Les événements récents laissent supposer un changement de donne en faveur du régime Assad et une évolution certaine de la dynamique dans la crise. Quatre experts se sont penchés, au Carnegie Middle East Center, sur les raisons de ce tournant et sur un éventail de scénarios à envisager concernant l’avenir du conflit.
Résilience
« Au cours des six à sept mois à venir, prévoit Yezid Sayigh, ce sera le début de la fin. Bien entendu, les violences ne cesseront pas miraculeusement et brusquement, mais au court de ces quatre derniers mois, le régime de Bachar el-Assad a remporté de nombreux succès et peut voir l’équilibre dynamique/stratégique pencher en sa faveur. »
L’opposition également s’en retrouvera affectée sur le plan politique, vu qu’il existe la possibilité que les Frères musulmans se retirent de la coalition de l’opposition. Il ne faut pas oublier que l’image de cette dernière est désastreuse en Syrie, dont la rébellion garde en tête les images de beaux hôtels à l’étranger où les discussions stériles de la coalition ne mènent à rien de concret depuis deux ans. Il y a donc un sentiment qui est en train de se généraliser et qui est que les Frères musulmans peuvent aboutir à quelque chose sur le terrain. Ils ne sont pas influencés par quelque camp que ce soit, et si, par le passé, ce mouvement était plutôt fragmenté, il est en voie de consolidation et ne recherche plus l’anonymat ; tout cela est un atout pour certains groupes de l’opposition. « Toutefois, le fait de se retirer de la coalition de l’opposition syrienne représente un risque élevé pour la confrérie », tempère l’auteur, qui ajoute que « plusieurs scénarios sont à envisager, mais le plus probable reste celui que le mouvement “gèlera” sa participation à la coalition, sans l’abandonner totalement ». En attendant des décisions réelles au niveau diplomatique, la conférence de paix internationale dite « Genève 2 » pourra donner une idée plus claire de la situation. La communauté internationale devrait aussi s’attendre à ce que, d’ici là, l’opposition se fragmente de plus en plus, rendant nécessaire un accord entre les États-Unis et la Russie.
Impact régional
Paul Salem rappelle que le conflit syrien a commencé dans un contexte de « printemps », ou soulèvements, arabes : « C’est un changement de pouvoir extrêmement important puisqu’il est passé aux mains des populations. Le sentiment d’unité nationale a donc changé en Syrie et n’est pas sans nous rappeler le cas libanais similaire », où la cohésion nationale est moins importante que la cohésion sectaire. Le régime Assad a prouvé ces derniers temps sa résilience, et s’il est plus puissant que l’opposition en termes de cohésion et d’armes, il n’en demeure pas moins que même s’il se maintient au pouvoir, il sera inévitablement très affecté par le conflit qui fait rage en Syrie depuis mars 2011. « Le Levant (Liban-Syrie-Irak) se retrouve ainsi brisé, pour l’expert, et aucune réparation n’est en vue. Contrairement à l’Égypte ou à certains pays d’Afrique du Nord, qui sont en pleine transition et cherchent leur voie, et où l’unité nationale n’est pas si menacée, la Syrie se trouve en quelque sorte sur une faille, et l’axe Békaa/Damas est brisé. » Ce conflit est historique, et rien ne peut laisser deviner ce que l’avenir réserve en termes de solutions politiques.
Avant le début de la révolte, la Turquie et le Qatar entretenaient et encourageaient de bons rapports avec les acteurs régionaux et à tous les niveaux : commerce, économie, etc. Le Qatar aussi avait de bonnes relations avec le Hezbollah et Bachar el-Assad. Toutefois, ces deux pays ont choisi leur camp dès le début des violences, tout comme l’Iran. En Irak, le Premier ministre chiite Nouri el-Maliki a essayé de prendre une position centriste et de rester neutre. Mais alors que la modération était recherchée, la région est devenue celle d’une guerre sectaire et polarisée, et les effets ne commencent que maintenant à apparaitre. Ainsi, la « stabilité » relative qui prévalait dernièrement entre Israël, le Hezbollah et la Syrie « se retrouve très sérieusement menacée », s’inquiète M. Salem. En outre, la Russie aujourd’hui est reparue sur la scène régionale après quelque vingt ans d’absence et de non-implication, ou en tout cas de discrétion absolue, ce qui change la donne régionale.
L’axe russo-iranien
L’on pourrait se demander quelles pourraient être les motivations de la Russie pour aider la Syrie. Tout d’abord, pour Moscou, « il y a la priorité d’un certain ordre mondial, de l’usage de la force et sa gestion. La Russie considère par exemple que les pouvoirs militaires américains devraient être étroitement surveillés, sinon contrôlés, par le Conseil de sécurité de l’ONU », affirme au passage Dmitri Trenin. Ensuite, vient la souveraineté : la Russie n’a pas oublié la leçon libyenne de 2011. Rappelons que la Russie avait condamné l’usage de la force militaire par les forces de Kadhafi contre les civils libyens en février 2011, mais s’est abstenue lors du vote de résolution 1973 à l’ONU, et n’a reconnu le CNT comme représentant légitime qu’au mois de septembre de la même année. Il ne faut pas oublier non plus que la Russie fait face, à l’intérieur de ses frontières, aux islamistes radicaux prenant le pas sur les modérés et à une montée en puissance de groupuscules extrémistes. Il est important de noter au passage qu’il y a quelques semaines, les médias russes ont fait état de la présence de 200 Russes au moins en Syrie combattant le régime...
Au niveau régional, « la Russie n’avait pas réellement d’intérêts géopolitiques en Syrie avant le début du conflit. Aujourd’hui, pourtant, Moscou estime que le régime Assad pourra écraser la rébellion et fait face, par la même occasion, à l’hégémonie américaine », estime le chercheur. En attendant, l’attitude des États-Unis concernant le conflit ont, récemment, évolué pour faire place à plus d’ouverture diplomatique en direction de la Russie, montrant un désir certain de collaboration et de concession pour mettre fin aux violences. Cependant, un problème se pose : certains acteurs sur le terrain syrien ne sont d’obédience aucune, et ne répondront peut-être pas aux demandes russes, américaines, saoudiennes ou autres. Pendant ce temps, la Russie, inquiétée par les problèmes sécuritaires, ne montre pas de réel appétit pour plus d’implication dans la politique régionale et fait face à un test décisif quant à sa politique étrangère.
Le pôle iranien ne doit pas être oublié non plus, et quelle que soit la solution aux violences en Syrie, elle doit lui convenir autant qu’aux autres protagonistes, vu sa mainmise et son omniprésence en Syrie comme au Liban. De nombreux observateurs estiment que la République islamique est passablement « mécontente » et « frustrée », pour reprendre les termes de Paul Salem, de la manière dont Bachar el-Assad a géré le soulèvement et les violences qui secouent son pays depuis deux ans, et qui a énormément coûté à la Syrie, comme à ses alliés, à tous les niveaux. « Tout comme le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Bachar el-Assad ne jouit plus de la même popularité dans le monde arabe qu’il y a quelques années », ajoute l’expert.
Téhéran, comme Moscou, préférerait, pour M. Salem, une solution politique au dossier syrien, tout en préservant ses alliances stratégiques régionales.
La chute de Qousseir aux mains du régime est une sorte de pierre blanche dans la chronologie du conflit ; un tournant décisif.
La ville elle-même n’est pas si essentielle, mais plutôt l’axe sur lequel elle se trouve, particulièrement stratégique, ainsi que sa symbolique. De plus, le régime a gagné du terrain dans d’autres régions, comme dans le Sud, du côté de Deraa, ou encore près d’Alep. Qousseir fait partie d’une vaste campagne militaire, organisée à grande échelle, et d’autres affrontements du même calibre sont à prévoir, à Homs et Alep notamment. C’est pour cette raison qu’il importe de ne pas penser un moment que le conflit syrien s’est terminé ou est sur le point de prendre fin avec la chute de ce bastion rebelle.
D’un autre côté, les divergences au sein de l’opposition sont extrêmement importantes. Jusqu’ici, l’opposition a échoué politiquement, ce qui a naturellement affecté son aile militaire. Néanmoins, certains groupes rebelles ont pu tant bien que mal combler quelques vides sur le terrain en montrant un front uni, notamment du côté des islamistes. Avec la chute de Qousseir donc, une nouvelle phase, cruciale, du conflit commence. C’est pour débattre par vidéoconférence de cette question que Yezid Sayigh (expert et associé au Carnegie Middle East Center), Paul Salem (directeur du Carnegie MEC), Raphaël Lefèvre (auteur et spécialiste de la question syrienne) et Dmitri Trenin (chercheur et directeur du Carnegie Moscow Center) se sont retrouvés.
D’un autre côté, les divergences au sein de l’opposition sont extrêmement importantes. Jusqu’ici, l’opposition a échoué politiquement, ce qui a naturellement affecté son aile militaire. Néanmoins, certains groupes rebelles ont pu tant bien que mal combler quelques vides sur le terrain en montrant un front uni, notamment du côté des islamistes. Avec la chute de Qousseir donc, une nouvelle phase, cruciale, du conflit commence. C’est pour débattre par vidéoconférence de cette question que Yezid Sayigh (expert et associé au Carnegie Middle East Center), Paul Salem (directeur du Carnegie MEC), Raphaël Lefèvre (auteur et spécialiste de la question syrienne) et Dmitri Trenin (chercheur et directeur du Carnegie Moscow Center) se sont retrouvés.
Résilience
« Au cours des six à sept mois à venir, prévoit Yezid Sayigh, ce sera le début de la fin. Bien entendu, les violences ne cesseront pas miraculeusement et brusquement, mais au court de ces quatre derniers mois, le régime de Bachar el-Assad a remporté de nombreux succès et peut voir l’équilibre dynamique/stratégique pencher en sa faveur. »
L’opinion publique ainsi que les experts se doivent néanmoins de se demander comment le gouvernement a fait pour survivre jusqu’à présent, et s’il continue d’ailleurs de survivre, ne serait-ce qu’au niveau de ses institutions, d’autant que l’opposition n’a pas réussi à s’adapter aux événements et à créer de nouvelles stratégies.
En outre, le régime a dû faire face à un important manque d’effectifs, ce qui lui a passablement compliqué la tâche, le forçant à trouver des solutions improvisées et temporaires. Il a ainsi eu recours, sur le terrain, à des moyens coercitifs plus « cheap », comme les chabbiha ou des civils armés. Dernièrement, toutefois, les défections au sein de l’armée ont progressivement cessé. Les militaires, plus précisément ceux de confession sunnite, ont décidé de rester dans l’armée, non par peur ou par ignorance de ce qui se passe comme c’était probablement le cas au début de la guerre, mais parce que la balance est en train de pencher en faveur du régime. « Le moral est remonté, et dorénavant, les soldats loyalistes, qui pensaient peut-être fuir, ne le feront pas et pourront réellement se battre », affirme M. Yezid.
De même, la résilience et les facultés d’adaptation du régime changeront la donne, sans compter que les Comités populaires de l’opposition sont au bord du gouffre. « Si la livre syrienne a chuté, ce n’est rien par rapport à la situation monétaire en Irak en 1989/1990 ou au Liban vers la fin de la guerre civile », rappelle le spécialiste. Malgré les violences, le gouvernement syrien a bel et bien réussi à se maintenir tant bien que mal ; il ne faut pas oublier non plus qu’il a reçu de l’assistance et des conseils de pays amis. Cette situation ne va donc pas perdurer indéfiniment, et « un divorce total entre l’opposition et la rébellion armée est à prévoir d’ici à la fin de l’année », insiste le chercheur.
Les Frères musulmans
Du côté des pays arabes, il est certain, concernant l’opposition, que l’Arabie saoudite a pris le dessus face au Qatar. Cela est essentiel en ce qui concerne la solution politique qui sera probablement trouvée pour mettre fin aux violences, malgré le fait que ces dernières et la brutalité de la répression affectent profondément le comportement de certains groupes rebelles (armés ou pas) sur le terrain. Un changement évident est en train de s’opérer depuis quelques semaines dans les rapports entre les Frères musulmans et le royaume wahhabite, rendant le rôle de ce dernier essentiel. « Il s’agit d’une prise de conscience commune de la part des deux camps que l’entretien de bons rapports est inévitable, d’autant que l’Arabie a réalisé que la confrérie est et restera ancrée en Syrie. Tout cela affectera logiquement la branche libanaise du mouvement, la Jamaa islamiya, et ses liens avec le royaume », pour Raphaël Lefèvre.
En outre, le régime a dû faire face à un important manque d’effectifs, ce qui lui a passablement compliqué la tâche, le forçant à trouver des solutions improvisées et temporaires. Il a ainsi eu recours, sur le terrain, à des moyens coercitifs plus « cheap », comme les chabbiha ou des civils armés. Dernièrement, toutefois, les défections au sein de l’armée ont progressivement cessé. Les militaires, plus précisément ceux de confession sunnite, ont décidé de rester dans l’armée, non par peur ou par ignorance de ce qui se passe comme c’était probablement le cas au début de la guerre, mais parce que la balance est en train de pencher en faveur du régime. « Le moral est remonté, et dorénavant, les soldats loyalistes, qui pensaient peut-être fuir, ne le feront pas et pourront réellement se battre », affirme M. Yezid.
De même, la résilience et les facultés d’adaptation du régime changeront la donne, sans compter que les Comités populaires de l’opposition sont au bord du gouffre. « Si la livre syrienne a chuté, ce n’est rien par rapport à la situation monétaire en Irak en 1989/1990 ou au Liban vers la fin de la guerre civile », rappelle le spécialiste. Malgré les violences, le gouvernement syrien a bel et bien réussi à se maintenir tant bien que mal ; il ne faut pas oublier non plus qu’il a reçu de l’assistance et des conseils de pays amis. Cette situation ne va donc pas perdurer indéfiniment, et « un divorce total entre l’opposition et la rébellion armée est à prévoir d’ici à la fin de l’année », insiste le chercheur.
Les Frères musulmans
Du côté des pays arabes, il est certain, concernant l’opposition, que l’Arabie saoudite a pris le dessus face au Qatar. Cela est essentiel en ce qui concerne la solution politique qui sera probablement trouvée pour mettre fin aux violences, malgré le fait que ces dernières et la brutalité de la répression affectent profondément le comportement de certains groupes rebelles (armés ou pas) sur le terrain. Un changement évident est en train de s’opérer depuis quelques semaines dans les rapports entre les Frères musulmans et le royaume wahhabite, rendant le rôle de ce dernier essentiel. « Il s’agit d’une prise de conscience commune de la part des deux camps que l’entretien de bons rapports est inévitable, d’autant que l’Arabie a réalisé que la confrérie est et restera ancrée en Syrie. Tout cela affectera logiquement la branche libanaise du mouvement, la Jamaa islamiya, et ses liens avec le royaume », pour Raphaël Lefèvre.
L’opposition également s’en retrouvera affectée sur le plan politique, vu qu’il existe la possibilité que les Frères musulmans se retirent de la coalition de l’opposition. Il ne faut pas oublier que l’image de cette dernière est désastreuse en Syrie, dont la rébellion garde en tête les images de beaux hôtels à l’étranger où les discussions stériles de la coalition ne mènent à rien de concret depuis deux ans. Il y a donc un sentiment qui est en train de se généraliser et qui est que les Frères musulmans peuvent aboutir à quelque chose sur le terrain. Ils ne sont pas influencés par quelque camp que ce soit, et si, par le passé, ce mouvement était plutôt fragmenté, il est en voie de consolidation et ne recherche plus l’anonymat ; tout cela est un atout pour certains groupes de l’opposition. « Toutefois, le fait de se retirer de la coalition de l’opposition syrienne représente un risque élevé pour la confrérie », tempère l’auteur, qui ajoute que « plusieurs scénarios sont à envisager, mais le plus probable reste celui que le mouvement “gèlera” sa participation à la coalition, sans l’abandonner totalement ». En attendant des décisions réelles au niveau diplomatique, la conférence de paix internationale dite « Genève 2 » pourra donner une idée plus claire de la situation. La communauté internationale devrait aussi s’attendre à ce que, d’ici là, l’opposition se fragmente de plus en plus, rendant nécessaire un accord entre les États-Unis et la Russie.
Impact régional
Paul Salem rappelle que le conflit syrien a commencé dans un contexte de « printemps », ou soulèvements, arabes : « C’est un changement de pouvoir extrêmement important puisqu’il est passé aux mains des populations. Le sentiment d’unité nationale a donc changé en Syrie et n’est pas sans nous rappeler le cas libanais similaire », où la cohésion nationale est moins importante que la cohésion sectaire. Le régime Assad a prouvé ces derniers temps sa résilience, et s’il est plus puissant que l’opposition en termes de cohésion et d’armes, il n’en demeure pas moins que même s’il se maintient au pouvoir, il sera inévitablement très affecté par le conflit qui fait rage en Syrie depuis mars 2011. « Le Levant (Liban-Syrie-Irak) se retrouve ainsi brisé, pour l’expert, et aucune réparation n’est en vue. Contrairement à l’Égypte ou à certains pays d’Afrique du Nord, qui sont en pleine transition et cherchent leur voie, et où l’unité nationale n’est pas si menacée, la Syrie se trouve en quelque sorte sur une faille, et l’axe Békaa/Damas est brisé. » Ce conflit est historique, et rien ne peut laisser deviner ce que l’avenir réserve en termes de solutions politiques.
Avant le début de la révolte, la Turquie et le Qatar entretenaient et encourageaient de bons rapports avec les acteurs régionaux et à tous les niveaux : commerce, économie, etc. Le Qatar aussi avait de bonnes relations avec le Hezbollah et Bachar el-Assad. Toutefois, ces deux pays ont choisi leur camp dès le début des violences, tout comme l’Iran. En Irak, le Premier ministre chiite Nouri el-Maliki a essayé de prendre une position centriste et de rester neutre. Mais alors que la modération était recherchée, la région est devenue celle d’une guerre sectaire et polarisée, et les effets ne commencent que maintenant à apparaitre. Ainsi, la « stabilité » relative qui prévalait dernièrement entre Israël, le Hezbollah et la Syrie « se retrouve très sérieusement menacée », s’inquiète M. Salem. En outre, la Russie aujourd’hui est reparue sur la scène régionale après quelque vingt ans d’absence et de non-implication, ou en tout cas de discrétion absolue, ce qui change la donne régionale.
L’axe russo-iranien
L’on pourrait se demander quelles pourraient être les motivations de la Russie pour aider la Syrie. Tout d’abord, pour Moscou, « il y a la priorité d’un certain ordre mondial, de l’usage de la force et sa gestion. La Russie considère par exemple que les pouvoirs militaires américains devraient être étroitement surveillés, sinon contrôlés, par le Conseil de sécurité de l’ONU », affirme au passage Dmitri Trenin. Ensuite, vient la souveraineté : la Russie n’a pas oublié la leçon libyenne de 2011. Rappelons que la Russie avait condamné l’usage de la force militaire par les forces de Kadhafi contre les civils libyens en février 2011, mais s’est abstenue lors du vote de résolution 1973 à l’ONU, et n’a reconnu le CNT comme représentant légitime qu’au mois de septembre de la même année. Il ne faut pas oublier non plus que la Russie fait face, à l’intérieur de ses frontières, aux islamistes radicaux prenant le pas sur les modérés et à une montée en puissance de groupuscules extrémistes. Il est important de noter au passage qu’il y a quelques semaines, les médias russes ont fait état de la présence de 200 Russes au moins en Syrie combattant le régime...
Au niveau régional, « la Russie n’avait pas réellement d’intérêts géopolitiques en Syrie avant le début du conflit. Aujourd’hui, pourtant, Moscou estime que le régime Assad pourra écraser la rébellion et fait face, par la même occasion, à l’hégémonie américaine », estime le chercheur. En attendant, l’attitude des États-Unis concernant le conflit ont, récemment, évolué pour faire place à plus d’ouverture diplomatique en direction de la Russie, montrant un désir certain de collaboration et de concession pour mettre fin aux violences. Cependant, un problème se pose : certains acteurs sur le terrain syrien ne sont d’obédience aucune, et ne répondront peut-être pas aux demandes russes, américaines, saoudiennes ou autres. Pendant ce temps, la Russie, inquiétée par les problèmes sécuritaires, ne montre pas de réel appétit pour plus d’implication dans la politique régionale et fait face à un test décisif quant à sa politique étrangère.
Le pôle iranien ne doit pas être oublié non plus, et quelle que soit la solution aux violences en Syrie, elle doit lui convenir autant qu’aux autres protagonistes, vu sa mainmise et son omniprésence en Syrie comme au Liban. De nombreux observateurs estiment que la République islamique est passablement « mécontente » et « frustrée », pour reprendre les termes de Paul Salem, de la manière dont Bachar el-Assad a géré le soulèvement et les violences qui secouent son pays depuis deux ans, et qui a énormément coûté à la Syrie, comme à ses alliés, à tous les niveaux. « Tout comme le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Bachar el-Assad ne jouit plus de la même popularité dans le monde arabe qu’il y a quelques années », ajoute l’expert.
Téhéran, comme Moscou, préférerait, pour M. Salem, une solution politique au dossier syrien, tout en préservant ses alliances stratégiques régionales.
Samia MEDAWAR | 10/06/2013
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