Diffusés sur Internet ou sous le manteau, de nouveaux médias se développent clandestinement en Syrie, à l'ombre de la propagande officielle.
Elle écrit comme elle parle. Un ton pressé, incisif, qui décrit à chaud le cauchemar de son quotidien: les blessés qui agonisent sur les trottoirs, les tireurs embusqués sur les toits, la pénurie alimentaire. Elle n'a pas le temps de se plaindre, Iman. Encore moins de pleurer tous ses morts, dont la liste s'allonge de jour en jour. À Homs, sa ville, endeuillée par neuf mois de répression, elle retient son souffle lorsqu'elle slalome, un carnet de notes enfoui dans sa poche, entre les postes de contrôle de l'armée pour aller récolter les témoignages de ses concitoyens.
«Chercher à dire la vérité sur les massacres commis par le régime de Bachar, c'est signer son arrêt de mort. Mais je veux raconter notre tragédie, quel qu'en soit le prix!», avance, depuis son domicile, la jeune journaliste syrienne de 33 ans, grâce à une communication péniblement établie sur Skype. Chaque semaine, ses articles remplissent les colonnes de Souria bada hurriya(«La Syrie veut la liberté»), un de ces nouveaux journaux indépendants qui fleurissent depuis quatre mois à l'ombre de la propagande du régime. Publié sur Internet et alimenté par des dizaines de reporters disséminés à travers le pays, cet hebdomadaire est également diffusé sous le manteau, sous forme de photocopies. «La violence du régime pousse, chaque jour, certains de mes concitoyens à prendre les armes pour se révolter. Mon combat, il est d'encre et de papier. Pour moi, c'est le meilleur moyen d'éduquer les esprits à la démocratie», précise Iman, qui jongle quotidiennement entre sa bataille au nom de la liberté et sa vie de famille - elle est mère de quatre enfants.
Résistance
Véritable mine d'information, son magazine est aussi une agora, à l'image du débat inédit qui prévaut depuis le début de l'insurrection contre Bachar el-Assad, en mars dernier. Et qui n'épargne personne: ni le régime, accusé de crimes contre l'humanité, ni la Ligue arabe, jugée trop complaisante envers les autorités syriennes, ni certains milieux de la dissidence minés par des querelles de pouvoir. «Les tensions internes à l'opposition risquent de mener à l'échec de la révolution et à son infiltration par Bachar el-Assad», prévient le journaliste Melhem al-Droubi dans un article datant du 13 novembre 2011.
La vigilance à l'égard des douloureux lendemains révolutionnaires des pays voisins y est également à l'ordre du jour, comme dans ce texte signé par un certain Shammous. «Tous les révolutionnaires du monde arabe devraient tirer des leçons de la situation égyptienne. La révolution, ce n'est pas se contenter de renverser un régime, c'est aussi se débarrasser de toute la culture qui va avec», met en garde l'écrivain, en référence à l'accaparement, au Caire, du pouvoir par les militaires depuis la chute de Moubarak. D'autres articles s'intéressent aux différentes formes de résistance. L'un, par exemple, se penche sur la grève de la faim. Et dans un pays où l'humour s'est vite imposé comme une arme contre la censure, la page réservée aux caricatures épingle régulièrement les différents tortionnaires du régime.
Comme la plupart des nouveaux médias de la révolution syrienne, la préparation hebdomadaire de «La Syrie veut la liberté» obéit à un système qui fonctionne par réseau interactif. Rédigés depuis Damas, Homs ou encore Deraa, les articles sont ensuite édités et mis en ligne par des «relais» disséminés dans plusieurs pays: Arabie saoudite, Égypte, Jordanie… «Il y a une vraie solidarité entre Syriens de l'intérieur et de l'extérieur», relève, depuis Dubaï, Naji Tayara. À 32 ans, ce jeune activiste en exil, dont le père croupit dans une geôle syrienne depuis sept mois, est le porte-parole de la «Radio de la révolution syrienne», lancée à l'automne dernier. Diffusée sur Internet et financée par un riche homme d'affaires syrien, elle offre des témoignages de manifestants et d'habitants des villes assiégées par l'armée pour «que les personnes bloquées chez elles sachent ce qui se passe dans le quartier voisin ou dans d'autres régions». Un support de communication très précieux mais qui se heurte à divers obstacles.
D'abord, les attaques des hackers du régime, qui forcent Naji Tayara à reconfigurer régulièrement le site Web de la radio. Ensuite, la limitation de la diffusion à Internet, auquel de nombreux Syriens n'ont pas accès. «L'idéal serait de pouvoir émettre nos programmes via la FM, grâce à un dispositif installé dans un pays frontalier. Mais ni le Liban ni la Turquie ne sont prêts à prendre le risque de fâcher Damas», concède-t-il.
La presse internationale et du Golfe rend compte de la mission des observateurs de la Ligue arabe sur la seule base des imputations de l’Observatoire syrien des Droits de l’homme (Bureau londonien des Frères musulmans). L’armée tuerait des manifestants pacifiques, et continuerait à le faire malgré la présence des observateurs.
Par anticipation de leur possible refus du rapport final, certains médias poursuivent la campagne contre le directeur de la Mission de la Ligue arabe.
Aucun média n’a suivi les observateurs sur le terrain, ni ne les a interrogés. Aucun ne rapporte les combats entre l’armée régulière et les groupes terroristes, la prise d’otages en cours, et la médiation des observateurs.
Par anticipation de leur possible refus du rapport final, certains médias poursuivent la campagne contre le directeur de la Mission de la Ligue arabe.
Aucun média n’a suivi les observateurs sur le terrain, ni ne les a interrogés. Aucun ne rapporte les combats entre l’armée régulière et les groupes terroristes, la prise d’otages en cours, et la médiation des observateurs.
La presse internationale est troublée par les déclarations du directeur de la Mission d’observation de la Ligue arabe, Mohamed Ahmad al-Dabi, selon qui la situation à Homs est « rassurante ».
Dès lors, les journaux se divisent entre ceux qui s’expriment avec prudence, craignant sans le dire d’avoir été intoxiqués et d’avoir déformé ou exagéré les événements ; et ceux qui accusent les observateurs de « faux témoignages », mettant directement en cause la probité de M. al-Dabi et de ses collègues.
Pour expliquer leur revirement, les médias qui exigeaient la venue des observateurs et les récusent aujourd’hui, assurent que le général al-Dabi a été imposé à la Ligue par le « régime » syrien. Ce faisant, ils oublient que la Syrie a été suspendue de la Ligue et ne peut donc y exercer la moindre influence.
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