lundi 10 juin 2013

Le « projet Safavide » inquiète le monde arabe

Dans une récente interview accordée à la chaine qatari Al-Jazeera, le commandant de l’Armée Libre syrienne, le général Salim Idriss, a expliqué que le déploiement des forces du Hezbollah sur le sol syrien et leur participation aux combats aux côtés d’Assad faisaient partie d’un projet plus vaste, un plan « safavide » destiné à la conquête de l’ensemble du Moyen-Orient.

Suite aux propos du tout puissant dirigeant sunnite, cheikh Youssouf al-Qaradawi, qui avait condamné Téhéran pour ses opérations en Syrie dans les colonnes de l’influent journal As Safir, les dirigeants sunnites du Liban ont mis en garde contre la « propagation du projet safavide ».

En effet, le terme « safavide » est devenu au fil des dernières années un terme péjoratif, utilisé fréquemment par les dirigeants arabes à chaque discussion sur les manigances de l’Iran. Le célèbre journaliste américain Bob Woodward avait décrit dans l’un de ses livres une conversation diplomatique entre le roi Abdallah d’Arabie saoudite et un haut responsable américain au sujet de l’invasion américaine en Irak. Le chef saoudien avait déclaré vertement : « vous avez permis aux Perses, aux Safavides de dominer l’Irak ».

Qui étaient vraiment les Safavides et pourquoi parle-t-on d’eux aujourd’hui?

L’Empire safavide a régné en Iran de 1501 à 1722. Son fondateur et son premier souverain, le Shah Ismail 1er a transformé l’islam shiite en une religion d’Etat et a mené des guerres contre la puissance sunnite dirigeante de l’époque, l’Empire ottoman.
A son apogée, l’Empire safavide a régné sur de nombreux territoires plus vastes que ceux de l’Iran actuel. A l’Est, il dominait des grandes parties de l’Afghanistan, du Pakistan et du Turkménistan. A l’Ouest, il contrôlait la moitié de l’Irak, notamment Bagdad, et aussi une partie de l’ouest de la Syrie. Les premiers dirigeants safavides avaient importé des dirigeants shiites du sud-Liban pour propager l’islam shiite à travers la Perse, et nous constatons que les liens entre l’Iran et le Liban remontent au 16ème siècle. Au Sud, l’Empire safavide s’était étendu jusqu’à la côte arabique du Golfe persique, tandis qu’au Nord, il comprenait ce qui est aujourd’hui l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Dans les milieux extrémistes sunnites on a souvent prétendu que l’Empire ottoman aurait pu conquérir l’Europe et gagner la fameuse bataille aux portes de Vienne, si toutefois les Safavides ne les avaient pas trahis en ouvrant un nouveau front.
Le chef actuel de l’Iran n’a peut être pas revendiqué officiellement les frontières de l’Empire safavide mais il a certainement fait des déclarations suggérant qu’elles reflétaient une partie de leurs aspirations nationales.
Ainsi, Hossein Shariatmadari, porte-parole officieux du guide suprême iranien Ayatollah Ali Khamenei et rédacteur en chef du quotidien Kayhan avait déclaré, en juillet 2007, que les peuples arabes dans la péninsule arabique n’étaient pas impliqués dans la nomination de leurs gouvernements et que le Bahreïn faisait partie du territoire iranien. En 2009, Ali Akbar Nateq Nouri, ancien candidat à la présidence, avait crûment intitulé le Bahreïn 14ème province de l’Iran.



L’Ayatollah Ali Khamenei a justifié son activisme dans le monde arabe en expliquant que la sécurité nationale iranienne n’était pas seulement basée sur la sauvegarde de l’intégrité de l’Etat iranien, mais plutôt sur son « expansion ». Cette vision du monde est éloquente également dans les différentes déclarations d’officiers supérieurs dont le général Qasem Suleimani, commandant de la Force el Qods au sein des Gardiens de la Révolution. Soulignons que Suleimani vient d’être chargé de la coordination de toutes les activités militaires iraniennes contre Israël en Syrie.
En diplomatie, une distinction fondamentale est souvent faite entre le statu quo des Etats satisfaits de l’étendue de leur territoire et ne cherchant pas à le modifier, et l’anti-statu quo des Etats qui aspirent à exercer leur influence et prendre les territoires de leurs voisins. En appelant les Iraniens “Safavides”, le monde arabe exprime en sorte son attitude et sa méfiance à l’égard de l’Iran.

Cette discussion est pertinente pour pouvoir débattre en Occident des conséquences d’un Iran nucléarisé. Un chercheur irano-américain avait écrit dans la prestigieuse revue américaine Foreign Policy que l’Iran aspirait à se doter de l’arme nucléaire pour un but dissuasif. L’objectif est selon lui donc défensif, à savoir que l’Iran veut empêcher l’Occident de changer son régime et son leadership islamiste. Il dépeint clairement l’Iran comme un Etat adepte du statu quo qui n’aspire pas à renverser les régimes arabes voisins. Cette analyse s’inscrit parfaitement dans la nouvelle tendance à Washington de reconsidérer la politique de retenue d’Obama en faveur d’une politique préventive.
Il existe bien évidement des analyses opposées comme celle d’un officier saoudien qui affirme que l’Iran utilise des réseaux chiites dans le but de planifier des attentats, assassinats, et révoltes au Bahreïn, au Koweït et en Arabie saoudite. Il a conclu que « la possession de l’arme nucléaire encouragera l’Iran à étendre son hégémonie. »
En conclusion, l’Iran a pour but d’acquérir par tous les moyens l’arme nucléaire mais en même temps aspire à redevenir l’empire safavide d’autrefois. Ce dangereux objectif des ayatollahs devrait renforcer la dissuasion occidentale avant qu’il ne soit trop tard.
Dore Gold

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