En affirmant, jeudi 19 janvier, que "l’Iran est présent au Liban-Sud et en Irak, et que ces deux pays sont soumis, d’une manière ou d’une autre, à la volonté de Téhéran", le chef de la brigade al-Quds des Gardiens de la Révolution iranienne, le général Kassem Suleimani, a indirectement dévoilé les plans du Hezbollah et condamné ses alliés, notamment chrétiens, au suicide politique.
Au-delà de la gravité des propos Suleimani, que certains continuent à minimiser en dépit de leur confirmation par Téhéran - selon lequel Suleimani a été mal compris -, le chef de la Brigade Al-Quds a confirmé que le Hezbollah fait partie du dispositif expansionniste iranien, ce que dénoncent l’ensemble des Libanais qui refusent de servir de boucliers à la République islamique et à son programme nucléaire (comme ce fut le cas durant la guerre des 33 jours de l’été 2006).
Pourtant, certains dirigeants politiques libanais, opportunistes, ont succombé à la tentation du pouvoir et de l’argent et se sont alliés avec le Hezbollah dans l’espoir de se voir propulser à la présidence de la République. Ceci est particulièrement vrai pour le général Michel Aoun, qui a troqué son discours patriotique hostile à l’occupation syrienne et à l’armement du Hezbollah contre une alliance intéressée avec Hassan Nasrallah et un alignement sur Bachar Al-Assad. Michel Aoun, champion de la libération (1989), avait témoigné au Congrès américain, en 2004, contre le régime syrien et le Hezbollah, avant de faire allégeance au premier et de s’allier au second, grâce à l’argent iranien. Mais l’acrobatie politique de Michel Aoun s’est répercutée sur sa popularité parmi les Chrétiens libanais qui se considèrent plus que jamais comme les Gardiens de la souveraineté et de l’indépendance de leur pays. Le Hezbollah, qui se revendique du concept iranien de Wilayat e-Faguih, et Hassan Nasrallah, qui affichait sa fierté d’appartenir à l’armée de Wali e-Faguih, se sont servis de leur alliance avec Michel Aoun pour s’octroyer une couverture politique chrétienne et nationale qui, pensaient-ils, protégeait leur armement et leur projet.
De fait, depuis février 2006, l’alliance entre Aoun et Nasrallah n’a servi que le second, laissant au premier des miettes que représentent les postes ministériels, sources d’enrichissement. Car, fondamentalement, le ministre de l’Energie (le gendre du général), ou celui des Télécommunications, n’ont aucun pouvoir réel. Au mieux, ils peuvent exécuter les ordres du Hezbollah. A titre d’exemple, le Parti de Dieu se sert de la docilité du ministre des Télécommunications pour développer son propre réseau. L’autre exemple le plus flagrant concerne le secteur électrique dramatiquement sinistré. Le ministère de l’Energie et de l’Electricité, qui a systématiquement été géré par les pro-syriens depuis l’avènement de la deuxième République (1990), a littéralement comploté contre les intérêts du Liban. Il a lié les approvisionnements du pays en gaz égyptien à la volonté de Damas, en faisant passer le Gazoduc arabe par la Jordanie et la Syrie, puis le Liban, au lieu de l’acheminer par la mer directement du Sinaï vers le Liban, comme le suggéraient les Egyptiens. Ce faisant, la Syrie a désormais disposé de tous les moyens d’asphyxier le Liban. Plus cynique encore, les militants du Hezbollah et leurs familles ne payaient et ne paient toujours pas le courant électrique au nom du soutien à la Résistance face à l’occupation israélienne (qui a pourtant pris fin en 2000). Ce phénomène s’est répandu d’abord dans le Sud, alors occupé, puis vers la banlieue sud de Beyrouth, pour toucher l’ensemble des régions chiites. Le ministre de l’Energie et de l’Electricité, allié du Hezbollah, est ainsi coincé entre le marteau des impératifs économiques et l’enclume de la Résistance. Au nom de la Résistance, le Liban a ainsi été empêché de privatiser le secteur électrique pour le rendre compétitif, comme l’exigeaient les institutions financières internationales et les pays donateurs du Liban, y compris sous les gouvernements libéraux.
Cette réalité, et bien d’autres, ont provoqué un réel mécontentement au sein du Courant Patriotique Libre (CPL). La popularité du général Aoun s’en est durement affectée, d’autant plus que les Chrétiens n’apprécient pas son soutien à leur bourreau de trente ans, le régime syrien. Pour compenser la perte prévisible de la couverture aouniste, le Hezbollah tente à présent de se rapprocher de l’Eglise maronite et multiplie les réunions avec le Patriarche Béchara Raï et ses proches, lesquels continuent à prêcher l’alliance des minorités et à défendre le régime syrien, décrété « protecteur des Chrétiens » ! Le paradoxe est que la perspective de la chute de Bachar Al-Assad semble davantage inquiéter les opportunistes sur leurs carrières politique et religieuse, que sur l’avenir des Chrétiens en Syrie, au Liban et en Orient plus généralement.
Dans ce contexte, les propos de Kassem Suleimani sur la mainmise iranienne sur le Liban sont significatifs. Ils confirment que le Hezbollah, aux ordres de Téhéran, s’est servi de Michel Aoun sans contrepartie, et se sert aujourd’hui de l’Eglise maronite. A défaut de les soumettre par la force, l’Iran et le Hezbollah tente de le faire par la feinte. Car ils sont conscients que le peuple libanais, et plus particulièrement sa composante chrétienne dirigée par Samir Geagea, qui a lutté durant 30 ans contre l’occupation syrienne, refuse de trahir ses principes et son histoire et de troquer le rêve d’indépendance et de souveraineté contre un empire perse.
Les déclarations de Souleimani tombent au plus mauvais moment pour Michel Aoun et le ministre de l’Energie et de l’Electricité, Gebran Bassil, au point que le premier a pris la défense de son gendre, ce mardi, appelant « les Libanais qui paient leurs factures électriques à manifester et à protester contre le rationnement du courant ». Est-ce à dire que Michel Aoun est exaspéré par le comportement des Chiites qui ne paient pas ? Par extension, ses propos annoncent-ils un divorce d’avec le Hezbollah et l’abandon du bateau syro-iranien qui prend désormais l’eau et qui entame son naufrage ? Selon d’anciens lieutenants de Michel Aoun, qui l’ont accompagné depuis sa lutte pour l’indépendance jusqu’à son retournement en 2006, affirment que « le divorce est inéluctable », mais ajoutent, non sans amertume, que « ce divorce se terminera par le suicide politique du général ».
Stefano B. C.
Source «MediArabe.info»
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