en 2014 et pour la croissance potentielle) (et qui en dit long sur la terreur monétaire dans les PIGS notamment) :
Donc, Blanchard sait tout, mais il ne dit rien. Et le service com’ du FMI glose sur les risques américains et les risques des pays émergents, ça ne mange pas de pain et ça permet de se couvrir si quelque chose arrive. Un 2e couteau (Jörg Decressin, “deputy director of the research division at the IMF”) "prévoit" un rebond de l’économie européenne, chose logique : d’une part, les européens sont les premiers actionnaires du FMI, d’autre part il est indispensable d’avoir un rebond européen chaque année sinon tous les plans de la Troïka (BCE / FMI / Commission, "Lui, Elle , ça" pour ceux qui se souviennent du Consulat) s’effondrent sur la place publique (je devrais dire : "s’effondrent une nouvelle fois"). Pas fou, Blanchard laisse dire, et en "off" j’imagine que ses propos sont bien différents.


C’est la politique (le FMI a toujours été une organisation politique, en 1996 je me souviens que tout le staff était vent debout contre le prêt à la Russie, pour ne prendre qu’un exemple) : il n’y a pas une expertise brute de décoffrage mais une tripartition, l’officiel, l’officieux et le secret :
  • Officiellement, il n’y a plus de risques en zone euro (Mario Draghi, 10 janvier 2013 : "We are now back in a normal situation from a financial viewpoint", donc les spreads sont à l’équilibre, tout baigne), et salutations au passage aux chômeurs espagnols.
  • Officieusement, on est quand même très mal barrée et plus que jamais dans une trappe déflationniste (si j’ai tout faux, que l’on m’explique ce que le taux 10 ans Allemand fait à ce niveau là, et ce que le CAC40 fait à 40% plus bas que son équivalent US ou UK).
Secrètement, les économistes les plus sérieux et les plus conséquents (Thoris, Wyplosz qui lui pique ses idées sans le citer, Artus dans ses bons jours, quelques autres discrètement, y compris des gens du FMI) savent déjà que toutes les dettes privées et publiques ne pourront pas être remboursées en zone euro à politique monétaire constante. Ils élaborent donc des mécanismes pour en sortir sans trop de casse, je veux dire de manière ordonnée pas comme ces affreux haircuts façon Grèce, à savoir remise des dettes ou renversement de l’ordre monétaire, parfois les deux si l’on admet que seule la BCE peut placer ces masses d’actifs dans son bilan (des auteurs du FMI ont même vanté des solutions plus radicales encore, dans un papier de recherche assez technique donc plutôt confidentiel, l’année dernière). Mais comme tous ces auteurs plus ou moins dissidents n’ont pas le service de com’ du FMI à leur service, ils sont peu écoutés… et il y aura donc de la casse.
Quant à moi, je crois que mes chances de finir un jour chef économiste du FMI, qui étaient déjà passablement minces pour quelques bonnes raisons, viennent encore de se réduire mais cette fois pour de mauvaises raisons. Tant pis, Washington est de toute façon une ville très surfaite en dehors du musée de l’air et de l’espace.

La tentation est grande, pour nos grands manipulateurs gestionnaires, de bouleverser notre système de monnaies de singes, car le remboursement des dettes avec de l’argent dévalorisé prendra trop de temps.
Les plus malins ont transformé leurs avoirs en biens tangibles. La soi-disant évasion fiscale en serait un révélateur, beaucoup de moutons ayant suivi le mouvement sans en assimiler la finalité.
Le risque de conflits majeurs permettant de remettre tout à plat semble s’éloigner, quoique…
Depuis quelques années, certaines sources ont fait état de l’existence de stocks importants de billets de banque spécifiques à un usage interne aux Etats-Unis.
Il y aurait alors deux types de dollars, et le peuple américain vivrait en autarcie.
Qu’en est-il de cette information ? Si ce schéma se réalisait, il est probable que les Européens feraient de même.
Nous assisterions ainsi à la création d’une monnaie vraiment internationale, qui ne serait plus le dollar, et qui serait déconnectée des monnaies « locales ».

Attention :  Le FMI est un organe pro-Washington qui n'a aucune liberté réelle d'analyse et de parole. Son utilité actuelle est à démontrer.

http://www.atlantico.fr/

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