Des soldats au secret à un sanctuaire étrange
Comment souhaiter de meilleurs vœux à nos soldats d’Afghanistan ? Sauf aux deux derniers, abattus par un « allié ».
En essayant peut-être d’y voir un peu plus clair.
Une guerre sans image
La guerre d’Afghanistan est une guerre sans images, avec très peu de commentaires. Pour l’opinion publique française, c’est l’indifférence générale. En France, le silence radio est total et surtout imposé.
Nos blessés sont, par exemple, confinés à l’Hôtel des Invalides, sous le contrôle de la sécurité militaire, dans un silence et un isolement stupéfiant. On les prive de toute parole, de tout contact avec l’extérieur pendant à peu près six mois. Puis on les relâche dans leur famille, sans plus de soutien.
Au Ministère de la Défense, c’est une paranoïa jamais atteinte : personne ne peut les approcher, ils n’ont plus le droit de parler, alors que nous savons bien que ce sont des hommes d’honneur, qui n’attenteront jamais à nos intérêts.
Que craint-on donc ? Que cherche-t-on à nous cacher que l’on ne sache déjà ? La France, en Afghanistan, est sous commandement américain. Il s’agit d’une « sale guerre » que, de toute évidence, les Occidentaux perdront
L’Otan vient de décider que les raids de nuit continueront en Afghanistan avec la participation de l’armée afghane. Ces attaques nocturnes, qui ciblent d’éventuels insurgés ont fait l’objet de critiques répétées du Président Hamid Karzaï. C’est sans doute pour lui répondre indirectement que le Brigadier Général américain, Carsten Jacobson, a répliqué que les forces spéciales afghanes participeront maintenant à ces raids de nuit. Ces raids, dont on parle très peu, sont l’objet, sur place, de tensions, non seulement avec le gouvernement officiel afghan mais aussi entre les alliés. Le Président Karzaï avait demandé à ce que les troupes étrangères cessent d’entrer dans les maisons, arguant que les Afghans ne sauraient se sentir en sécurité par ces intrusions continuelles au milieu de la nuit. Jacobson a donc répliqué que ces opérations nocturnes sont la manière, la plus sûre, d’attraper les chefs insurgés. Il a précisé que, pour l’ensemble des opérations effectuées, seules 1 % a affecté directement des civils et que 85 % de ces opérations n’ont pas fait usage de tirs.
La mort de nos deux soldats révélatrice d'une gangrène de l'armée afghane
Au mois de novembre, dans la traditionnelle assemblée nationale afghane, qui réunit les tribus, laJirga, Karzaï avait réitéré sa demande d’arrêt complet des opérations militaires nocturnes et il avait ajouté que au moins, selon lui, elles devraient être conduites et contrôlées par l’armée afghane. Ce serait à cette remarque que l’armée américaine aurait, en partie, répondu fin décembre, car elle viendrait justement à point pour renforcer l'implication des Afghans dans le conflit vivement souhaitée par les Occidentaux.
Normalement, les troupes étrangères doivent quitter le sol afghan en 2014 et, comme en Irak, l’armée nationale devrait prendre le relais. Il y aurait eu 2 800 raids aériens en 2011, mais de nombreux tacticiens s’interrogent réellement sur leur efficacité, aussi bien militaire que politique. En effet, on constate, sur place, que lorsque les vieux chefs de la guérilla sont tués ou arrêtés, ils sont immédiatement remplacés par de plus jeunes mais surtout, depuis quelque temps par des combattants beaucoup plus agressifs, de vrais militants islamistes qui sont, eux-mêmes, disposés à ne plus passer de compromis avec le gouvernement officiel. Ainsi, les Etats-Unis en seraient-ils à envisager de signer un agrément avec le gouvernement afghan pour laisser sur place plusieurs milliers de soldats au-delà de 2014, arguant toujours de la formation nécessaire de l’armée afghane dans sa lutte contre le terrorisme.
On peut y croire, sauf que l’armée afghane perd ses effectifs au fur et à mesure qu’ils se constituent ! En effet, ce sont près de 24 000 soldats afghans qui auraient déserté au premier semestre 2011, soit 8% des effectifs ! Pour le seul mois de juin 2011, 5 000 hommes auraient quitté l’armée, soit 3% des troupes nationales composées de 170 000 hommes. Quels sont les motifs des soldats déserteurs ? Tout bonnement matériels ! Les soldes n’ont pas été payées, ils n’avaient pas reçu leurs salaires, car le FMI avait bloqué, au printemps, un prêt d’assistance financière à l’Afghanistan, considérant que le pays n’avait pris aucune mesure d’assainissement de son système bancaire. On aura donc compris, indirectement, que l’argent, comme toujours en Afghanistan, aura été la principale motivation des engagements dans l’armée officielle ! On est loin de la démocratisation en marche de l’Asie, prônée par l’idéologue Natan Sharansky !
La confiance s’effiloche
Mais il n’y a sans doute pas que cela. Il y a, dans les régions du Sud et de l’Est, une dégradation certaine de la confiance dans le régime actuellement au pouvoir et de sérieux doutes sur sa capacité à assurer la sécurité. Au Nord-est, des provinces entières sont sous contrôle des Talibans. Non seulement, ils les occupent militairement, mais aussi les administrent avec, d’ailleurs, l’argent versé au gouvernement légal par les pays donateurs. Pire, l’essentiel des districts des provinces de la Kunar et celle du Nuristan, situées à la frontière du Pakistan, est aujourd’hui géré par les insurgés, les forces de l’Otan y auraient même retiré, en partie, leurs troupes, les Français « contrôlant » toujours l’axe du couloir en amont (la zone de Kapisa).
Une manœuvre anti-chinoise ?
L’idée américaine serait, finalement, de ne contrôler que 75 % du territoire afghan. Mais alors, pourquoi laisser justement la région de Kunar aux insurgés ? Un accord aurait-il été passé ? La région de Kunar (100 000 ha) est, en effet, le passage obligé et historique entre le Pakistan et l’Afghanistan, un couloir qui a toujours été la clef des insurgés, le lieu où ils reprennent leurs forces, s’entraînent, se nourrissent et reposent leurs combattants. Et ceci, que ce soit contre les Soviétiques ou contre les troupes britanniques au 19e siècle.
Pourquoi donc avoir créé délibérément un refuge insurgé sur le sol même de l’Afghanistan et qui plus est, en territoire pachtoun, à la frontière pakistanaise ? Pour menacer le Pakistan devant son rapprochement avec la Chine ?
Nos soldats français ne seraient donc là-bas que pour contrôler la Chine, pour endiguer sa pénétration moyen-orientale et eurasique ? Pourquoi le cacher ? Pourquoi avoir honte et de le dire ?
La Chine et le Pakistan ont, en tout cas, signé, le 27 décembre à Islamabad, un traité sur des relations de coopération amicale et de bon voisinage, renforçant, de manière inattendue, le développement des relations bilatérales des 50 dernières années. Le traité a été signé par le Premier ministre chinois, Wen Jia Bao, et son homologue pakistanais, Shaukat Aziz. « Il s'agit d'un document historique doté d'une grande signification pratique », a déclaré Kong Quan, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « La Chine et le Pakistan se sont toujours accordé soutien et compréhension mutuels et leur relation a résisté à tous les climats et à l'épreuve du temps » a relevé ensuite M. Wen, ajoutant que le renforcement de cette relation représentait une tâche commune pour les deux pays.
Le Premier ministre chinois a formulé ses propositions en cinq points :
- – renforcer le partenariat stratégique et coopératif en vertu du traité sur les relations de coopération amicale et de bon voisinage;
- – élargir la coopération économique et commerciale ainsi que la coopération en matière de ressources, finance et agriculture;
- – signer un accord sur la lutte contre les « trois vices », selon la nouvelle terminologie chinoise en vogue, à savoir le « terrorisme », le « séparatisme » et l' « extrémisme »;
- – encourager les contacts entre les deux peuples et les échanges dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la jeunesse;
- – promouvoir la coordination sur les questions internationales et régionales pour la paix, la stabilité et la prospérité.
Le Premier ministre pakistanais, Aziz a cru bon de signaler que l'approfondissement du partenariat stratégique et coopératif avec la Chine constituait, depuis longtemps, la fondation de la politique étrangère du Pakistan, réitérant que « la relation pakistano-chinoise résiste à l'épreuve du temps et se développe vers une étape nouvelle et dynamique ». L’oncle Sam et ses alliés peuvent-ils vraiment lâcher l’Afghanistan ? S’agirait-il alors de contrôler artificiellement le pays en y déversant de l’argent à pure perte pour laisser faire aux frontières pakistanaises les Talibans faire le sale boulot ?
Nos soldats sont bien engagés dans une drôle de guerre.
Michel Lhomme
Metamag.fr
2/01/2012
Metamag.fr
2/01/2012
Correspondance Polémia
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