Il y a un an, les
autorités maliennes de transition étaient mises en place, à la suite du coup
d’Etat de mars 2012. Aujourd’hui, ce sont ces mêmes autorités qui ont fixé la
date du 7 juillet pour l’organisation de l’élection présidentielle. Mais
cette échéance rapprochée nourrit de nombreuses inquiétudes, notamment dans le
nord du pays. Première difficulté: le contexte sécuritaire. Si l’essentiel du
territoire est libéré et contrôlé par d’importants dispositifs militaires, la
menace terroriste continue de peser, comme l’ont montré les diverses attaques
de djihadistes infiltrés survenues ces dernières semaines. «Tout est possible
dans la ville, il n’y a pas de problème, affirme pourtant Hamma Chaban,
conseiller communal à Tombouctou. Nous sommes sécurisés depuis la libération.
Les militaires sont présents, et notre police ainsi que notre Garde
républicaine sont en train de revenir. Je n’ai aucune crainte.»
Ce raisonnement ne
tient pas dans les zones périphériques, notamment dans la région de Gao où
rôdent encore des combattants islamistes. «Ça va être très difficile, juge
Modibo Doumbia, conseiller de quartier à Gao. Les agents
électoraux ne vont pas vouloir aller en brousse.» «Le Mali est très vaste, les
bureaux de vote sont éloignés les uns des autres, s’alarme Abderamane Ben
Essayouti, imam de la grande mosquée Djingareyber, à Tombouctou. Il n’y a pas la sécurité. La date du
7 juillet est peut-être trop rapprochée, on pourrait reporter ces
élections d’un mois», suggère-t-il enfin, rappelant aussitôt que «la transition
a beaucoup duré» et que «ces élections sont indispensables».
Elles le sont
d’autant plus que la communauté internationale fait pression. Le président
français, François Hollande, a déjà martelé qu’il serait «intraitable» sur le
sujet, car le retour à l’ordre constitutionnel est une des raisons qui ont
justifié l’intervention militaire française. D’autres pays, notamment les
Etats-Unis et le Canada, conditionnent même la reprise de leur coopération
bilatérale à la tenue du scrutin. «Ce sont des élections imposées par les
bailleurs, regrette ainsi cet habitant de Gao, c’est leur politique. Ils ne
veulent pas aider un Etat avec un régime intérimaire, mais les conditions ne
sont pas réunies pour des élections!»
Sans descendre de
sa moto, l’homme poursuit: «Le pays est divisé. On ne peut pas faire l’élection
dans une zone, laisser une autre zone, et dire qu’on a un président pour tout
le pays!» Une référence directe à la ville de Kidal, dans l’extrême nord du
pays. Les armées française et tchadienne y sont présentes depuis le mois de février,
mais la ville est toujours contrôlée par les indépendantistes touareg du MNLA
(Mouvement national de libération de l’Azawad), et les troupes maliennes n’ont
pas pu y poser un pied. «La zone de Kidal est encore sous occupation, le monde
entier le sait!»
Par ailleurs, les
listes et les cartes électorales sont loin d’être prêtes, de sorte que la CENI
(Commission nationale électorale indépendante) a elle-même estimé que
l’échéance du 7 juillet serait «difficile à tenir». A ces problèmes
cruciaux s’ajoute, dans le nord, la question du retour de l’administration.
«Jusqu’ici on n’a rien vu de concret, se désole Sadou Diallo, maire de Gao, une
ville ou l’électricité ne vient que quelques heures chaque soir. Mais on
n’attendra pas les préparatifs de l’Etat, poursuit l’élu. On a déjà commencé à
réparer la mairie, on a récupéré deux machines à écrire pour remplacer les
ordinateurs, et j’ai lancé un appel aux volontaires pour participer à la tenue
des bureaux de vote. Nous voulons aller aux élections.»
Enfin, plus de
400000 habitants du nord du Mali ont fui les combats et l’occupation depuis un
an, qui ne rentrent chez eux qu’au compte-gouttes. L’Etat étudie donc les
moyens de permettre aux déplacés de voter là où ils se trouvent au Mali, et
travaille avec le HCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés) pour
organiser le scrutin dans les camps de réfugiés des pays voisins.
L’organisation se dit prête à coopérer, mais rappelle que les Etats concernés
doivent au préalable passer des accords bilatéraux. «Tout le monde ne pourra
pas voter, estime Kader Touré, journaliste d’une radio communautaire de Gao.
Pour les réfugiés qui sont au Burkina ou en Mauritanie, ce sera certainement
impossible, mais il faut faire avec.» En effet, s’il déplore cette situation,
Kader Touré reste convaincu que l’élection doit avoir lieu au mois de juillet.
«Nous sommes dans une situation spéciale, donc nous allons organiser des
élections spéciales. Nous avons besoin d’autorités fortes.» Comme beaucoup
d’autres, sans illusion mais avec conviction, Kader Touré préfère croire qu’un
président, même mal élu, sera toujours plus légitime que d’éternelles autorités
de transition. A l’inverse, beaucoup craignent qu’un scrutin bâclé n’accouche
d’un pouvoir faible et d’une nouvelle période d’instabilité. bamako
Le Temps
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