Qu’est donc devenue la diplomatie française ? Existe-t-elle réellement en dépit de ses 158 ambassades et ses 97 postes consulaires répartis sur cinq continents ? Si l’on en croit l’ancien ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, dans une déclaration récente, « il n'y a pas de diplomatie française (…) Sarkozy décide, (…) BHL a raison ! » (*) Il est certain que les ambassadeurs, qui ne sont plus toujours des professionnels, sont de moins en moins écoutés. On l’a vu avec Eric Chevalier, ambassadeur à Damas qui avait averti Paris que la crise allait être longue, Paris qui a sous-estimé, volontairement ou pas, le pouvoir de résistance de Bachar el-Assad, qui a refusé et refuse toujours de se soumettre aux diktats européens.
Aujourd’hui, c’est le Mali. Les spécialistes de l’Afrique sont convaincus que le coup d’Etat du 22 mars résulte de la « liquidation » de la Libye. Quel aura été le rôle, là encore, de la diplomatie française ? Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Bonnevey, prélevé sur Metamag et consacré aux échecs retentissants de notre diplomatie au cours des douze derniers mois...
Aujourd’hui, c’est le Mali. Les spécialistes de l’Afrique sont convaincus que le coup d’Etat du 22 mars résulte de la « liquidation » de la Libye. Quel aura été le rôle, là encore, de la diplomatie française ? Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Bonnevey, prélevé sur Metamag et consacré aux échecs retentissants de notre diplomatie au cours des douze derniers mois...
Polémia
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Malgré sa prétention ostentatoire, la diplomatie française se trouve en échec à peu prêt partout où elle s’est engagée récemment sous la pression du duo infernal: Juppé - Bhl. On peut évoquer, en préambule, la situation en Tunisie, qui ne fait que se dégrader. L’affrontement entre le « camp du progrès », très minoritaire, et celui des Islamistes, paraît, à court terme, inévitable. Le renoncement du parti Ennadha à l’imposition de la Charia dans la nouvelle Constitution, qui a été largement médiatisé, est un leurre, un faux recul. Il s’agit, simplement, de maintenir, plutôt que de le changer, un article ambigu de la Constitution, ouvrant la porte à toutes les interprétations, comme c’est le cas, d’ailleurs, entre tolérants et obscurantistes sur le Coran.
En Syrie, où Metamag a constamment tempéré l'outrance du discours médiatique américano-occidental, nous sommes bien loin de l'exigence de départ « immédiat » du président Assad. La rébellion est en échec, la diplomatie paralysée et le régime joue le temps, avec une certaine habileté. La tentative de le faire tomber a échoué « une fois pour toutes », a affirmé le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, cité samedi 31 mars par l'agence officielle Sana, en référence à la contestation populaire et au combat des rebelles contre le pouvoir. « Une autre bataille a commencé, celle de la consolidation de la stabilité et la construction de la nouvelle Syrie ».
Il va certes un peu vite en besogne. Mais il a plusieurs raisons d’afficher ce bel optimisme. A Damas, le président Bachar Al Assad a annoncé avoir accepté le plan de sortie de crise de l'émissaire international, Kofi Annan, mais a lié sa réussite à l'arrêt des «actes terroristes». Cela permet d'éviter, pour un temps, toute nouvelle offensive diplomatique à l'ONU et de renforcer l'idée d’une coopération et de bonne volonté, comme demandée par la Russie et la Chine.
Les dirigeants arabes, réunis en sommet à Bagdad, ont appelé l'Etat syrien et l'opposition à un dialogue «sérieux» et rejeté toute intervention militaire en Syrie. Des déclarations jugées «décevantes» par Washington. A l'exception de la Tunisie, aucun des 21 pays représentés n'a appelé, directement, à un départ du président Assad lors de ce sommet de la Ligue arabe organisé en Irak, pour la première fois depuis plus de 20 ans. Dans sa résolution finale, le sommet demande au «gouvernement syrien et à toutes les composantes de l'opposition d'adopter une attitude positive envers la mission (de M.Annan) en entamant un dialogue national sérieux basé sur le plan soumis par la Ligue arabe et la résolution adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU». Ils se déclarent par ailleurs en «faveur de l'unité et la stabilité de la Syrie et contre toute intervention militaire». Assad peut sourire. Il n’est pas aussi foutu que l’avait annoncé, prématurément, le « droit dans ses bottes ».
Les dégâts collatéraux de l'agression en Libye, toujours à feu et à sang
D’ailleurs, le fin connaisseur du génocide rwandais devrait commencer à se demander quelle est la part de responsabilité de la France dans la déstabilisation du Mali. C’est la chute du régime Kadhafi qui a ruiné l'économie du Sahel et des pays riverains. Bamako privé de fonds, incapable de nourrir les populations frontalières, a laissé son armée face à une rébellion touareg, renforcée par les éléments kadhafistes repliés de Libye et un réseau Aqmi faisant, par le trafic pour survivre, la liaison avec les nomades.
Impuissante face à l'avancée des Touareg et des islamistes au Nord du Mali, la junte, au pouvoir depuis le coup d'État du 22 mars, a lancé un appel à l'aide. «Les rebelles continuent à agresser notre pays et à terroriser nos populations, » a lancé le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, dans un discours à la presse. « La situation est à cette heure critique, notre armée a besoin du soutien des amis du Mali pour sauver les populations civiles et sauvegarder l'intégrité territoriale du pays. »
Les insurgés, qui sont passés à l'offensive dans le Nord en janvier, profitent en effet de la confusion régnant à Bamako, à la suite du coup d'État militaire, pour gagner du terrain. En fin de semaine, ils avaient pris le contrôle de la ville stratégique de Kidal, dans le Nord-Est, aux confins de l'Algérie et du Niger. La junte au pouvoir, qui a renversé, peut être pas définitivement d’ailleurs (**), le président Amadou Toumani Touré, avait invoqué, pour justifier son putsch, l'échec du régime contre la rébellion touareg.
De fait, celle-ci a réalisé une offensive spectaculaire en deux mois. Jamais, lors des deux soulèvements touareg des années 1990 et 2000, les rebelles – qui comptent cette fois des hommes revenus de Libye lourdement armés après avoir combattu pour Mouammar Kadhafi – n'avaient à ce point menacé le pouvoir central. Juppé va-t-il intervenir ?
Car c’est bien un dégât collatéral de la guerre de son ami BHL, en Libye, dont il s’agit.
La Libye, où le pouvoir reconnu par Paris est plus qu’à la peine, menacé par la scission de l’Est du pays et la sécession du Sud, peuplé de Toubous comme au Tchad voisin. Le dirigeant des Toubous en Libye, Issa Abdelmajid Mansour, a fait état de nouveaux combats au sud de la ville de Sebha (sud), appelant les Nations Unies et l'Union européenne à intervenir pour arrêter ce qu'il qualifie de « nettoyage ethnique des Toubous ».
« Nous demandons à l'ONU et à l'Union européenne d'intervenir pour faire cesser le nettoyage ethnique des Toubous », a déclaré cet ex-opposant au régime de Mouammar Kadhafi, qui avait brandi récemment la menace séparatiste dans une déclaration à l'AFP. M. Abdelmajid Mansour a accusé vendredi les tribus arabes de Sebha d'avoir bombardé une centrale électrique alimentant plusieurs régions du sud, comme Qatroun et Morzouk, considérées comme des fiefs de Toubous.
Maures contre Noirs au Mali; Arabes contre Noirs au Mali et en Libye... Vraiment, les guerres pour le démocratie sont de tels échecs qu’on se demande si le maintient prévisible au pouvoir du tyran de Damas n’est pas, sinon un moindre mal, au moins un facteur de stabilité face aux dangers d'éclatements tribaux et religieux ou de subversion islamiste dans un pays clé au cœur du Moyen-Orient. La diplomatie française de la démocratie interventionniste et dogmatique a fait suffisamment de mal au Maghreb et au Sahel. Elle devrait réfléchir à deux fois avant de dire ce qui serait bien pour le Machrek.
Jean Bonnevey
Metamag.fr
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