mercredi 8 mai 2013

Tariq Ramadan, nouveau « diable de la République » ?

Deux ministres (Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem) annulent leur participation à un congrès européen à Florence car ils ne veulent pas y croiser M. Tariq Ramadan. Une posture de plus. Refus de parler à l’un des représentants de la nébuleuse idéologique musulmane, par ailleurs fort actif en France (il donne des conférences dans les mosquées ou les centres communautaires). Comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes laïques. Et que ni le débat ni le combat n’étaient nécessaires.

Soit dit en passant, l’Italie est, par tradition, le lieu où des institutions, catholiques ou universitaires, abritent des rencontres qui permettent ou permettront un jour de sortir des crises apparemment insolubles. Dommage que deux ministres esquivent cette opportunité de rencontres informelles et d’échanges. Mais c’est leur job et ils sont grands.

En revanche, la question Tariq Ramadan mérite d’être regardée de près. Faut-il en faire un « diable de la République » comme Le Pen en son temps ? Ou l’opinion démocratique et les gouvernants doivent-ils au contraire tenir compte que cet intellectuel, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, au même titre que d’autres qui ne pensent pas forcément comme lui, exprime et tente de penser la complexité des processus d’intégration de la culture musulmane dans nos sociétés dites « occidentales » (à la fois de tradition judéo-chrétienne et laïques à divers degrés, et « développées », donc censées être « riches »).
Car, à mes yeux, il vaut mieux savoir où en est la réflexion des uns et des autres !

À mon avis, on est loin de la « modernité » revendiquée ou mise en scène par Tariq Ramadan. La lecture de ses textes, et notamment de son appel « pour un moratoire immédiat sur les châtiments corporels, la lapidation, et la peine de mort » n’a pas de quoi réjouir les défenseurs d’une République non communautaire, laïque, respectueuse de la séparation entre sphère publique et sphère privée. Car puiser dans les textes sacrés ou prophétiques, religieux donc, des arguments pour soit-disant faire évoluer le vaste et divers monde musulman, cela relève à mes yeux d’une régression. Point à la ligne.




Si Tariq Ramadan était réellement hostile, viscéralement hostile, aux châtiments corporels, aux lapidations et à la peine de mort, il réclamerait simplement leur interdiction au lieu de finasser avec son « moratoire »
Voilà ce que les ministres de la République, forfaits à Florence, auraient pu défendre lors des débats auxquels ils étaient conviés, avec ou sans M. Ramadan.
 
Auteur, journaliste.
De l'Humanité à la Météo et Sud Radio via TMC, a connu un parcours contrasté qui passe aussi par des essais sur Jeanne d'Arc et ses procès, Georges Bizet, Cyrano de Bergerac (le vrai), la Gascogne et le fleuve Adour. Il collabore actuellement à France Bleu Bordeaux-Gironde.

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