On a beaucoup parlé de l’Afrique du Sud ces derniers jours.
On en a beaucoup parlé parce que Barack Obama s’y est rendu, en un voyage organisé sur le continent africain aux fins de permettre aux médias américains de parler d’autre chose à son sujet que des scandales à répétition qui lui collent aux basques. On en a parlé aussi parce que Nelson Mandela est agonisant, voire à l’article de la mort. Et les éloges de Nelson Mandela se sont succédé. Les propos sur le « père » de la « nation arc en ciel » se sont faits plus doux et plus admiratifs les uns que les autres. La question qui a semblé être sur les lèvres du monde entier semble être : comment l’Afrique du Sud va-t-elle survivre sans Mandela ? Barack Obama ayant comparé Mandela à George Washington, la comparaison a été reprise de multiples fois. Même si c’est très politiquement incorrect, il faudrait que certaines vérités soient énoncées.
Non : Mandela n’est pas un saint homme
Tout d’abord, non : Mandela n’est pas un saint homme. Il n’a pas été jeté en prison parce qu’il « luttait contre l’apartheid », mais parce qu’il le faisait de manière violente et avait créé une organisation terroriste, l’ Umkhonto we Sizwe, (« fer de lance de la nation ») qui a perpétré de nombreux attentats. L’ANC (African National Congress) était elle-même une organisation communiste, financée largement par l’Union Soviétique tant que l’Union Soviétique a existé. L’ANC s’est définie à partir de 2004 comme un parti socialiste et a rejoint l’Internationale Socialiste. C’est en 2008 seulement que les Etats Unis ont retiré l’ANC de la liste des organisations contribuant au terrorisme international. Dans une dictature comme il en a longtemps existé en Afrique, Nelson Mandela n’aurait pas été « prisonnier politique » pendant de longues années : il aurait sans doute été exécuté, peut-être de façon sommaire. Mandela n’était pas plus un « prisonnier politique » que les gens d’Action Directe en France ont été des « prisonniers politiques ».
Ensuite, Mandela n’est pas l’homme qui a aboli l’apartheid. L’apartheid a été aboli par les autorités sud-africaines de l’époque, sous l’égide de Frederik de Klerk, qui a fait libérer Mandela, et lui a permis de participer aux premières élections démocratiques multiraciales du pays en 1994. Mandela, assagi par ses années de prison est devenu le premier Président noir de l’Afrique du Sud d’après l’apartheid et a gouverné le pays sur un mode prudent et modéré qui n’a pas fait basculer celui-ci vers le chaos. Il a laissé le pouvoir à son successeur dans le cadre d’élections démocratiques multiraciales en 1999. Qu’on lui donne acte de s’être assagi, d’avoir gouverné le pays de manière prudente et modérée et d’avoir laissé démocratiquement le pouvoir à un successeur est une chose, et c’est tout à son honneur. Qu’on n’aie pas trouvé dans ses propos des phrases antisémites « antisionistes » et anti-américaines telles celles qui viennent si aisément aux lèvres de l’infect évêque anglican Desmond Tutu, est tout à son honneur aussi. Qu’on considère que tout cela relève de l’héroïsme est très excessif. Qu’on le dise « père » de la nation relève d’une idolâtrie frelatée et sans rapport avec la réalité.
Enfin, Mandela n’est plus au pouvoir depuis quatorze années, et le moins qu’on puisse dire est que l’Afrique du Sud ne se porte pas bien et n’est pas du tout une « nation arc en ciel ». C’est un pays à l’économie très détériorée, rongé par la corruption, organisée par l’ANC, qui n’est pas le parti de tous les Africains, mais essentiellement le parti de l’ethnie à laquelle appartient Mandela, les xhoshas. C’est un pays gangréné par la violence la plus extrême où, à côté d’une petite minorité d’Africains noirs qui se sont enrichis grâce à leurs liens avec le gouvernement et à côté d’Africains blancs qui représentent ce qui reste des anciens propriétaires et entrepreneurs, et qui vivent dans des quartiers clos et très gardés, vit pour l’essentiel une population qui vit entre la misère et la pauvreté, dans des conditions sanitaires très précaires, imprégnée de tribalisme et de pensée magique. Le Président actuel, Jacob Zuma, membre du Parti communiste Sud Africain avant de rejoindre l’ANC en 1990, polygame disposant de six épouses et de vingt enfants, se définissant lui-même comme économiquement « très à gauche » incite régulièrement les Noirs les plus pauvres à s’en prendre aux blancs et à les tuer. Les fermiers blancs meurent assassinés les uns après les autres, et il y a eu plus de soixante huit mille blancs assassinés depuis 1994. Les viols d’enfants sont une pratique fréquente dès lors que les sorciers disent que le sida, très commun en Afrique du Sud, peut être curable si on viole une petite fille vierge.
L’Afrique du Sud est un pays qui glisse vers le naufrage. Ce fut un pays plus riche que les autres pays d’Afrique subsaharienne. Cela reste un pays plus riche qu’eux. On peut craindre que la situation soit provisoire et que le futur de l’Afrique du Sud ressemble à celui du Zimbabwe, qui fut autrefois la Rhodésie.
L’Afrique du Sud n’est pas un pays développé, pas même un pays en voie de développement. C’est un pays en voie de sous-développement.
Quand bien même elle a des institutions démocratiques, on pourrait dire qu’avec la fin de l’apartheid, une ségrégation en a chassé une autre et l’a remplacée.
Il n’y a plus, officiellement de quartiers blancs, de quartiers noirs et de quartiers métis, mais officieusement, il y a toujours des quartiers très distincts. Blancs. Noirs. Métis.
Le droit de vote n’est plus réservé aux blancs. Les xhoshas votent pour les xhoshas. Les zoulous votent pour les zoulous. Les blancs votent pour les blancs, et c’est comme s’ils ne votaient pas, car ils sont minoritaires et leur voix ne compte pas. Ce qui fait que si des blancs décident de rester, nombre d’autres préfèrent partir plutôt que de finir une balle dans la tête.
L’Afrique du Sud vit déjà quasiment sans Mandela depuis quatorze années. Ce qui rend tant de gens anxieux en Afrique du Sud aujourd’hui n’est pas la perspective de vivre sans Mandela, mais de vivre dans un pays qui se délite.
Des journalistes pourraient parler de tout cela. Mais ce serait politiquement incorrect, je sais.
Un seul homme en France ose écrire de manière lucide et sans fard sur l’Afrique du Sud, et sur l’Afrique en général. Il s’appelle Bernard Lugan. Il est courageux. Il est intègre. Il connait son sujet. Il ne ment pas. Ce sont des qualités qui ne pardonnent pas en France. Même si j’ai, parfois, des désaccords avec lui, je tenais à le saluer.
© Guy Millière pour www.Dreuz.info
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