Une fois encore, la zone pétrolière contestée de Heglig se trouve au cœur d’un conflit entre le Soudan et le Soudan du Sud, qui a récemment obtenu son indépendance. Les nouveaux affrontements font craindre la reprise d’une guerre totale.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a qualifié d’illégale l’occupation par le Soudan du Sud de la zone de Heglig, indiquant que la zone se trouve au nord de la frontière définie en 1956 et que son tracé a été accepté par Djouba et Khartoum – dans un accord de 2005 qui a mis fin à des décennies de guerre civile. Cette ligne de démarcation constituerait leur frontière commune en cas de sécession du Sud, qui est finalement intervenue en juillet 2011.
Le Soudan a menacé de frapper son voisin s’il refusait de se retirer de Heglig. Les mêmes menaces ont été proférées par le Soudan du Sud.
Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon s’est entretenu directement avec le président sud-soudanais Salva Kiir et a également préconisé un retrait des troupes.
De son côté, le Soudan du Sud a accusé le Soudan de bombarder son territoire depuis novembre et d’avoir largué cinq bombes sur la ville de Bentiu, capitale de l’État d’Unité, le 12 avril. Ce jour-là, le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, s’est adressé au parlement dans la capitale de Djouba.
« Je répète que nous ne replongerons pas le peuple sud-soudanais dans la guerre, mais si nous sommes agressés de cette manière, nous devrons nous défendre », a-t-il dit.
« J’appelle les citoyens de la république du Soudan, tout particulièrement les mères, à ne pas laisser leurs enfants se faire entraîner dans une guerre qui n’a pas de sens ».
Où se trouve Heglig?
Plus précisément, la zone de Heglig se trouve-t-elle au Soudan ou au Soudan du Sud ? En dépit de l’indignation exprimée par l’UA, la réponse à cette question est loin d’être simple.
Heglig se trouve à proximité de la moitié de la frontière de 1 800 kilomètres qui sépare les deux pays, mais des portions clés de cette frontière n’ont pas encore été définies et il n’y a pas suffisamment d’archives historiques (en raison des vastes déplacements de population à l’occasion du développement des installations pétrolières) ou de souvenirs pour identifier facilement le tracé de la frontière de 1956.
Heglig se situe entre Abyei, une autre zone disputée, et les montagnes du Nouba dans l’État du Sud-Kordofan au Soudan, où, depuis juin 2011, les forces gouvernementales se battent contre des insurgés (SPLA-N) liés aux anciens rebelles qui sont aujourd’hui au pouvoir à Djouba.
Heglig est également située à proximité de la ville frontalière de Jaw, qui a été prise par le SPLA-N à la fin du mois de février.
Au cours des négociations qui se sont conclues par la signature de l’Accord de paix global (APG) de 2005, il a été décidé que Heglig (appelée Panthou par les Sud-Soudanais, qui soutiennent que la zone a toujours fait partie de l’État d’Unité) serait incluse dans la région d’Abyei, une des « Trois Zones » (avec le Sud-Kordofan et le Nil bleu) dont la localisation au Nord ou au Sud n’a pas été définie par l’accord. Malgré l’absence de certitude, Abyei est occupée par les troupes soudanaises depuis mai 2011.
Après le rejet par Khartoum des frontières initiales d‘Abyei définies par une commission internationale, un arrêt de la Cour permanente d’arbitrage a redessiné ces frontières : la superficie d’Abyei a été considérablement réduite et Heglig a été exclue.
Bien que la Cour n’ait pas défini le tracé de la frontière entre le Nord et le Sud, Khartoum a affirmé que l’arrêt indiquait que Heglig se trouvait dans l’État du Sud-Kordofan, une interprétation que semble partager l’UA.
Le Soudan du Sud, qui indique être ouvert aux négociations relative à la démarcation entre les deux pays, affirme que Heglig se trouve au sud de la frontière, dans l’État d’Unité.
Pourquoi Heglig est-elle aussi importante ?
La dernière escalade de violence est liée au fait que des questions clés soient restées en suspens depuis la signature de l’APG : la démarcation de la frontière, le partage des revenus pétroliers et les Trois Zones. (Les habitants d’Abyei, par exemple, devaient décider par référendum s’ils souhaitaient rejoindre le Soudan du Sud en 2011, mais le référendum n’a pas encore eu lieu).
Les derniers affrontements risquent également de remettre en cause un accord important signé par Djouba et Khartoum en mars 2012 et qui aurait amélioré les conditions de vie de centaines de milliers de Sud-Soudanais au Soudan. Sans cet accord, ils auraient dû régulariser leur situation – ce qui, d’un point de vue logistique, est quasiment impossible – ou quitter le pays le 8 avril au plus tard. Le Soudan du Sud n’a pas les moyens de faire face à un afflux aussi soudain et important, notamment parce que les routes seront impraticables pendant la saison des pluies attendue prochainement.
John Ashworth, spécialiste du Soudan, a dit à IRIN : « Je ne dis pas que l’APG était imparfait, car c’était le meilleur accord qu’on pouvait espérer obtenir à l’époque, mais nous devons maintenant faire face aux problèmes qui n’ont pas été abordés par l’APG ».
Selon Douglas Johnson, historien et spécialiste d’Abyei, aucun des acteurs internationaux impliqués dans l’APG n’a véritablement pensé à ce qu’il adviendrait des Trois Zones en cas de sécession, car « au départ, leur priorité était de rendre Unité plus attrayant ». Une fois l’indépendance imminente, « ils se sont seulement assurés que l’indépendance serait pacifique ».
Mukesh Kapila, qui a dirigé les opérations des Nations Unies au Soudan en 2003 et en 2004 et travaille maintenant pour Aegis Trust, une organisation non gouvernementale (ONG) de plaidoyer, a dit à IRIN : « L’APG a éludé les plaintes légitimes des populations marginalisées qui souffraient depuis longtemps dans les régions du Nouba, d’Abyei, du Nil bleu et du Darfour. Si l’on ne procède pas à une tentative sincère de résolution de la situation de manière juste et équitable, des conflits violents continueront à éclater ici et là. La citoyenneté, le pétrole et la démarcation de la frontière compliquent peut-être le tableau, mais ils sont en grande partie liés aux plaintes des habitants maltraités des zones frontalières du Soudan qu’il faut tout de suite prendre en compte pour que les deux pays connaissent paix et stabilité ».
http://www.irinnews.org/fr/Report/95299/SOUDAN-SOUDAN-DU-SUD-Heglig-et-la-frontière
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) a qualifié d’illégale l’occupation par le Soudan du Sud de la zone de Heglig, indiquant que la zone se trouve au nord de la frontière définie en 1956 et que son tracé a été accepté par Djouba et Khartoum – dans un accord de 2005 qui a mis fin à des décennies de guerre civile. Cette ligne de démarcation constituerait leur frontière commune en cas de sécession du Sud, qui est finalement intervenue en juillet 2011.
Le Soudan a menacé de frapper son voisin s’il refusait de se retirer de Heglig. Les mêmes menaces ont été proférées par le Soudan du Sud.
Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon s’est entretenu directement avec le président sud-soudanais Salva Kiir et a également préconisé un retrait des troupes.
De son côté, le Soudan du Sud a accusé le Soudan de bombarder son territoire depuis novembre et d’avoir largué cinq bombes sur la ville de Bentiu, capitale de l’État d’Unité, le 12 avril. Ce jour-là, le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, s’est adressé au parlement dans la capitale de Djouba.
« Je répète que nous ne replongerons pas le peuple sud-soudanais dans la guerre, mais si nous sommes agressés de cette manière, nous devrons nous défendre », a-t-il dit.
« J’appelle les citoyens de la république du Soudan, tout particulièrement les mères, à ne pas laisser leurs enfants se faire entraîner dans une guerre qui n’a pas de sens ».
Où se trouve Heglig?
Plus précisément, la zone de Heglig se trouve-t-elle au Soudan ou au Soudan du Sud ? En dépit de l’indignation exprimée par l’UA, la réponse à cette question est loin d’être simple.
Heglig se trouve à proximité de la moitié de la frontière de 1 800 kilomètres qui sépare les deux pays, mais des portions clés de cette frontière n’ont pas encore été définies et il n’y a pas suffisamment d’archives historiques (en raison des vastes déplacements de population à l’occasion du développement des installations pétrolières) ou de souvenirs pour identifier facilement le tracé de la frontière de 1956.
Heglig se situe entre Abyei, une autre zone disputée, et les montagnes du Nouba dans l’État du Sud-Kordofan au Soudan, où, depuis juin 2011, les forces gouvernementales se battent contre des insurgés (SPLA-N) liés aux anciens rebelles qui sont aujourd’hui au pouvoir à Djouba.
Heglig est également située à proximité de la ville frontalière de Jaw, qui a été prise par le SPLA-N à la fin du mois de février.
Au cours des négociations qui se sont conclues par la signature de l’Accord de paix global (APG) de 2005, il a été décidé que Heglig (appelée Panthou par les Sud-Soudanais, qui soutiennent que la zone a toujours fait partie de l’État d’Unité) serait incluse dans la région d’Abyei, une des « Trois Zones » (avec le Sud-Kordofan et le Nil bleu) dont la localisation au Nord ou au Sud n’a pas été définie par l’accord. Malgré l’absence de certitude, Abyei est occupée par les troupes soudanaises depuis mai 2011.
Photo: Peter Moszynski/IRIN |
Des soldats de la 9ème division du SPLA-N originaires du Nouba à un point de contrôle de Jaw, ville située à la frontière contestée entre le Soudan et le Soudan du Sud (photo d’archive) |
Après le rejet par Khartoum des frontières initiales d‘Abyei définies par une commission internationale, un arrêt de la Cour permanente d’arbitrage a redessiné ces frontières : la superficie d’Abyei a été considérablement réduite et Heglig a été exclue.
Bien que la Cour n’ait pas défini le tracé de la frontière entre le Nord et le Sud, Khartoum a affirmé que l’arrêt indiquait que Heglig se trouvait dans l’État du Sud-Kordofan, une interprétation que semble partager l’UA.
Le Soudan du Sud, qui indique être ouvert aux négociations relative à la démarcation entre les deux pays, affirme que Heglig se trouve au sud de la frontière, dans l’État d’Unité.
Pourquoi Heglig est-elle aussi importante ?
La dernière escalade de violence est liée au fait que des questions clés soient restées en suspens depuis la signature de l’APG : la démarcation de la frontière, le partage des revenus pétroliers et les Trois Zones. (Les habitants d’Abyei, par exemple, devaient décider par référendum s’ils souhaitaient rejoindre le Soudan du Sud en 2011, mais le référendum n’a pas encore eu lieu).
Les derniers affrontements risquent également de remettre en cause un accord important signé par Djouba et Khartoum en mars 2012 et qui aurait amélioré les conditions de vie de centaines de milliers de Sud-Soudanais au Soudan. Sans cet accord, ils auraient dû régulariser leur situation – ce qui, d’un point de vue logistique, est quasiment impossible – ou quitter le pays le 8 avril au plus tard. Le Soudan du Sud n’a pas les moyens de faire face à un afflux aussi soudain et important, notamment parce que les routes seront impraticables pendant la saison des pluies attendue prochainement.
John Ashworth, spécialiste du Soudan, a dit à IRIN : « Je ne dis pas que l’APG était imparfait, car c’était le meilleur accord qu’on pouvait espérer obtenir à l’époque, mais nous devons maintenant faire face aux problèmes qui n’ont pas été abordés par l’APG ».
Selon Douglas Johnson, historien et spécialiste d’Abyei, aucun des acteurs internationaux impliqués dans l’APG n’a véritablement pensé à ce qu’il adviendrait des Trois Zones en cas de sécession, car « au départ, leur priorité était de rendre Unité plus attrayant ». Une fois l’indépendance imminente, « ils se sont seulement assurés que l’indépendance serait pacifique ».
Mukesh Kapila, qui a dirigé les opérations des Nations Unies au Soudan en 2003 et en 2004 et travaille maintenant pour Aegis Trust, une organisation non gouvernementale (ONG) de plaidoyer, a dit à IRIN : « L’APG a éludé les plaintes légitimes des populations marginalisées qui souffraient depuis longtemps dans les régions du Nouba, d’Abyei, du Nil bleu et du Darfour. Si l’on ne procède pas à une tentative sincère de résolution de la situation de manière juste et équitable, des conflits violents continueront à éclater ici et là. La citoyenneté, le pétrole et la démarcation de la frontière compliquent peut-être le tableau, mais ils sont en grande partie liés aux plaintes des habitants maltraités des zones frontalières du Soudan qu’il faut tout de suite prendre en compte pour que les deux pays connaissent paix et stabilité ».
http://www.irinnews.org/fr/Report/95299/SOUDAN-SOUDAN-DU-SUD-Heglig-et-la-frontière
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