Un échec du plan de cessez-le-feu en Syrie du diplomate Kofi Annan ouvrirait la voie à une guerre civile, voire à un conflit régional. C'est ce qu'a déclaré le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé, à l'issue d'une réunion de quatorze ministres des affaires étrangères du groupe des "Amis de la Syrie". Les pays réunis à Paris disent qu'ils constatent dans un projet de communiqué final que la mission Annan traverse "une phase critique du fait du refus de Damas d'appliquer ses engagements". Le plan Annan vise à mettre fin à la répression de la révolte engagée il y a treize mois et qui s'est militarisée au fil du temps. En outre, une résolution votée samedi à l'ONU prévoit l'envoi d'observateurs sur place.
Projet de résolution. La France et ses partenaires vont prochainement déposer un projet de résolution au Conseil de sécurité de l'ONU pour mettre en place une mission d'observation "aussi robuste que possible", mais si le plan Annan échoue ils envisageront "d'autres options", a déclaré Alain Juppé. Dans sa déclaration au début de la réunion, M. Juppé avait estimé que cette mission devait être composée de "plusieurs centaines d'hommes qui doivent avoir les moyens terrestres et aériens" de remplir leur mandat.
Présente à cette réunion à Paris, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a évoqué une résolution du Conseil de sécurité comprenant des sanctions si les observateurs étaient empêchés d'accomplir leur mission. Ces sanctions pourraient inclure un embargo sur les armes et les déplacements ainsi que des mesures d'ordre économique, a-t-elle ajouté.
Mais dans la foulée, l'opposition armée en Syrie a fait part de son souhait d'une intervention militaire sans aval de l'ONU, accusant Damas de ne pas respecter le cessez-le-feu.
"Totale liberté de mouvement" aux observateurs. Dans la même journée, la Syrie était au centre d'une autre réunion diplomatique, cette fois au Conseil de sécurité de l'ONU, à New York. A l'issue de cette réunion, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a demandé au gouvernement syrien d'accorder une "totale liberté de mouvement" aux observateurs de l'ONU et de faciliter une "opération humanitaire de grande ampleur" pour secourir la population. Rappelant à la presse sa recommandation de déployer trois cents observateurs pour surveiller le fragile cessez-le-feu, il a ajouté : "Cette décision n'est pas sans risques."
Initialement, aux termes de la résolution votée samedi au Conseil de sécurité, la mission de surveillance du cessez-le-feu entré en vigueur il y a une semaine devrait comprendre deux cent cinquante observateurs. Mais ces effectifs étaient jugés insuffisants, notamment par Ban Ki-moon, qui espère donc désormais les faire passer à trois cents. La France estime qu'il en faudrait trois cents à quatre cents. Ces observateurs, "déployés progressivement dans environ dix endroits dans toute la Syrie", selon les précisions de Ban Ki-moon, doivent contrôler la cessation des hostilités et l'application des autres points du plan de paix du médiateur Kofi Annan. Ils seront accompagnés de conseillers politiques et en matière de droits de l'homme, mais ne seront pas impliqués dans la fourniture d'aide humanitaire. M. Ban souhaite l'adoption d'une résolution à l'ONU pour accélerer le déploiement des observateurs. En attendant, il a confirmé que l'ONU et le gouvernement syrien avaient conclu un "protocole préliminaire" définissant les modalités de travail des observateurs.
La Russie et la Chine ne devraient quant à elles approuver l'envoi d'une mission plus importante que si le régime d'Assad y est favorable, donnant de facto un pouvoir de veto à la Syrie.
Le Conseil de sécurité a entendu un exposé de l'adjoint de Kofi Annan, Jean-Marie Guéhenno, sur la situation en Syrie. Selon l'ambassadrice américaine Susan Rice, qui préside le Conseil en avril, M. Guéhenno a souligné que "le gouvernement syrien n'avait pas encore respecté ses obligations" et en particulier qu'il n'avait pas encore retiré ses troupes et armes lourdes des villes rebelles.
Mme Rice a jugé que le travail des premiers observateurs sur place fournirait un "test" de la volonté de Damas. "Il est essentiel qu'ils puissent se rendre dans les points chauds" et en particulier à Homs, ce qu'ils n'ont pu faire pour l'instant.
Damas et les Nations unies ont en effet signé jeudi un protocole sur les conditions de déploiement "des bérets bleus", mais ne sont pas parvenus à s'entendre sur la dimension de leur mission ni sur l'utilisation de moyens aériens. Seule une avant-garde de six observateurs non armés est présente pour le moment sur le territoire syrien.
Sur le terrain, les violences se poursuivaient jeudi. Les forces syriennes ont lancé un assaut sur Deir Ezzor (Est) et bombardé Qousseir (Centre), tandis que des combats opposaient soldats et rebelles dans plusieurs régions, malgré le cessez-le-feu, selon une ONG. Sept civils ont péri. A Deraa, berceau de la contestation dans le Sud, des combats opposaient également soldats et déserteurs. Au moins cent trente civils ont ainsi péri dans les violences depuis l'instauration de la trêve, violée quotidiennement par les troupes gouvernementales, et malgré la présence des observateurs internationaux, au travail depuis lundi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Ban Ki-moon a qualifié la situation humanitaire d'"inacceptable".
Conséquence des violences, le nombre de Syriens réfugiés en Turquie s'établit à 23 558, ils étaient 25 000 la semaine dernière, a précisé, jeudi 19 avril, la Direction des situations d'urgence. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a de son côté annoncé que 12 500 Syriens ayant fui les violences dans leur pays pour se réfugier en Jordanie s'étaient enregistrés à la mi-avril auprès de l'organisation. "Plus de 55 000 personnes ont fui la Syrie dans les pays voisins, en Jordanie, au Liban en Turquie et en Irak, accentuant la pression sur les gouvernements et les familles d'accueil", selon le HCR.
Depuis le début de la révolte, il y a treize mois, les violences ont fait plus de onze mille morts, en grande majorité des civils tués par les troupes du régime, selon l'OSDH.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire