Les forces d’élite du Parti de Dieu luttent âprement contre l’ASL à al Qusayr.
Cela fait une semaine que les forces du Hezbollah et d’Assad ont lancé leur offensive conjointe contre la ville d’al Qusayr, dans l’arrière-pays de Homs. Les médias proches du Hezbollah et du régime ont été vite en besogne pour proclamer des avancées majeures, prédisant avec confiance que la ville ne tarderait pas à tomber rapidement. Ces déclarations se sont avérées prématurées.
L’attaque contre Qusayr a été longue à mettre en œuvre. Les forces d’Assad, limitées en main d’œuvre, agissent aujourd’hui de concert avec des milices confessionnelles irrégulières entraînées en Iran. Mais l’enchaînement de succès tactiques, dans l’arrière pays de Homs, qui a débuté en avril et a mené à la bataille actuelle à al-Qusayr, est directement lié au rôle d’avant-garde du Hezbollah, dans les opérations terrestres.
Commeil est devenu clair que l’opposition syrienne mettait sur pied une farouche résistance, le Hezbollah a commencé à réadapter son récit de la bataille de Qusayr. Le groupe terroriste a, maintenant, fait savoir qu’il envoyait des renforts provenant de ses unités d’élite, et que les combats pourraient bien durer une semaine supplémentaire. Plus troublant, pour le Hezbollah, cependant, ont fusé les nouvelles des pertes sévères qu’ont subies ses unités, le nombre des tués s’élevant à environ 110 morts reconnus par le groupe chi’ite, dont une quarantaine après le premier jour de combat, uniquement. Mardi, des militants syriens d’al Qusayr affirmaient qu’au moins un autre groupe de 25 combattants du Hezbollah avait été éliminé. Dimanche 26 mai, le mouvement reconnaissait la perte de 22 hommes supplémentaires, dont 10, samedi 25. Cela, bien sûr, ne tient pas compte de ceux qui ont été tués avant le dernier assaut, qui remonte à l’an dernier. Le nombre approximatif et, surtout, l’occultation du nombre exact de pertes en hommes soulèvent plusieurs questions intéressantes, au sujet des forces combattantes du Hezbollah d’après 2006.
On estime, généralement, que le Hezbollah a perdu entre 500 à 600 combattants, au cours de la guerre de juillet 2006, contre Israël. Non seulement, il s’agissait d’un haut pourcentage pour ses forces régulières de combat – qui devait se situer autour de 2000 hommes aguerris, à l’époque – mais cela représente, également, une perte de mémoire opérationnelle, puisque nombreux parmi ces combattants avaient acquis une expérience de combat contre Israël et son armée supplétive (l’Armée du Liban-Sud), au sud du Liban. Certains observateurs, à l’époque, maintenaient que beaucoup des meilleurs combattants du Hezbollah “ne sont jamais entrés en action”, en 2006, alors que ce seraient des soldats de fortune des villages locaux, et non les « réguliers » du Hezbollah, qui auraient pris en charge l’essentiel de la défense. Mais cela faisait principalement partie d’une tentative d’explication par la propagande, pour présenter un visage courageux face à ce qui était, selon toute mesure, un revers majeur pour la « résistance ».
On rapporte, depuis lors, qu’après la fin de la guerre, le Hezbollah s’est lancé dans un effort massif de recrutement, et qu’il a envoyé les nouvelles recrues s’entraîner en Iran, dans le but de rebâtir ses unités d’élite. Ces nouveaux membres, cela dit, n’ont pas eu leur baptême du feu. A en juger par le nombre de tués du Hezbollah à al-Qusayr et Damas, beaucoup d’entre eux semblent se situer dans la première moitié de leurs 20 ans. En d’autres termes, il s’agit de combattants qui, très probablement, n’ont pas pu participer aux combats de 2006, et qui font partie des manœuvres de recrutement de l’après 2006.
Accompagnant ces combattants non-expérimentés, on trouve des hommes plus âgés et dotés de plus d’expérience et des commandants d’unités, dont plusieurs ont, aussi, été tués, comme le rendent évident les diverses affiches des hommes tombés au combat, diffusées par le groupe chi’ite. L’an dernier, par exemple, un commandant militaire de ce type, Alif Nassif (Abu Abbas), a été tué près d’al Qusayr.
Shimon Shapira, dont l’avis fait autorité sur le Hezbollah, Général de Brigade à la retraite, qui fait, aujourd’hui partie de l’équipe du Centre de Jérusalem des Affaires Publiques, pense qu’il y a plusieurs centaines de combattants du Hezbollah en Syrie, « dont la plupart d’entre eux sont issus des unités d’élite ». Cette description correspond avec ce que certaines sources locales à Daniyeh (la banlieue sud de Beyrouth) ont affirmé à NOW Lebanon en arabe, à propos des soldats du Hezbollah en Syrie. Cependant, ces sources appliquent cette description aux jeunes combattants, entraînés mais ne possédant pas l’épreuve du feu. Shapira explique que ces jeunes soldats « sont bien entraînés, dont certains d’entre eux en Iran, et sont considérés comme faisant partie de l’élite, selon les normes du Hezbollah – les mots opératoires étant, ici, « selon les normes du Hezbollah ». En d’autres termes, comme on l’a noté, plus haut, en faisant référence à la guerre de 2006, alors qu’il existe une tendance, soigneusement entretenue par le Hezbollah, de mythifier les compétences des combattants d’élite, leurs capacités réelles devraient être mises en perspective.
Qu’est-ce que signifie, alors, le fait que le Hezbollah envoie, désormais, ses unites “d’élite”, pour renforcer ses combattants à al Qusayr? Est-ce que cela signifie qu’il s’agit de ces mêmes combattants, parmi les plus jeunes et non-expérimentés ? Chaque hypothèse expose un niveau différent de vulnérabilités. Un taux de pertes élevé, parmi les combattants récemment entraînés de « l’élite », recrutés pour remplacer ceux qui ont été éliminés en 2006, signifie un gaspillage de temps précieux et de ressources humaines et matérielles. Même la perte de soldats plus aguerris, en plus des 500 à 600 de 2006, implique une perte supplémentaire de mémoire opérationnelle et d’expérience au combat, dans le corps combattant du parti.
Si le taux de pertes se maintient à un niveau aussi élevé, durant une semaine supplémentaire, il pourrait s’avérer dévastateur. Par exemple, selon un responsable du parti qui s’est adressé au journal koweitien al-Rai, beaucoup d’entre ceux qui ont été tués, le premier jour à al Qusayr, ont été fauchés par des mines dissimulées en terre et des engins explosifs improvisés, préparés par les rebelles syriens. Une source libanaise, qui suit étroitement le groupe, affirme qu’une compagnie de 200 combattants du Hezbollah a tenté l’assaut initial, mais s’est lancé sur les engins explosifs cachés, ce qui a eu pour conséquence ce taux de morts très élevé. Les sources révèlent même que les Syriens ont reçu l’assistance de certaines factions palestiniennes, dans la planification de la défense de la ville (Ndt : se rappeler de la bataille de Jénine, en 2002).
Déjà, avant le dernier massacre à al Qusayr, l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Subhi Tofeyli, a déclaré que le groupe chi’ite avait perdu 138 de ses membres, en Syrie. Shapira pense que, « parmi les centaines » qu’ils ont déployé, « ils en ont perdu plus de 200. Certains étaient des commandants, de plus de 30 à 35 ans ». Plus de 65 –plus de 10% du total perdu durant la guerre de 2006- ont été tués en moins de deux jours de combat ».
Il y a un autre problème crucial à considérer : même si, au bout du compte, le Hezbollah parvient à prendre la ville, il n’est pas clair de savoir qui aura la charge de tenir la ville. Effectivement, c’est resté un problème, pour le régime Assad, tout au long de ces deux ans de conflit : les forces d’Assad peuvent très bien reprendre du territoire aux rebelles, mais elles ne disposent pas d’assez de main d’œuvre pour le garder sous contrôle. La probabilité est, alors qu’un engagement renouvelé du Hezbollah, dans al-Qusayr pour tenir les voies d’accès, fournisse l’occasion aux rebelles de continuer à recevoir des cargaisons régulières de munitions et qu’ils soient, de leur côté, capables de sécuriser des lignes d’approvisionnement.
La sévérité de ce tableau global explique pourquoi le Chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah a dû séjourner à Téhéran et rencontré le Guide Suprême Ali Khamenei et le Commandant de la force Qods, Qassem Suleimani. C’est là, qu’on lui a fait comprendre qu’il devait y aller à fond, quel qu’en soit le coût humain. Tel était l’ordre de Téhéran. Après tout, non seulement, ces combattants ont été entraînés en Iran, mais ils ont aussi été préparés dans le but de servir lors de la prochaine guerre terrestre contre Israël. En fait, au cours des trois dernières années, le Hezbollah a fait diffuser des fuites sur ses intentions de lancer ses unités commandos d’infanterie à l’offensive et de mener le combat directement dans le nord d’Israël, dans tout conflit futur.
En prenant publiquement la tête des opérations d’assaut en Syrie, le Hezbollah devait faire la démonstration de ses capacités militaires à gagner des batailles, de façon décisive et rapide – d’abord à al Qusayr, puis sur d’autres fronts dans le pays. Le problème pour l’Iran, cependant, c’est que, indépendamment de ce qui se passera ensuite à Al Qusayr, la performance des forces d’élite du Hezbollah signale l’opposé du message que l’Iran cherchait à communiquer.
Alors que d’autres unités d’élite du groupe chi’ite sont appelés, au Liban, pour venir en renfort de leurs camarades en Syrie, l’Iran doit se préoccuper d’autres sujets que le simple fait d’assister au bombardement par Israël de ses caches d’armes stratégiques. Il doit aussi se soucier du fait que les vulnérabilités du Hezbollah sont pleinement exposées, non par Tsahal, mais par des rebelles syriens que le Parti de Dieu était supposé disperser facilement. Si les Iraniens ont surestimé les capacités du Hezbollah contre un adversaire comme l’Armée Syrienne Libre, on doit se demander sur quels autres sujets concernant leur puissance ils se sont aussi lourdement trompés.
Tony Badran est chercheur attaché à la Fondation pour la Défense des Démocraties. Il est sur Twitter sur : @AcrossTheBay.
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