lundi 27 mai 2013

Le declin du Hezbollah a Al Qusair

Les forces d’élite du Parti de Dieu luttent âprement contre l’ASL à al Qusayr.
battle of qusayr
Cela fait une semaine que les forces du Hezbollah et d’Assad ont lancé leur offensive conjointe contre la ville d’al Qusayr, dans l’arrière-pays de Homs. Les médias proches du Hezbollah et du régime ont été vite en besogne pour proclamer des avancées majeures, prédisant avec confiance que la ville ne tarderait pas à tomber rapidement. Ces déclarations se sont avérées prématurées.
L’attaque contre Qusayr a été longue à mettre en œuvre. Les forces d’Assad, limitées en main d’œuvre, agissent aujourd’hui de concert avec des milices confessionnelles irrégulières entraînées en Iran. Mais l’enchaînement de succès tactiques, dans l’arrière pays de Homs, qui a débuté en avril et a mené à la bataille actuelle à al-Qusayr, est directement lié au rôle d’avant-garde du Hezbollah, dans les opérations terrestres.
Commeil est devenu clair que l’opposition syrienne mettait sur pied une farouche résistance, le Hezbollah a commencé à réadapter son récit de la bataille de Qusayr. Le groupe terroriste a, maintenant, fait savoir qu’il envoyait des renforts provenant de ses unités d’élite, et que les combats pourraient bien durer une semaine supplémentaire. Plus troublant, pour le Hezbollah, cependant, ont fusé les nouvelles des pertes sévères qu’ont subies ses unités, le nombre des tués s’élevant à environ 110 morts reconnus par le groupe chi’ite, dont une quarantaine après le premier jour de combat, uniquement. Mardi, des militants syriens d’al Qusayr affirmaient qu’au moins un autre groupe de 25 combattants du Hezbollah avait été éliminé. Dimanche 26 mai, le mouvement reconnaissait la perte de 22 hommes supplémentaires, dont 10, samedi 25. Cela, bien sûr, ne tient pas compte de ceux qui ont été tués avant le dernier assaut, qui remonte à l’an dernier. Le nombre approximatif et, surtout, l’occultation du nombre exact de pertes en hommes soulèvent plusieurs questions intéressantes, au sujet des forces combattantes du Hezbollah d’après 2006.
On estime, généralement, que le Hezbollah a perdu entre 500 à 600 combattants, au cours de la guerre de juillet 2006, contre Israël. Non seulement, il s’agissait d’un haut pourcentage pour ses forces régulières de combat – qui devait se situer autour de 2000 hommes aguerris, à l’époque – mais cela représente, également, une perte de mémoire opérationnelle, puisque nombreux parmi ces combattants avaient acquis une expérience de combat contre Israël et son armée supplétive (l’Armée du Liban-Sud), au sud du Liban. Certains observateurs, à l’époque, maintenaient que beaucoup des meilleurs combattants du Hezbollah “ne sont jamais entrés en action”, en 2006, alors que ce seraient des soldats de fortune des villages locaux, et non les « réguliers » du Hezbollah, qui auraient pris en charge l’essentiel de la défense. Mais cela faisait principalement partie d’une tentative d’explication par la propagande, pour présenter un visage courageux face à ce qui était, selon toute mesure, un revers majeur pour la « résistance ».
On rapporte, depuis lors, qu’après la fin de la guerre, le Hezbollah s’est lancé dans un effort massif de recrutement, et qu’il a envoyé les nouvelles recrues s’entraîner en Iran, dans le but de rebâtir ses unités d’élite. Ces nouveaux membres, cela dit, n’ont pas eu leur baptême du feu. A en juger par le nombre de tués du Hezbollah à al-Qusayr et Damas, beaucoup d’entre eux semblent se situer dans la première moitié de leurs 20 ans. En d’autres termes, il s’agit de combattants qui, très probablement, n’ont pas pu participer aux combats de 2006, et qui font partie des manœuvres de recrutement de l’après 2006.
Accompagnant ces combattants non-expérimentés, on trouve des hommes plus âgés et dotés de plus d’expérience et des commandants d’unités, dont plusieurs ont, aussi, été tués, comme le rendent évident les diverses affiches des hommes tombés au combat, diffusées par le groupe chi’ite. L’an dernier, par exemple, un commandant militaire de ce type, Alif Nassif (Abu Abbas), a été tué près d’al Qusayr.
Shimon Shapira, dont l’avis fait autorité sur le Hezbollah, Général de Brigade à la retraite, qui fait, aujourd’hui partie de l’équipe du Centre de Jérusalem des Affaires Publiques, pense qu’il y a plusieurs centaines de combattants du Hezbollah en Syrie, « dont la plupart d’entre eux sont issus des unités d’élite ». Cette description correspond avec ce que certaines sources locales à Daniyeh (la banlieue sud de Beyrouth) ont affirmé à NOW Lebanon en arabe, à propos des soldats du Hezbollah en Syrie. Cependant, ces sources appliquent cette description aux jeunes combattants, entraînés mais ne possédant pas l’épreuve du feu. Shapira explique que ces jeunes soldats « sont bien entraînés, dont certains d’entre eux en Iran, et sont considérés comme faisant partie de l’élite, selon les normes du Hezbollah – les mots opératoires étant, ici, « selon les normes du Hezbollah ». En d’autres termes, comme on l’a noté, plus haut, en faisant référence à la guerre de 2006, alors qu’il existe une tendance, soigneusement entretenue par le Hezbollah, de mythifier les compétences des combattants d’élite, leurs capacités réelles devraient être mises en perspective.
Qu’est-ce que signifie, alors, le fait que le Hezbollah envoie, désormais, ses unites “d’élite”, pour renforcer ses combattants à al Qusayr? Est-ce que cela signifie qu’il s’agit de ces mêmes combattants, parmi les plus jeunes et non-expérimentés ? Chaque hypothèse expose un niveau différent de vulnérabilités. Un taux de pertes élevé, parmi les combattants récemment entraînés de « l’élite », recrutés pour remplacer ceux qui ont été éliminés en 2006, signifie un gaspillage de temps précieux et de ressources humaines et matérielles. Même la perte de soldats plus aguerris, en plus des 500 à 600 de 2006, implique une perte supplémentaire de mémoire opérationnelle et d’expérience au combat, dans le corps combattant du parti.
Si le taux de pertes se maintient à un niveau aussi élevé, durant une semaine supplémentaire, il pourrait s’avérer dévastateur. Par exemple, selon un responsable du parti qui s’est adressé au journal koweitien al-Rai, beaucoup d’entre ceux qui ont été tués, le premier jour à al Qusayr, ont été fauchés par des mines dissimulées en terre et des engins explosifs improvisés, préparés par les rebelles syriens. Une source libanaise, qui suit étroitement le groupe, affirme qu’une compagnie de 200 combattants du Hezbollah a tenté l’assaut initial, mais s’est lancé sur les engins explosifs cachés, ce qui a eu pour conséquence ce taux de morts très élevé. Les sources révèlent même que les Syriens ont reçu l’assistance de certaines factions palestiniennes, dans la planification de la défense de la ville (Ndt : se rappeler de la bataille de Jénine, en 2002).
Déjà, avant le dernier massacre à al Qusayr, l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Subhi Tofeyli, a déclaré que le groupe chi’ite avait perdu 138 de ses membres, en Syrie. Shapira pense que, « parmi les centaines » qu’ils ont déployé, « ils en ont perdu plus de 200. Certains étaient des commandants, de plus de 30 à 35 ans ». Plus de 65 –plus de 10% du total perdu durant la guerre de 2006- ont été tués en moins de deux jours de combat ».
Il y a un autre problème crucial à considérer : même si, au bout du compte, le Hezbollah parvient à prendre la ville, il n’est pas clair de savoir qui aura la charge de tenir la ville. Effectivement, c’est resté un problème, pour le régime Assad, tout au long de ces deux ans de conflit : les forces d’Assad peuvent très bien reprendre du territoire aux rebelles, mais elles ne disposent pas d’assez de main d’œuvre pour le garder sous contrôle. La probabilité est, alors qu’un engagement renouvelé du Hezbollah, dans al-Qusayr pour tenir les voies d’accès, fournisse l’occasion aux rebelles de continuer à recevoir des cargaisons régulières de munitions et qu’ils soient, de leur côté, capables de sécuriser des lignes d’approvisionnement.
La sévérité de ce tableau global explique pourquoi le Chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah a dû séjourner à Téhéran et rencontré le Guide Suprême Ali Khamenei et le Commandant de la force Qods, Qassem Suleimani. C’est là, qu’on lui a fait comprendre qu’il devait y aller à fond, quel qu’en soit le coût humain. Tel était l’ordre de Téhéran. Après tout, non seulement, ces combattants ont été entraînés en Iran, mais ils ont aussi été préparés dans le but de servir lors de la prochaine guerre terrestre contre Israël. En fait, au cours des trois dernières années, le Hezbollah a fait diffuser des fuites sur ses intentions de lancer ses unités commandos d’infanterie à l’offensive et de mener le combat directement dans le nord d’Israël, dans tout conflit futur.
En prenant publiquement la tête des opérations d’assaut en Syrie, le Hezbollah devait faire la démonstration de ses capacités militaires à gagner des batailles, de façon décisive et rapide – d’abord à al Qusayr, puis sur d’autres fronts dans le pays. Le problème pour l’Iran, cependant, c’est que, indépendamment de ce qui se passera ensuite à Al Qusayr, la performance des forces d’élite du Hezbollah signale l’opposé du message que l’Iran cherchait à communiquer.
Alors que d’autres unités d’élite du groupe chi’ite sont appelés, au Liban, pour venir en renfort de leurs camarades en Syrie, l’Iran doit se préoccuper d’autres sujets que le simple fait d’assister au bombardement par Israël de ses caches d’armes stratégiques. Il doit aussi se soucier du fait que les vulnérabilités du Hezbollah sont pleinement exposées, non par Tsahal, mais par des rebelles syriens que le Parti de Dieu était supposé disperser facilement. Si les Iraniens ont surestimé les capacités du Hezbollah contre un adversaire comme l’Armée Syrienne Libre, on doit se demander sur quels autres sujets concernant leur puissance ils se sont aussi lourdement trompés.
Tony Badran est chercheur attaché à la Fondation pour la Défense des Démocraties. Il est sur Twitter sur : @AcrossTheBay.

Nasrallah promet des dizaines de milliers de volontaires pour combattre pour Assad

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Funérailles à Beyrouth d’un mort du Hezbollah dans la guerre syrienne
Le Dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah a juré, samedi soir, 25 mai, d’accroître l’implication militaire de son mouvement dans la guerre civile en Syrie. « Je n’ai qu’un mot à dire pour rassembler des dizaines de milliers de volontaires, prêts à combattre pour Bachar al Assad », a-t-il affirmé, prétendant recevoir des lettres quotidiennes de la part de parents le priant d’envoyer leur fils unique combattre en Syrie. "Les combattants d’al Qaeda se répandent en Syrie et Israël planifie des attaques supplémentaires", a t-il averti, lors d’une allocution marquant le 13ème anniversaire du retrait militaire israélien du Sud-Liban. Le dirigeant du Hezbollah a prévenu que si les Islamistes sunnites prennent le pouvoir en Syrie, ils représenteront une menace pour la population libanaise toute entière. Si Assad tombe, « le Front de la Résistance contre Israël » s’effondrera également – aussi bien que le peuple palestinien de la Bande Occidentale de Judée-Samarie et de la Bande de Gaza. « Le Hezbollah empêchera que cela n’arrive ! », a déclaré Nasrallah.
Selon les sources militaires de Debkafile : le discours de Nasrallah dénote que son mouvement est en train de plonger bien plus profondément dans le conflit syrien. Parti d’un engagement limité, il a entrepris de lutter pour Assad, pour le meilleur et pour le pire.
Le problème n’est plus, comme certains responsables israéliens ont insisté pour le présenter, s’il peut mettre la main sur les armes sophistiquées iraniennes, livrées par la Syrie, mais s’il peut atteindre son double-objectif : l’un est de faire pencher la balance du rapport de force dans la guerre en faveur de l’armée syrienne et l’autre est de contribuer à l’envoi de suffisamment de troupes dans les diverses zones de guerre pour libérer les mains des forces syriennes, et mener le combat contre Israël, dans une guerre de harcèlement, qu’Assad et Nasrallah ont tous deux déclarée.
Le Secrétaire-adjoint du Hezbollah, le Cheikh Naïm Qassem, a dit vendredi, que le Président Assad est absolument sérieux dans sa résolution d'ouvrir un front contre Israël, à partir du Golan. Il ne reste plus qu’à le faire, a-t-il affirmé. « La Syrie est tout-à-fait capable de mettre en œuvre sa décision toute seule. Si nécessaire, nous y contribuerons, mais cela ne dépend que de la Syrie ! »
En prime, l’intervention illimitée de Nasrallah dans la guerre syrienne lui assure que les armes avancées – dont Israël a juré d’empêcher le transfert aux mains des terroristes libanais- lui seront, en fait, livrées sur le sol syrien.
Vendredi 24 mai, Debkafile a dévoilé que deux mouvements en concurrence, le Hezbollah chi’ite et Al Qaeda sunnite, étaient en train de déverser des troupes en Syrie, alors que le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, restait focalisé sur un hypothétique processus de paix israélo-palestinien.
Après avoir passé 48 heures à Jérusalem et Ramallah, en tentant de parler aux dirigeants israéliens et palestiniens, de la façon de ranimer le processus de paix, depuis longtemps paralysé, au Moyen-Orient, la solution de sortie de crise du Secrétaire d’Etat américain John Kerry, vendredi 24 mai, restait : « Nous nous acheminons, désormais, vers une période, où il devient nécessaire de prendre de graves décisions ».
C’était à peu près tout ce qu’il avait à dire, concernant les commentaires israéliens sur les propositions américaines sur le sujet, les définissant comme impraticables, et sur le point de vue palestinien, disant que les idées américaines restaient informelles et que les conditions pour ranimer les pourparlers étaient inexistantes. En tout cas, la crise syrienne, qui se dresse sans se soucier de son potentiel désastreux pour ses voisins immédiats, occupe pleinement l’attention des dirigeants, en ce moment, et les confronte à des « décisions difficiles » bien plus urgentes.
Le Secrétaire lui-même, revenait tout juste d’une rencontre des “Amis de la Syrie”, jeudi à Amman, à laquelle n’assistaient que 11 membres disparates, comparés aux 80 membres des rencontres initiales. La réunion s’est achevée sur l’exigence que la Conférence Internationale sur la Syrie, que Kerry essaie de convoquer à Genève, pour la première semaine de juin, en partenariat avec la Russie, n’acceptera pas la présence de représentants du régime Assad ayant du sang sur les mains. Moscou s’est offusqué de cette exigence, vendredi, par le biais d’une déclaration du Ministre des Affaires étrangères russe, disant que la Syrie s’était mise d’accord sur le principe de sa participation à cette conférence, mais que des obstacles, émis de la part de l’opposition syrienne, se dressaient encore quant à la date de cette conférence.

On ne peut donc pas dire que Washington et Moscou se soient parfaitement mis d’accord, à propos des problèmes essentiels que pose la représentation syrienne à cette conférence, qu’ils parrainent conjointement.
Les Etats-Unis insistent sur le fait que Bachar Assad doit partir, pour qu’on puisse, ensuite, aborder une solution politique, alors que la Russie continue de le plébisciter et de l’armer.
Le trait le plus flagrant de la tournée actuelle de Kerry au Moyen-Orient reste la forte dichotomie entre ses déclarations publiques, faites durant sa mission, et les évènements qui se déroulent dans le monde réel autour de lui.
Les analystes de Debkafile attribuent cet écart, entre les perceptions du Secrétaire et la réalité, au caractère particulièrement évasif du Président américain Barack Obama sur les « décisions difficiles » que lui-même devraient prendre, afin de déterminer le niveau d’engagement américain dans les crises aiguës qui agitent cette région hautement volatile.
C’était particulièrement criant, lors de l’allocution qu’il a faite, jeudi 23 mai, dans laquelle il a mis l’accent sur l’effort réalisé par les Etats-Unis, afin de se retirer de leur implication “dans la guerre anti-terroriste de l’après 11 septembre” et pour “retourner à la normalité”.
Il a déclaré : “la force létale [comme les drones] ne sera utilisée que contre des cibles qui constituent une menace permanente et imminente contre les Américains ».
Le message d’Obama était totalement déconnecté de la mobilisation croissante des deux mouvements terroristes islamistes les plus virulents, au jour d’aujourd’hui.
Alors qu’il discourait, Al Qaeda, d’un côté, et le Hezbollah chi’ite libanais, de l’autre, continuaient à déployer des forces combattantes en Syrie et alimentaient les flammes de la guerre civile calamiteuse, dont on sait qu’elle a provoqué au moins 80.000 morts en à peine plus de deux ans.
Nos sources militaires rapportent que les brigades du Hezbollah se regroupent avec l’armée syrienne pour leur prochaine bataille décisive, après leur victoire à Al Qusayr, en vue de la reconquête de la ville de Homs, plus au nord. Les Jihadistes d’al Qaeda déferlent à travers la frontière, en provenance d’Irak, pour cimenter le contrôle des rebelles sur la région de Deir a-Zor, dans l’Est syrien. Les actions agressives du Hezbollah, autant que d’al Qaeda en Syrie vont bien au-delà des limites des objectifs révisés par le Président américain, concernant la guerre anti-terroriste des Etats-Unis – c’est-à-dire, l’argumentaire favorable au non-engagement américain d’aucune sorte dans le conflit syrien.
Au même moment, ces deux mouvances sont en guerre, déclarée ou non-déclarée, contre Israël, la Turquie, le Liban [deux roquettes katiouchas tirées contre la banlieue sud de Beyrouth fief du Hezbollah, dimanche 26 au matin- ] et la Jordanie. Leur impact déstabilisant a des répercussions sur l’Autorité Palestinienne à Ramallah, également. En terme de minutage et d’immédiateté, par conséquent, les « décisions difficiles » auxquelles appelle John Kerry se situent complètement à côté du contexte actuel prévalant au Moyen-Orient. Les dirigeants israéliens doivent d’urgence décider comment répondre à la plongée de la Syrie, la tête la première, dans un bain de sang encore plus meurtrier, dans une période où la Russie, al Qaeda et le Hezbollah ont pris l’initiative des évènements en cours.
L’initiative menée par les Secrétaire d’Etat américain et le Ministre des Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, en vue d’une conférence internationale pour imposer une solution politique à la crise syrienne, ne ralentira, en aucune manière, sa course folle.
Les dirigeants israéliens pourraient, peut-être, être mieux avisés en concentrant leur attention sur la façon de déterminer comment mieux faire face aux périls qui surgissent de Syrie. Ils prennent nettement le dessus sur la tentative de Kerry pour provoquer le retour aux discussions avec les Palestiniens.
DEBKAfile Analyse Exclusive 25 mai 2013, 10:28 PM (IDT)

L’effacement des frontières au Proche-Orient

http://jcpa-lecape.org/leffacement-des-frontieres-au-proche-orient/
vieille carte SyrieLa désintégration de la Syrie et de l’Irak est une nouvelle étape vers un profond changement dans notre région. La vraie question se pose de savoir si les extrémistes de la nébuleuse Al-Qaïda auront la mainmise complète sur le Proche-Orient et domineront la situation ou si les modérés garderont toujours un rôle d’influence ?
La majorité des observateurs s’accorde pour dire qu’une partie des frontières du Moyen-Orient moderne, tracées suite aux Accords Sykes-Picot de 1916, est à la veille d’une modification fondamentale qui pourrait les voir s’effacer complètement.
La fin des Accords Sykes-Picot est actuellement sur toutes les lèvres. David Ignatius du Washington Postavait mis en garde les Russes en prédisant que la dissolution des frontières actuelles au Moyen-Orient les touchera principalement. Elliot Abrams, vice-Conseiller à la Sécurité nationale au sein de l’administration Bush, avait aussi écrit sur l’effritement de ces accords. Et Antoine Basbous, orfèvre en la matière et directeur de l’Observatoire des pays arabes à Paris a prédit dans le Figaro du 12 avril dernier que « le tsunami arabe et ses répliques ont donné un coup de grâce aux frontières artificielles tracées dans le cadre des Accords Sykes-Picot. »
Pour mieux comprendre l’importance de ce changement, il convient d’analyser les bases de ces accords qui ont défini les frontières de cinq pays de la région. Au cours de la Première Guerre mondiale, en octobre 1916, Sir Mark Sykes, représentant la Grande-Bretagne, et Georges Picot, représentant la France, sont parvenus à signer un accord secret sur le partage des territoires asiatiques de l’Empire ottoman en les plaçant dans des sphères d’influence sous la souveraineté des deux pays.
Ainsi, dès que la Société des Nations a établi les mandats sur les anciens territoires ottomans, le mandat sur la Syrie et le Liban a été confié à la France ; celui de l’Irak aux Britanniques. Au fil des années ces régimes mandataires ont conduit à un renforcement de la minorité alaouite sur la majorité sunnite en Syrie, et à une domination de la minorité sunnite sur la majorité chiite en Irak.
Les Accords Sykes-Picot ont également attribué à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine, qui était en fait un territoire connu par les résidents arabes de l’époque comme « Surya al-Janubiyya » (la Syrie du Sud) ; le nord de la Syrie étant sous mandat français.
A l’heure actuelle, la plupart des observateurs évoquent surtout les frontières de 600 kms séparant la Syrie de l’Irak. Selon le New York Times la Syrie se désintègre en trois parties :
- La région loyale à Assad ;
- La région fidèle à l’opposition et aux rebelles ;
- La région kurde ayant des relations avec l’Irak du nord et certains groupes kurdes en Turquie.
L’effacement du tracé des frontières selon les Accords Sykes-Picot est surtout notable côté irakien. Les multiples incidents intervenus l’année dernière font poindre en effet une dissolution éventuelle de l’Irak. En septembre prochain un nouveau pipeline acheminera directement du pétrole via la Turquie, ce qui reliera les Kurdes irakiens au marché turc et s’inscrira sans doute comme une première étape vers l’indépendance du Kurdistan. En effet, les Kurdes effectuent des affaires commerciales séparées avec des compagnies de pétrole internationales et contournent le gouvernement central irakien de Bagdad.
Toutefois, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l’administration américaine a déclaré publiquement que les Etats-Unis s’opposaient à l’exportation du pétrole de toutes les régions de l’Irak « sans approbation appropriée du gouvernement fédéral irakien ». Washington s’oppose aussi aux initiatives économiques kurdes pouvant conduire à la dissolution de l’Irak en trois mini-Etats : kurde, chiite et sunnite. En réalité, l’Iran dominera les zones chiites d’Irak mais le flou demeure sur les zones sunnites telles que la province d’Al-Anbar.
Cette dernière année, des forces djihadistes des tribus arabes sunnites en Irak se sont jointes aux rebelles dans la lutte contre le régime d’Assad et offrent un nouvel espoir aux Arabes sunnites d’Irak.
L’ancien ambassadeur des Etats Unis en Irak, Ryan Crocker, a écrit récemment dans le Washington Postqu’al-Qaïda s’est à nouveau installée dans les régions où elle a été vaincue par les forces américaines et irakiennes. Il n’est pas surprenant que Crocker définisse la force djihadiste Jabhat al-Nousra de filiale d’al-Qaïda en Syrie.
Au mois de mars dernier, lors des exécutions de 11 soldats syriens sur la place publique de la ville Raqqa au nord du pays, on a aperçu un drapeau d’al-Qaïda d’Irak flotter aux quatre-vents. Un commentateur irakien avait souligné que depuis 2011 des voix religieuses appelaient aussi à effacer l’ancienne frontière irako-syrienne et unir ainsi les régions sunnites des deux côtés.
Avec la désintégration de la Syrie et la balkanisation de l’Irak, il est probable que les Arabes sunnites aspireront à obtenir des alliances avec leurs voisins. Cependant, une domination politique de la filiale d’al-Qaïda aboutirait à l’émergence d’un nouvel Afghanistan au cœur du monde arabe.
Toutefois, si des forces plus modérées émergeaient au sein des sunnites d’Irak, alors il serait probable qu’ils envisageraient des liens fédéraux avec leur voisine sunnite située à l’ouest, à savoir la Jordanie qui leur permettra d’avoir un accès direct à la mer Rouge.
En conclusion, toutes les hypothèses sur l’évolution des systèmes politiques en Syrie et en Irak aboutiront, tôt ou tard, à une nouvelle carte du Moyen-Orient, bien différente de celle tracée par la Grande-Bretagne et la France il y a déjà presque un siècle.

Liban/Israël : nouvelles provocations. Un missile tiré du sud Liban vers le nord d’Israël

Plusieurs médias libanais, ainsi que la télévision « Al Arabiya », affirment à l’instant qu’un missile a été tiré depuis la région de Marjyoune, au Sud-Liban, vers le nord de l’Etat hébreu. Aucun détail sur la cible visé ni sur les éventuels dégâts n’est encore disponible pour le moment.

Honte aux racistes qui ont peur de l’islam

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Les médias ont réussi à faire aimer aux Européens les terroristes palestiniens qui tuent des enfants israéliens dans leurs bus scolaires, et à détester les israéliens lorsqu’ils ripostent.
Ils ont réussi à faire passer les arabes de Palestine pour les victimes de la colonisation israélienne, alors qu’Israël leur donne des territoires, et alors que les conquérants, sont, au Moyen-Orient comme ailleurs, les musulmans.
Maintenant c’est votre tour, en Europe.
Les médias et les politiques sont en train de faire passer les Européens qui dénoncent la violence de l’islam pour des ennemis de la démocratie et du vivre ensemble, des xénophobes, racistes et islamophobes.
Demain, vous serez désignés comme les colonisateurs de la France, ses occupants illégitimes, puisque vous l’avez reprise des musulmans. Pareil pour l’Espagne.
Deux terroristes décapitent un jeune soldat à Londres ? C’est une femme de 85 ans qu’on arrête pour avoir lancé aux musulmans « rentrez chez vous ! »
Des islamistes appellent à tuer les Juifs lors d’une manifestation sur les Champs Elysées, ce sont les manifestants opposé au mariage et à l’adoption homosexuels que l’on embarque au poste et qualifie d’agités.
Des islamistes bloquent les rues de Paris pour prier, ce sont les riverains qui sont priés de se taire et de ne pas semer le désordre.
Chaque jour en France et en Europe, des musulmans tranchent des gorges, lacèrent les visages de leurs femmes, brûlent des voitures, caillassent des pompiers, des médecins, des policiers et des ambulances, au cris de Allahu Akhbar, mais les dénoncer pour ce qu’ils sont, c’est à dire des islamistes qui sèment la terreur pour faire taire les citoyens et conquérir l’Europe par la peur, vous fait directement poursuivre en justice par SOS Racisme si vous êtes en France.
Un homme a été poignardé dimanche dans le quartier londonien de Woolwich où un soldat britannique a été tué mercredi dernier, mais les médias expliquent déjà que c’est un acte isolé. Ils ont raison. Un crime par jour, ce sont 365 actes isolés, et seul un islamophobe s’en plaindrait.
La police britannique a appréhendé un nouveau suspect dans la décapitation du soldat de Londres. Les médias disent que c’est un « jeune homme de 22 ans. » Qui songerait à haïr « un jeune homme de 22 ans », à part des sales racistes.
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© Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info

lundi 20 mai 2013

Les combats s’intensifient en Syrie, Israël menace


L’armée syrienne, appuyée par des militants chiites du Hezbollah libanais, a lancé dimanche une offensive pour reprendre aux insurgés la ville stratégique de Koussaïr, tandis qu’Israël a menacé la Syrie de nouvelles attaques avant la tenue d’importantes réunions sur le plan diplomatique.
Le secteur de Koussaïr a une importance stratégique pour le gouvernement syrien qui veut assurer un corridor vital, où cas où la Syrie se désagrégerait, entre la plaine libanaise de la Bekaa, bastion du Hezbollah soutenu par l’Iran, et les régions de la côte syrienne où vivent de nombreux alaouites, membres d’une branche du chiisme à laquelle appartient le président syrien Bachar al Assad.
Les combats entre des unités mécanisées de l’armée syrienne, soutenues par les miliciens chiites, et les rebelles ont fait au moins 52 morts dans le secteur de Koussaïr, situé à dix kilomètres de la frontière libanaise.
Des avions syriens ont bombardé la ville, également soumise à des tirs d’artillerie très nourris. On a compté parfois cinquante impacts à la minute, a dit par téléphone un opposant sur place, Hadi Abdallah.
« L’armée attaque Koussaïr avec des blindés et de l’artillerie, au nord et à l’est, tandis que le Hezbollah tire au mortier et au lance-roquettes du sud et de l’ouest », a-t-il précisé. « La plupart des morts sont des civils victimes des bombardements. »
Bachar al Assad a parallèlement exprimé ses doutes sur le succès d’une conférence de paix sur la Syrie. Les pourparlers proposés par Moscou et Washington ne permettront pas d’arrêter le terrorisme, estime le président syrien dans une interview au journal argentin Clarin.
« On croit qu’une conférence politique arrêtera les terroristes dans le pays. C’est irréaliste », a déclaré le président interrogé en Syrie par Clarin.
Le 7 mai, Moscou et Washington ont proposé la tenue d’une conférence internationale à laquelle seraient conviés aussi bien des représentants d’Assad que de l’opposition, dans l’espoir de trouver une solution politique à la guerre civile.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry devrait en dire plus lors d’une réunion mercredi en Jordanie des « Amis de la Syrie », un groupe de pays arabes et occidentaux qui souhaitent le départ de Bachar al Assad. De nombreux pays de ce groupe sont sceptiques sur cette initiative de paix russo-américaine.
ENLÈVEMENT
La Russie souhaite la participation de l’Iran, principal soutien de Bachar al Assad dans la région, à la conférence. La France y est opposée.
Mercredi toujours, le Royaume-Uni et peut-être aussi la France, tenteront de persuader le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne de ne pas reconduire tel quel l’embargo sur les armes qui expire le 1er juin et d’autoriser au contraire l’armement de certains des rebelles syriens.
L’opposition syrienne, très divisée, se réunira jeudi à Istanbul pour décider de sa participation à la conférence de paix tandis que le comité « Syrie » de la Ligue arabe se réunira également le même jour à la demande du Qatar, peut-être pour avaliser la décision de l’opposition.
De son côté, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a laissé planer la menace de nouvelles frappes aériennes en Syrie, afin d’empêcher le Hezbollah et d’autres groupes radicaux d’acquérir les armes ultraperfectionnées que Moscou aurait récemment livrées à Damas.
A l’issue de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres dimanche, Benjamin Netanyahu a assuré que son gouvernement « se préparait à tous les scénarios » d’évolution possible du conflit syrien.
La politique d’Israël consiste « à empêcher autant que possible la dissémination d’armes sophistiquées au Hezbollah et à d’autres groupes terroristes », a-t-il expliqué.
Israël n’a pas pris ouvertement parti depuis le début du conflit en Syrie, mais des sources occidentales et israéliennes ont confirmé que l’aviation israélienne avait mené plusieurs raids contre des dépôts d’armes iraniennes qu’elle pensait destinées au Hezbollah.
Dans une tentative de contre-attaque, les combattants rebelles ont enlevé le père du vice-ministre des Affaires étrangères, Faiçal Mekdad, dans la province de Deraa, dit-on de source proche de l’opposition.
« Le neveu de Mekdad avait été pris et échangé contre des prisonniers de l’Armée syrienne libre. On pense qu’un accord similaire va être conclu pour son père », explique le militant Al Moutassem Billah du groupe d’opposition Cham News Network.
Avec Suleiman al-Khalidi et Jeffrey Heller; Jean-Stéphane Brosse, Guy Kerivel, Tangi Salün, Jean-Loup Fievet et Danielle Rouquié pour le service français

La Syrie face à la solution russe (ou le retour à la case départ)


Alexandre Del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue renommé. Ancien éditorialiste à France Soir, il enseigne les relations internationales à l'Université de Metz et est chercheur associé à l'Institut Choiseul. Il a publié plusieurs livres sur la faiblesse des démocraties, les Balkans, la Turquie et le terrorisme islamique.

Deux ans après le début des "révolutions arabes" et des milliers de morts plus tard, les Occidentaux, qui ont pris fait et cause pour l’opposition islamiste et appelé à la chute du régime de Bachar al-Assad, commencent à se rendre compte que l’option russe, qui prônait au contraire une solution politique, n’est peut-être pas la pire. Il y quelques mois encore, les capitales occidentales misaient encore sur une chute rapide de Bachar et accusaient Moscou de le soutenir. Mais entre-temps, les Etats-Unis, qui ne peuvent pas fournir des armes à des islamistes syriens liés à al-Qaïda en Irak que les JI’s combattent, ont compris qu’aucune solution ne peut exclure la Russie, seule capable de pousser Damas à accepter un accord et une porte de sortie. Défendu à la fois par l’Iran, la Russie, la Chine, l’Irak, le Liban (Hezbollah), le Venezuela, la Corée du  Nord, Cuba, etc, le régime syrien conserve une capacité de nuisance : conflit israélo-palestinien ; attentats en Turquie commis par des groupes pro-syriens ; activisme du Hezbollah, etc.

La Russie est donc à nouveau prise au sérieux par les grandes chancelleries. D’où les visites à Moscou du secrétaire d’Etat américain John Kerry, du premier ministre britannique David Cameron, et même du Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qui a demandé à M. Poutine de ne pas honorer la livraison de missiles russes antiaériens S-300 à Damas. D’où aussi l’accord conjoint entre Vladimir Poutine et Barak Obama concernant la conférence internationale sur la Syrie ("Genève 2") envisageant un gouvernement de transition. Ignorant pour une fois la position des puissances sunnites (Turquie, Arabie Saoudite et Qatar), Washington a renoncé à faire du départ de Bachar un préalable et a semblé accepter l’idée russe d’un futur gouvernement acceptable par toutes les parties formé après 2014 en échange de sa promesse d’Assad de renoncer à se représenter.
Quant à la France de François Hollande, marginalisée, elle continue de soutenir la réunion du "groupe des Amis de la Syrie" formée par les pays hostiles à Assad qui se tient à Amman cette semaine... C’est dans ce contexte que Bachar, décidé à influencer la conférence, a confirmé le 18 mai, dans une interview accordée à des journalistes argentins, qu’il poursuivrait son mandat jusqu’en 2014, fait évident dès lors que l’Occident n’est pas intervenu militairement en faveur des rebelles incapables de vaincre seuls. Bachar al-Assad a par ailleurs totalement nié l’utilisation par son régime d’armes chimiques – selon lui prétexte à une périlleuse intervention occidentale – qui auraient été en revanche utilisées par les rebelles.Tout en saluant l’initiative russo-américaine, il a enfin averti qu’il sera impossible de faire respecter un cessez-le-feu par une rébellion divisée composée de centaines de groupes sunnites unis par la seule volonté de détruire Bachar et l’axe-chiite Iran-Syrie-Hezbollah.
Il est vrai que le conflit syrien tourne de plus en plus en guerre de religion, ceci dans le cadre de révolutions arabes soutenues par les pétromonarchies sunnites qui aident partout les islamistes à renverser les régimes laïques et l’axe chiite syro-libano-irakien soutenu par l’Iran. Dans ce contexte, la stratégie de Téhéran consiste à renforcer le Hezbollah libanais chiite, dont 8 000 miliciens sont déployés en Syrie pour aider Assad à sécuriser les zones qu’il contrôle. D’où les raids israéliens en Syrie sur des armements destinés au Hezbollah : ces raids ne visaient pas à appuyer les rebelles mais à empêcher le renforcement du Hezbollah, qui pourrait déclencher une offensive sur le Nord d’Israël en cas de raid israélien ou américain sur l’Iran (qui cherche à se doter de l’arme nucléaire).
Moins médiatisée que la guerre sunnites-chiites, celle menée par les sunnites contre les chrétiens, accusés de soutenir Assad, est une autre composante de la guerre civile syrienne. Il est vrai que, bien qu’un chrétien, Georges Sabra, ait été élu président du Conseil National Syrien en novembre 2012, la plupart des chrétiens soutiennent le régime de Damas. Rappelons que l’un des créateurs du parti au pouvoir à Damas, le Baas, était un chrétien (Michel Aflaq) et que des chrétiens ont occupé des postes importants sous Bachar, comme le ministre de la Défense, Daoud Rajha, nommé en 2011 et tué dans un attentat à Damas en juillet 2012. Coincés entre le régime - qui les somme de prendre position pour lui - et l’opposition sunnite, qui leur demande de prendre les armes à ses côtés, les chrétiens ont peur : ainsi, 80 000 chrétiens de Homs ont fui vers Damas ou Beyrouth et 1/3 des chrétiens ont déjà fui la Syrie. D’après la Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie, l’opposition armée multiplie les attaques contre les minorités.
Comme en Irak, les Chrétiens, souvent aisés, sont les cibles d’attaques et d'enlèvements. On peut citer par exemple les chrétiens de Maaloula pris en otage en décembre 2012 ; ceux de Qusayr enlevés en juillet 2012 ; les assyro-chaldéens de Hassaké enlevés puis obligés à envoyer leurs enfants rejoindre l'opposition armée ; l’assassinat en août 2012 de 12 chrétiens à Jaramana ; l’explosion d’une bombe en pleine messe le 21 octobre dans le quartier chrétien historique de Damas, Bab Touma (15 chrétiens tués) ; l’assassinat de 8 autres chrétiens et de 12 druzes le 28 novembre à Jaramana dans des attentats visant les "communautés anti-rébellion" ; le cas atroce du prêtre grec-orthodoxe, Fadi Jamil Haddad, curé de Saint Elie à Qatana, qui fut scalpé et à qui on arracha les yeux pour avoir tenté de libérer un paroissien pris en otage ; et l’enlèvement,  le 22 avril dernier, près d’Alep, des évêques Yohanna Ibrahim et Paul Yazigi, durant une mission humanitaire, etc…
Autant de faits qui inquiètent le Vatican - le Pape François a dénoncé les persécutions de chrétiens - et qui sont dénoncés par les médias et le pouvoir russes, qui se présente comme le protecteur des chrétiens d’Orient face aux islamistes "soutenus par l’Occident". Il est vrai que les pays occidentaux semblent plus préoccupés par les intérêts de leurs "alliés" sunnites du Golfe que par ceux de leurs coreligionnaires chrétiens de Syrie... Si l’Iran chiite défend les “frères” chiites d’Irak, de Syrie et du Liban face aux Sunnites ; si les monarchies du Golfe et la Turquie soutiennent les "frères” sunnites de Syrie face aux chiites-alaouïtes, l’Occident post-chrétien n’a quant à lui jamais défendu les chrétiens d’Egypte, du Pakistan, du Nigeria ou du Soudan persécutés par les sunnites… Les puissances de l’OTAN, qui voient toujours dans la Russie l’ennemi soviétique de la guerre froide, ont en revanche souvent envoyé, depuis 1990, leurs troupes contre des régimes pro-russes (Serbie de Milosevic, Irak de Saddam Hussein, Libye de Kadhafi, etc), notamment par "solidarité" avec leurs "alliés" pétroliers du Golfe et l’Organisation de la Conférence islamique qui exigeaient de défendre la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Koweït, les rebelles islamistes libyens et maintenant syriens.

 http://www.atlantico.fr/decryptage/syrie-face-solution-russe-ou-retour-case-depart-alexandre-del-valle-731987.html#dWsAeQRg5au08Zhc.99 

Vive le Deutsche Mark et démerdez-vous !


Je suis Allemande, vivant en France depuis 20 ans. Il m’arrive de traverser la frontière, et à l’occasion, je « prends la température politique locale ».
Je tiens à vous informer que, depuis le 14 avril, s’est créé un parti anti-euro nommé « Alternative für Deutschland », pour lequel je vais voter en mois de septembre (Bundestagswahl).
Sachez que les Allemands en ont assez de payer pour les pays du Club Med (ce que vous appelez les pays des « combinazioni »).
Les Allemands travaillent de 38,5 à 40 h/semaine, jusqu’à l’âge de 67 ans, sans CMU (tout le monde paye, soit assurance privée ou par statut de salarié) et le HARZ 4 1.
Schröder (un socialiste !) a fait des réformes structurelles que Chirac a oublié d’entreprendre alors qu’il avait la majorité pour les faire (au moment des élections contre Le Pen).
Jacques Delors, père d’un enfant mort-né (je parle de l’euro, pas de Martine Aubry) est bien français… Valéry Giscard d’Estaing, père d’une Constitution européenne avortée par les Français est lui aussi bien français…
Si Merkel n’est pas réélue (pour la question de l’euro, d’ailleurs), l’Allemagne quitte le navire.
Vive le Deutsche Mark, démerdez-vous et arrêtez de prendre les Allemands pour des impérialistes !
Bonne chance à vous et votre pays.
1. La loi Hartz IV est la quatrième étape de la réforme du marché du travail menée en Allemagne par le gouvernement Schröder de 2003 à 2005. C’est la partie la plus controversée de ces réformes qui a donné lieu à plusieurs semaines de manifestations à la fin de l’été 2004. Avec cette réforme, les indemnités de chômage ne sont plus versées pendant 32 mois mais pendant seulement 12 mois…

Chrétiens de Syrie : le mensonge organisé des médias français François Belliot

François Belliot montre comment la presse française a donné la parole presque exclusivement à un prêtre italien pour dénoncer le «régime de Bachar », alors même que la totalité des évêques et Patriarches chrétiens de Syrie le soutient. Il ne s’agit bien sûr que d’un exemple du biais médiatique dans les pays de l’OTAN, ce prêtre ayant été invité identiquement en Amérique du Nord et en Europe. La presse chrétienne n’a pas échappé au jeu colonial, ses journalistes étant les mêmes que ceux des organes profanes.

Il existe bien des façons de démontrer que la Syrie est victime depuis deux ans d’une campagne de propagande intense visant à persuader l’opinion otanienne de la nécessité d’armer l’opposition et de renverser Bachar el-Assad, « l’ignoble-dictateur-qui-torture-et-massacre-son-propre-peuple ». On peut évoquer l’imposture que constitue le prétendu Observatoire syrien des Droits de l’homme (OSDH), on peut rapporter des témoignages qui vont dans le sens inverse de la version officielle, on peut remonter l’histoire et constater que la déstabilisation actuelle de la Syrie depuis l’étranger s’inscrit dans une dynamique très ancienne (Sykes-Picot, 1916) dont la crise actuelle ne constitue que la dernière étape, on peut faire la comparaison avec d’autres campagnes de propagande ayant abouti aux renversements de chefs d’Etat sur la base de fausses preuves (Saddam Husseïn, Mouammar el-Kadhafi), on peut évoquer le jeu d’alliances de la Syrie avec le Hezbollah et l’Iran, qui gêne les velléités expansionnistes d’Israël et s’oppose au plan de remodelage par les États-Unis du « Moyen Orient élargi, on peut souligner les intérêts gaziers et pétroliers dans la région, qui font de la Syrie une proie d’autant plus convoitable que ses ressources d’énergie fossile restent largement à exploiter.
On peut aussi pointer la loupe sur certains personnages mis en avant dans les médias commerciaux. La propagande pour être crédible s’appuie sur des témoins de choix, souvent minoritaires dans le camp qu’ils sont censés représenter. En comparaison, d’autres personnes, souvent plus nombreuses et plus représentatives, sont systématiquement écartées des plateaux, voire diffamées sans qu’elles aient la possibilité de se défendre médiatiquement.
Le cas du père Paolo Dall’Oglio, censé représenter le point de vue des chrétiens de Syrie, omniprésent dans les grands médias commerciaux à l’automne dernier, et de nouveau en ce mois de mai 2013, à la différence d’autres personnalités bien plus représentatives, permet de démontrer de façon irréfutableque le traitement de la crise syrienne par les médias commerciaux otaniens est presque intégralement mensonger et orienté.
L’histoire que je vais raconter commence par une conférence organisée à Paris en septembre dernier.

Père Paolo Dall’Oglio s.j.
Une conférence sur la Syrie à la mairie du XXème arrondissement de Paris
Le 25 septembre dernier était organisée, dans la salle des fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris, une conférence intitulée « Regards croisés sur la Syrie ». Elle mettait en scène un intervenant unique, le père Paolo Dall’Oglio. Elle était prévue pour durer 2 heures, une heure de parole pour le père Paolo suivie d’une heure d’échange avec le public.
Habitué depuis des mois à passer chaque matin devant cette mairie, j’avais forcément remarqué une immense banderole qui en recouvrait la façade, et qui appelait par un biais tendancieux à la fin des massacres en Syrie. La mairesse du XXème arrondissement, Frédérique Calandra avait à l’évidence choisi son camp : celui de l’ « opposition », contre celui du « régime de Bachar el Assad » [1].
Je savais plus ou moins à quoi à m’attendre en me rendant à cet événement ; mais c’était tout de même une bonne occasion d’entendre quelqu’un qui avait vécu longtemps en Syrie et qui pouvait donner le point de vue d’un témoin direct confortant la version officielle.
Je n’avais jamais entendu parler du père Paolo Dall’Oglio. Son nom m’avait échappé dans le flot d’actualités quotidien sur la Syrie, et les médias indépendants eux-mêmes n’y avaient guère prêté attention.
La salle des fêtes de la mairie du XXème était très bien remplie, 300 personnes au jugé. A proprement parler ce n’était pas une conférence, mais un jeu de questions réponses entre un journaliste et le père Paolo. Il ne s’agissait donc pas de « Regards croisés », comme suggéré dans l’intitulé de la conférence, mais du « regard » du père Paolo, qui n’était affligé d’aucun strabisme convergent. Le journaliste, étant complètement acquis à la cause du père il n’y avait pas de contradicteur dans ce «croisement ».
Je commençai à prendre des notes. La salle était mal insonorisée, et le père Paolo, en plus de s’exprimer dans un français parfois incertain, était dur à suivre dans son exposé. Il rendit hommage à la révolution tunisienne et à la révolution égyptienne , plus généralement au printemps arabe, dans lequel s’inscrivait naturellement selon lui la révolution syrienne [2]. Il insista sur la pratique systématique de la torture et l’emprisonnement des opposants par le « régime de Bachar el-Assad ». Il se félicita d’avoir en juin 2011 tiré la sonnette d’alarme : « le régime » était construit exclusivement sur le mensonge, cela faisait partie de son ADN. A deux reprises il compara ceux qui remettaient en cause la version officielle de la révolution syrienne à ceux qui remettaient en cause la version officielle du génocide des juifs, qu’il assimila ainsi à du négationnisme et à une pathologie de l’esprit. Il expliqua que la négation de la version officielle était le fait de forces d’extrême gauche et d’extrême droite coalisées pour l’occasion. Il fustigea le rôle de la Russie, qui mettait régulièrement des vetos aux résolutions de l’ONU contre la Syrie, car elle pensait à tort avoir été bernée sur l’affaire libyenne, l’année précédente, et sur l’affaire du Kosovo, il y a quelques années. Il expliqua, quoiqu’il fût prêtre et par nature religieuse opposé à l’usage de la force, qu’il fallait cependant armer les rebelles (en ne se trompant pas sur les destinataires) et qu’il y avait un devoir d’ingérence à intervenir en Syrie. Il se paya d’une diatribe sur le Réseau Voltaire, qu’il semblait tenir (puisque c’est le seul organe de presse indépendant qu’il nomma) pour le principal responsable de la campagne de désinformation sur la Syrie ; il nia absolument le fait qu’il pût exister une alliance entre le Qatar, l’Arabie saoudite, la France et le Royaume Uni (je rajoute la Turquie et la Jordanie qu’il a omises dans sa liste), pour déstabiliser la Syrie. Et si l’ONU ne pouvait résoudre le problème... c’était une théorie du complot diffusée par « le régime » pour cacher ses exactions, il devenait urgent de « passer outre le droit international ».
Pour être juste, le journaliste osa poser une question cruciale : comment lui, chrétien, prêtre qui plus est, pouvait-il appeler à armer l’opposition ? N’y avait-il pas là une contradiction fondamentale ? Une personne du public relaya cette préoccupation. Cette question fut posée en préambule, et le père Paolo y répondit avec certains des arguments que je viens d’énumérer. Je passe sur la séance de questions qui s’ensuivit. Elles furent pour la plupart extrêmement consensuelles, et beaucoup dans la même veine persuasive plus que convaincante qu’avait employée le père Paolo. Je me souviens en particulier d’une dame explosant sur un ton hystérique : « Vous attendez quoi ? Les chambres à gaz ? Le Christ était le premier martyr ! Il y a des milliers de Christs en Syrie ! » Elle avait sans doute lu la chronique de désinformation de Caroline Fourest dans l’édition du Monde du 25 février 2012 , suggérant que l’Iran avait fourni un four crématoire à la Syrie qui « tournerait déjà à plein régime » dans la région d’Alep.
La seule question un peu dissidente fut posée par une femme qui pointa la responsabilité éventuelle de puissances étrangères dans la déstabilisation de la Syrie. Elle put s’exprimer mais fut la seule que l’on pressa de remettre le micro alors qu’elle déroulait son intervention. Elle fut moquée par le père Paolo qui, sans le moindre argument, l’accusa de pratiquer des amalgames, alors que lui-même n’avait fait que ça pendant son intervention.
Quand la conférence fut terminée, je découvris des Syriens contestant la version officielle, que j’avais eu l’occasion pour certains de rencontrer lors de diverses manifestations et nous nous retrouvâmes autour d’un verre dans une brasserie de la place Gambetta.
Je m’enquis du personnage et l’on m’en fit une brève présentation, que je complète avec certains détails utiles :
Paolo Dall’Oglio est un religieux jésuite italien né à Rome en 1954. Après un passage par le Liban en 1982, il découvre le monastère Deir Mar Moussa en Syrie, et décide de consacrer sa vie à sa restauration. En 1992 il fonde une communauté œcuménique religieuse mixte qui promeut le dialogue islamo-chrétien. Dans le prolongement de cette démarche, il publie, en 2009, Amoureux de l’Islam, croyant en Jésus. Quand les troubles commencent, début 2011, il prend parti pour l’opposition, allant jusqu’à demander publiquement qu’on lui fournisse des armes. En juin 2012, à la demande de l’ensemble des Eglises de Syrie et du gouvernement, son visa n’est pas renouvelé et il doit quitter le pays. Depuis, l’homme a été très massivement relayé dans les médias commerciaux de masse (New York Times, Le Figaro, etc .) et a été reçu par les plus hautes autorités de divers Etats engagés dans le conflit aux côtés de l’Arabie saoudite, du Qatar, et de la Turquie.
Chacun y alla ensuite de son anecdote, touchant soit son expérience personnelle en France ou en Syrie, soit sur un aspect de la conférence.
L’un des Syriens m’apprit qu’il avait levé la main pour poser une question (qui fatalement n’irait pas dans le sens des organisateurs de la conférence), et qu’alors il fut montré du doigt par un des organisateurs, avec un signe d’interdiction. L’homme était intervenu dans des circonstances comparables et avait été repéré comme un contestataire gênant de la pensée unique officielle, que l’on devait en conséquence contenir ou réduire au silence. Consigne fut ainsi donnée de l’empêcher de prendre la parole.
Je me souvenais alors que ce n’était pas la première fois que j’étais confronté à ce genre de censure, et je rapportais ce qui m’était arrivé à la Fête de l’Humanité.
Rencontre de l’association Souria Houria à la Fête de l’Humanité
Me promenant dans le « Village international » de la Fête de l’Humanité, j’étais entré, curieux, dans un stand « syrien ». Il s’agissait d’un groupe de personnes soutenant la version officielle de l’OTAN et d’al-Jazeera. Ils appelaient à la mobilisation contre Bachar el-Assad, invoquaient les devoirs de la «Communauté internationale », la nécessité du « droit d’ingérence humanitaire ». Quatre intervenants s’étaient succédé en l’intervalle de 40 minutes. Au terme de cette tribune commune, j’avais pris la parole (nous n’étions guère nombreux, et le stand d’à côté avait une sono tonitruante), pour contester leur vision de la situation, qui passait sous silence le fait que d’horribles massacres étaient perpétrés par des mercenaires fanatiques financés par le Qatar et l’Arabie saoudite et appuyés logistiquement par l’OTAN et les services de renseignement alliés. La réaction des tenanciers du stand avait été éloquente : dans un premier temps l’un d’entre eux m’avait pris gentiment par le bras pour m’inviter à quitter les lieux. Comme j’avais protesté du procédé, on m’avait confronté à un « militant de l’ASL » qui pendant 10 minutes m’avait reseriné la version officielle. Je n’avais pu malheureusement lui répondre de façon développée. Alors que j’avais patiemment écouté son discours, je n’avais pu, en guise de réponse, prononcer plus de trois phrases. Un concert de huées s’était allumé. Des gens s’étaient senti le devoir de m’interrompre, visiblement émus et hors de raison. Sentant qu’il me serait difficile de m’exprimer, j’étais sorti, bruyamment accompagné par une chanson qu’ils s’étaient mis soudain à entonner en chœur et à pleins poumons.
Les tenanciers de ce pavillon n’étaient autres que les organisateurs de cette conférence du 29 septembre, qui s’appelait Souria Houria (Syrie Liberté). Dans la pratique de la censure et le mépris de la liberté d’expression, nous avions affaire là à une cohérence indéniable. Ces gens qui critiquaient le régime massacreur, désinformateur, qui agonisaient le Réseau Voltaire d’injures, d’amalgames et d’accusations sans fondement, qui appelaient naïvement au devoir d’ingérence humanitaire, pour parvenir à leurs fins n’hésitaient pas à trier les questions du public de leurs conférences, et refusaient de débattre avec des gens ayant un autre point de vue que le leur (tout en laissant passer des réactions hystériques du genre de celle de la femme que j’ai rapportée plus haut). Et quand ils se trouvaient dans l’obligation de répondre, ils se mettaient immédiatement en colère, faisaient des comparaisons avec le négationnisme, coupaient la parole, ou se mettaient à entonner des chants en troupeau.
Je me souviens qu’à un moment de la conférence de Paolo dall’Oglio, ils se sentirent d’entamer la même chanson avec laquelle ils avaient fêté ma fuite. Cependant ils n’étaient plus entre eux et l’initiative était déplacée. Peu suivis (et compris) par les 300 assistants, ils se turent après quelques syllabes.
Il faut s’arrêter un peu sur cette association Souria Houria, qui soutient aveuglément, avec un argumentaire minimal, et des pratiques douteuses, la version officielle relayée par les grands médias commerciaux. Cette association est depuis sa création en mai 2011 de toutes les actions et manifestations organisées en France appelant à la chute du régime. Lors d’une journée de soutien place de la Bourse, on entendit l’un de ses membres à la tribune se vanter qu’à présent ils brassaient des millions. Elle était au centre du « Train pour la liberté du peuple syrien », le 12 décembre dernier, qui emmenait des citoyens et des parlementaires français de Paris à la rencontre de parlementaires européens à Strasbourg. Elle était au cœur du débat truqué organisé à l’Institut du Monde Arabe (IMA) le 24 février (voir mon article précédent ) dernier au cours duquel un des membres de Souria Houria siffla violemment une personne qui prenait la parole pour contester la version officielle. Enfin, c’est cette association qui est motrice de la « Vague blanche pour la Syrie » , « manifestation internationale (lancée) le vendredi 15 mars à l’occasion des deux ans de la « révolution syrienne », que relaieront massivement les organes habituels de la propagande de guerre de l’OTAN : TV5 monde, Bfmtv, France 24, LCP, en partenariat avec Le Nouvel Observateur, Libération, Mediapart, Rue89, Radio France.
L’association Souria Houria a été fondée en mai 2011 par Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne qui travaille en France depuis 30 ans et elle en en a jusqu’à récemment assuré la présidence. Hala Kodmani a été rédactrice en chef de France 24 d’octobre 2006 à septembre 2008, et chargée de la rubrique Syrie au journal Libération pendant une grande partie de la crise qui secoue ce pays depuis 2 ans. Mais la place centrale qu’elle occupe dans la contestation syrienne en France s’explique surtout par l’influence de sa sœur Bassma Kodmani, qui a participé à la fondation du Conseil National Syrien lancé en octobre 2011 à Istanbul. Bassma Kodmani (je renvoie à mon précédent article sur le débat truqué à l’IMA ), est considérée comme la principale représentante des intérêts des USA dans cet organisme. Il est savoureux (outre les conflits d’intérêt évidents), de remarquer que dans le même temps où l’opposition dénonce que « Bachar n’a pas le droit d’être président de la Syrie car il a hérité le pouvoir de son père ! », les sœurs Kodmani (qui ne représentent strictement rien pour le peuple syrien), font ce qu’elles dénoncent en parole en se distribuant familialement les rôles au sein de la « rébellion » en France.
Les Syriens avec qui je discutais, place Gambetta ce 25 septembre, défendaient une position aux antipodes de celle de Souria Houria et du gouvernement et des médias français.
La discussion roula évidemment sur la situation en Syrie et sur notre curieux conférencier en soutane. Cet homme ne représente rien, m’affirma-t-on. Il ne représente en aucun cas les chrétiens de Syrie, qui soutiennent majoritairement (à l’instar du reste du peuple syrien) le gouvernement d’el-Assad, et pour cause, avec les alaouites, les chrétiens dès le début du conflit étaient une cible privilégiée des mercenaires islamistes.
Ils me rapportèrent diverses exactions commises par les mercenaires, exactions toutes plus horribles les unes que les autres et qui montraient, au moins, que la présentation de la crise syrienne par le père Paolo Dall’Oglio était une caricature illégitime et dépourvue de toute nuance. Au vu du caractère édifiant de ces témoignages, on comprenait aisément pourquoi on n’en entendait jamais parler dans les grands médias commerciaux. Ils étaient si forts et si nombreux que les relayer même en passant porterait un coup fatal à la propagande otanienne.
En rentrant chez moi je décidai de m’intéresser plus en détails à l’histoire de ce curieux prêtre, et j’entamai une recherche internet.
La campagne médiatique autour du père Paolo dall’Oglio
Il est peu question du père Paolo dall’Oglio avant son départ de la Syrie en juin 2012, pour non-renouvellement de visa. On relève un article dans Pèlerin du 10 août 2011 favorablement intitulé : « En Syrie la parole se libère »" . Les troubles agitent le pays depuis la fin du mois de mars. Il vient de publier avec une dizaine de Syriens laïcs et religieux une contribution intitulée « Démocratie consensuelle pour l’unité nationale », dans laquelle il appelle à la mise en place « d’un système pour amener la Syrie vers une démocratie parlementaire. Car la démocratie est la seule voie possible pour mettre un terme à ce bain de sang et faire respecter les droits de l’homme, qui sont universels : tous, que nous soyons d’Orient ou d’Occident, nous nous retrouvons dans cette idée humaniste. » L’homme n’appelle pas encore à « armer l’opposition », mais comme des membres de son groupe appellent ouvertement à « la chute du régime », il est rabroué par les autorités et les différentes Eglises chrétiennes qui désapprouvent son initiative. Le 8 janvier 2012, Rue 89 publie un article de Nadia Braendel intitulé « Mar Moussa, un monastère pris dans la révolution » . Le père Paolo y est présenté comme une « icône de la contestation ». On apprend que le père Paolo a pu rester en Syrie, malgré une décision d’expulsion envoyée à l’évêque de Homs. Il s’est engagé à ne plus prendre de position politique. Mme Braendel rapporte pourtant les propos ambigus suivants : « Il faudra peut-être une force d’interposition pacifique arabe et occidentale, car aujourd’hui il y a 100000 Syriens prêts à tuer, et 100000 qui se vengeront. Les deux camps sont bloqués ». Le 21 mai 2012 le site RMC.fr fait paraître un article complaisant de Nicolas Ledain intitulé : « Syrie : des religieux chrétiens font de la résistance » . Le journaliste relate les problèmes rencontrés par les religieux de Mar Moussa, victimes de menaces et de pillages de la part de bandes armées non identifiées, et clôt son article en faisant un rapprochement avec la situation des moines de Tibhérine en 1996.
On ne peut pas dire jusque là que le père Paolo occupe une place de choix dans la couverture des événements en Syrie. C’est son expulsion du territoire syrien le mois suivant qui va donner le coup d’envoi d’une impressionnante campagne médiatique dans plusieurs pays. Cette expulsion est relatée dans Le Point du 16 juin . Très amer, le père Paolo déclare : « C’est mon cadavre qui a quitté la Syrie ».
Tel Paul en son temps, le père Paolo prend son bâton de missionnaire et, financé on ne sait comment, entame une série de voyages en zone OTAN (Europe et Amérique du Nord), au cours desquels il va dispenser largement la bonne parole appelant à la chute du « régime » en Syrie, en armant au besoin l’opposition. Il effectue une longue tournée qui va le mener aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en France et en Belgique. A chacun de ces passages, le témoignage du père Paolo fait l’objet d’une couverture médiatique massive et unanimement louangeuse.
Je m’intéresse essentiellement dans cette étude à son passage en France, en septembre dernier.
Le coup d’envoi de cette campagne est lancé par notre ministre des Affaires étrangères en personne. Invité au Quai d’Orsay par Laurent Fabius, notre religieux a l’honneur et le privilège de pouvoir tenir un point presse de 20 minutes en sa compagnie . Il le présente comme « une personne réputée » et «bien informée », et après ces propulsions louangeuses lui donne la parole. Le père Paolo savait-il alors qu’il se tenait à côté d’un homme qui avait indument expulsé l’ambassadrice syrienne après les massacres de Houla, qui ont été corrompus par un médiamensonge ? Savait-il qu’il se trouvait, lui, le prétendu « homme de paix », à côté de celui qui avait appelé un mois plus tôt, de façon indirecte, au meurtre du président syrien , et qui allait apporter son soutien résolu, le 12 novembre, à la fantoche Coalition nationale syrienne (CNS) intronisée à Doha , capitale d’une des dictatures les plus inégalitaires du monde, le Qatar ? Ce coup de projecteur bienvenu lance la campagne médiatique. Le lendemain, 12 septembre 2012, il est interviouvé sur France inter , et sur RTL par Yves Calvi, et des articles lui sont consacrés dans La Croix et Le Parisien . Le 24 septembre, deux blogs du journal Le Monde et de Médiapart annoncent la tenue de la conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris . Le 25 septembre, le Courrier International publie un long entretien (l’entretien n’est plus accessible que sur le site ConspiracyWatch ). Le 26 septembre, le quotidien gratuit 20 Minutes lui consacre un article, et il est longuement interviouvé sur la chaîne France 24 . Le 27 septembre l’Express lui consacre un article dans lequel il est présenté comme « la conscience de la révolution » . Le 28 septembre, c’est Pélerin qui relaie ses positions appelant à armer l’opposition . Le 30 septembre il est longuement interviouvé par RFI .
On voit que cette couverture médiatique se concentre autour de deux pics : le point presse tenu en commun avec Laurent Fabius au Quai d’Orsay au début du mois de septembre, et son second passage en France après une tournée en Belgique qui a culminé le 18 septembre avec la rencontre au parlement de deux vice-présidents de cette institution : Gianni Pitella et Isabelle Durant . C’est à cette occasion, le 29 septembre, qu’il est invité par l’association Souria Houria, à tenir une conférence dans la salle des Fêtes de la mairie du XXème arrondissement de Paris.
Comme les médias ont l’habitude d’accorder une couverture massive sur plusieurs jours à certains événements, et qu’une fois le matraquage opéré, ils passent à autre chose pour ensuite n’en plus jamais parler, la plupart des gens qui suivent l’actualité dans les grands médias ont sans doute oublié cette fenêtre exceptionnelle dont a bénéficié le père Paolo. Quand on fait toutefois le bilan de cette couverture, force est de constater qu’aux alentours de ces deux dates, il était difficile d’échapper au personnage si on ouvrait un journal, allumait une station de radio, ou de télévision.
Il faut ajouter qu’il a été extrêmement bien traité par ces médias. Pas une fausse note (comme dans le débat à l’Institut du Monde arabe du 24 février dernier) dans le concert de louanges et la diabolisation de Bachar el-Assad. Et si certains montrent tout de même un peu de retenue, la plupart prennent tout ce qu’il dit pour argent comptant et lui sont totalement acquis.
Actualisation
Alors que je suis en train de finaliser cette étude, je découvre que le père Paolo nous honore d’un troisième séjour, tout aussi engagé que les précédents, et tout aussi massivement couvert par les grands médias. Ses aventures seraient incomplètes si j’omettais ce nouvel épisode qui conforte ma démonstration.
Les affaires n’ont jamais si bien marché pour le père Paolo dall’Oglio. Depuis septembre 2012, il a eu le temps de roder et d’affuter son discours, mais surtout d’écrire un livre de témoignage sur sa perception des événements de Syrie. Ce livre, intitulé La Rage et la Lumière, coécrit avec Eglantine Gabaix-Halié et édité aux éditions de l’Atelier , est évidemment salué en ce moment par l’ensemble des grands médias qui de nouveau se bousculent pour l’entendre cracher son venin et faire la promotion du chef d’œuvre.
Le 1er mai il est interviouvé sur France info ; le 2 mai, en compagnie de Hala Kodmani sur France Culture ; le 3 mai, par Armelle Charrier sur France 24 ; le 5 mai, sur France Inter, en compagnie de Jean-Pierre Filiu et Fabrice Weissman (deux des intervenants du débat truqué à l’IMA du 24 février) ; le 7 mai, dans La Vie par Henrik Lindell . Le 8 mai, le site Souria Houria publie le programme du père Paolo dall’Oglio lors de ce nouveau séjour en France . On y apprend que l’homme amorce une tournée à travers la France : le 16 mai conférence-débat au centre Sèvres à Paris ; le 21 mai, conférence-débat à Lyon organisée avec l’Hospitalité Saint-Antoine ; le 22 mai conférence-débat à Nîmes avec la librairie Siloë ; le 27 mai, conférence-débat organisée par Souria Houria à Paris ; le 28 mai à Strasbourg, rencontre à la librairie Kleber. Le 9 mai, Pèlerin fait paraître les bonnes feuilles de son livre témoignage, accompagné d’un portrait idéalisé.
Vraiment, l’histoire du père Paolo est une véritable success story ; alors que, comme nous le verrons plus loin, toutes les autorités chrétiennes de Syrie qui contestent la version officielle sont totalement passées sous silence ou gravement diffamés, lui à chacun de ses passages est accueilli par les grands médias français (renommés comme chacun sait pour leur intégrité et leur indépendance), comme le messie, et traité comme tel. On s’arrache le père Paolo, au point qu’on se demande s’il lui reste du temps pour faire ses prières.
Ce troisième passage en France confirme de façon éclatante l’impression laissée par ses deux premiers séjours en septembre 2012.
Le discours du père Paolo
Au-delà de la couverture médiatique exceptionnelle dont a bénéficié à chacun de ses passages, est du plus haut intérêt la teneur des discours du père Paolo Dall’Oglio. Si l’homme est souvent vague et dur à suivre, si l’on y prête attention on s’aperçoit que son discours s’articule autour d’un nombre de positions constant, qu’il défend à chaque fois de la même façon. Pour être plus précis, son discours colle toujours remarquablement à la version officielle des médias occidentaux de la zone OTAN.
Comparaison avec les négationnistes de la Shoah
Presqu’à chacune de ses interventions, le père Paolo utilise ce que Viktor Dedaj appelle dans un article du Grandsoir.info du 10 juillet 2012 des « tazzers idéologiques » . Un tazzer idéologique est un argument dont la fonction est de rendre tout débat impossible en plaçant son contradicteur devant des accusations d’une telle gravité qu’elles peuvent le foudroyer psychiquement et le rendre impotent dans le débat subséquent. En l’occurrence le père Paolo n’hésite jamais à brandir le tazzer idéologique suprême à savoir l’accusation de négationnisme et la comparaison avec la version officielle du génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale : ceux qui remettent en cause la version officielle des sanglants événements de Syrie (c’est « Bachar » et ses miliciens qui assassinent en masse leur propre peuple en n’hésitant pas à recourir aux moyens les plus sales et les plus répréhensibles), sont les mêmes que ceux remettant en cause la version officielle de cet événement. L’Express rapporte ainsi : « Il évoque pêle-mêle le Réseau Voltaire et les responsables ecclésiastiques chrétiens ou musulmans qui, selon lui, donnent la parole religieuse au mensonge d’Etat, nient la révolution et la réduisent à un fait de sécurité liée au terrorisme. C’est un négationnisme incroyable, ajoute-t-il, qui est le fait d’identitaires à l’extrême-droite et d’anti-impérialistes à gauche. Ceux qui ont nié la Shoah nient la révolution syrienne ! » On retrouve la même position dans l’entretien publié par le Courrier International : « Dans le fond, il n’est pas étonnant que les derniers alliés objectifs du régime syrien soient ceux qui ont toujours nié le génocide du peuple juif et, aujourd’hui, nient la révolution du peuple syrien. » et dans La Libre Belgique : « Je voudrais savoir aussi pourquoi les tenants en Europe du négationnisme de la Shoah, parmi les traditionalistes catholiques extrêmes, anti-impérialistes et antiaméricains, alliés aux anticapitalistes et staliniens, sont aujourd’hui du côté du négationnisme syrien et sont sensibles à la sirène Agnès » (soeur Agnès-Mariam de la Croix, je parlerai de cette religieuse plus loin). Je me souviens très bien par ailleurs que le père Paolo avait fait cette comparaison lors de la conférence du 24 février à la mairie du XXème, et qu’un membre clé de cette association, quand j’avais prétendu débattre avec eux à la Fête de l’Humanité, avait usé de ce même tazzer.
Inversion de la réalité, dénonciation des mensonges des pro el-Assad et théorie du complot
Le père Paolo semble également profiter du fait que dans nos sociétés du spectacle d’Europe et d’Amérique du Nord, existe un second tazzer idéologique qui peut s’avérer très efficace, quoiqu’à force de mensonges il tende à s’émousser. Sa propagation dans les médias et, par ricochet, dans les conversations quotidiennes remonte à peu près aux attentats du 11 septembre 2001, il s’agit du concept de théorie du complot. Comme la comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, c’est une accusation que l’on profère généralement dans le but de couper court à toute conversation, de l’empêcher souvent ne serait-ce que de commencer. Pour étayer sa comparaison avec les révisionnistes de Nuremberg, le père Paolo énonce fréquemment que ceux qui doutent de la version médiatique des événements de Syrie errent perdus dans un labyrinthe de mensonges et de complots : « Nous faisons face à un mensonge, selon lequel il n’y a pas de révolution, mais la Syrie qui se défend contre un complot saoudien, sioniste ou occidental, et lutte contre le terrorisme islamique. » « (Dans les médias du pouvoir syrien) les théories du complot les plus diverses circulent. On parle d’une grande entente entre les États-Unis, Israël, al-Qaïda, les salafistes, les Frères Musulmans et la Ligue arabe, dans le but d’abattre le dernier État arabe qui n’a pas encore capitulé face au projet sioniste et n’a pas renoncé à combattre l’impérialisme... Il est évident qu’à ce niveau-là, il est difficile de discuter. »
Les prises de position de ce genre abondent, pour ce point je me borne à ces deux citations.
Des allusions et des calomnies fréquentes envers le Réseau Voltaire et Thierry Meyssan
L’extrait de L’Express cité plus haut en donne déjà une idée : Thierry Meyssan est une cible de choix du père Paolo Dall’Oglio. S’il n’en parle pas à chaque intervention, Thierry Meyssan et le Réseau Voltaire sont en effet l’une des rares personnes et l’un des rares médias indépendants que le prêtre nomme, condamne et insulte, pour exhiber à son auditoire l’archétype de la position répugnante et condamnable, incarnation du dévoiement journalistique. Voici ce qu’il dit dans Le Figaro : « Cette thèse est relayée en Europe par des gens comme Thierry Meyssan et son Réseau Voltaire, cette usine à mensonges payée par je ne sais trop qui (ndlr, on peut lui retourner la question)… C’est un négationniste qui vit dans un monde virtuel. » ou dans La Libre Belgique : « Comprendre le mécanisme négationniste contre cette révolution me paraît très important. Le Réseau Voltaire est équivoque et d’une paranoïa totale. Ils sont dans la chambre du pouvoir. Ils font partie de la structure idéologique et de la cellule de crise du régime. Il faut lire les interviews de Thierry Meyssan (ndlr : le fondateur du Réseau Voltaire) dans les journaux syriens. J’espère que la fin du régime sera aussi sa fin à lui - pas sa fin physique - mais sa fin en tant que colporteur du mensonge d’Etat et du négationnisme. » On appréciera la lourdeur de la nuance. Lors de la conférence du 29 septembre, il s’était de même livré à une diatribe contre le Réseau Voltaire.
Il est important de préciser, comme pour ce genre de comparaisons, que Paolo dall’Oglio n’étaie jamais ses anathèmes du moindre fait, ni du moindre argument. Il invective, incite à la haine, envoie en enfer, puis passe à autre chose, sautant parfois du coq à l’âne. En termes d’efficacité médiatique, l’efficacité du procédé n’est plus à démontrer. Depuis plus de 10 ans le Réseau Voltaire est l’association la plus diffamée de France. Un long travail de sape a été accompli avec zèle par les grands médias commerciaux pour le diaboliser. La plupart des Français qui ne prennent pas encore assez le temps de vérifier la fiabilité des informations délivrées par ces médias, ont une très mauvaise image (et absolument infondée, est-il besoin de le préciser) de Thierry Meyssan et du Réseau Voltaire, qui sont devenus à l’instar des révisionnistes de Nuremberg, des repoussoirs ultimes auxquels la plupart des gens craignent comme le sida d’être mêlés.
Dans L’Evangile selon Luc (6/41-42) on peut lire « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil ? 42 Ou comment peux-tu dire à ton frère : Frère, laisse-moi ôter la paille qui est dans ton oeil, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille qui est dans l’oeil de ton frère. » Le père Paolo enfreint constamment ce précepte néotestamentaire ; à sa décharge c’est peut-être un arbre plutôt qu’une poutre qui lui encombre la vue. Ou alors il y voit parfaitement clair, et est au christianisme ce que les socialistes français sont aux valeurs de gauche.
Evolution de son discours entre septembre 2012 et mai 2013
Son troisième séjour en France me contraint d’actualiser mon analyse. Les quelques mois qu’il a passé hors de France n’ont visiblement pas fait de bien au père Paolo dall’Oglio, qui atteint désormais des sommets dans les délires haineux et négationnistes.
Avec le temps le discours du père Paolo s’est radicalisé, comme si, constatant les boulevards qui lui sont ouverts par tous les médias officiels de la zone OTAN, l’impunité totale dont il bénéficie dans l’étalage de ses mensonges, de ses calomnies, et de ses incitations à la haine, il pouvait à présent tout se permettre. Peut-être aussi l’homme est-il furieux de constater que la situation sur place ne se décante guère, que ce régime qu’il déteste continue de tenir, ce qui retarde d’autant son retour à Mar Moussa.
Poursuivant sa folle fuite en avant, le père Paolo va à présent très, très loin dans ses prises de positions. Les mercenaires islamistes liés à al Qaida ? « Dans mes échanges avec eux, j’ai reconnu des hommes et des femmes qui ont une passion religieuse, un sentiment religieux que je partage. Ce sont des gens enragés mais épris de justice. Ils se sentent collectivement persécutés, attaqués et niés. Du coup, ils sont dans une psychologie d’hyper réactivité victimaire qui les amène à commettre des crimes. » La timidité des prises de position de l’Eglise catholique de Syrie ? «J’ajouterai qu’il y a de la corruption politique, sexuelle, qui se cache derrière la soumission au pouvoir. Cela fait partie d’un système de cooptation par soumission à un système autoritaire. » Les chrétiens qui ne partagent pas son point de vue ? Ce sont des « islamophobes chrétiens ». Peut-on dialoguer avec Bachar el-Assad ? « Auriez-vous accepté de dialogué avec Hitler en 1944 ? » Qu’en est-il du terrorisme en Syrie ? « Je propose de se passer du mot " terrorisme ". Il faut utiliser " révolutionnaire . » Le possible usage des armes chimiques par el-Assad ? « Comment ne pas y croire ? Si quelqu’un peut envoyer des missiles balistiques qui enlèvent un hectare de ville, si quelqu’un peut envoyer des bombes sur la population syrienne sans état d’âme, pourquoi aurait-il un problème pour utiliser des armes chimiques ? » Il ose dire ça, alors qu’il est à présent avéré que des combattants du Front al-Nosra ont utilisé des armes chimiques contre des civils syriens dans un village de la banlieue d’Alep.
Bilan sur les éléments de langage
Comme je le suggérais en introduisant ces leitmotivs de ses discours et réparties, il est manifeste que le père Paolo n’y exprime pas une opinion personnelle, mais qu’à l’évidence, il relaie de manière systématique des éléments de langage copiés collés des argumentaires des médias de la zone OTAN. Il ne s’en écarte jamais, et je pourrais entrer beaucoup plus dans le détail. L’indice le plus significatif de cette coïncidence me semble cette finesse avec laquelle notre prélat, qui ne s’occupe que d’affaires syriennes depuis 30 ans, relaie l’argumentaire pointant l’association entre extrême droite et extrême gauche dans la dénonciation dans la version officielle martelée en zone OTAN, qui est une construction des médias commerciaux français pour discréditer tout point de vue un peu différent (ce fameux mythe des rouges-bruns, popularisé par des « journalistes » comme Ornella Guyet, et des « intellectuels » comme Bernard-Henry Levi). C’est typiquement le genre d’argument qui ne peut que lui avoir été soufflé, et qu’il relaie sans vérifier, inconsciemment ou sur commande.
Le point de vue d’autres autorités chrétiennes de Syrie ou connaisseuses de la Syrie
Il est remarquable que les journalistes qui réalisaient ces interviews de complaisance, ou rédigeaient des articles à sa gloire, prenaient souvent soin de souligner que le point de vue du père Paolo était très minoritaire, que les chrétiens de Syrie, majoritairement, ne souhaitaient pas le renversement du régime qu’ils considéraient comme un rempart contre les mercenaires extrémistes venus de l’étranger.
On pouvait se demander alors : si l’opinion du père Paolo était à ce point minoritaire, pourquoi bénéficiait-t-il d’une couverture médiatique aussi massive et « diversifiée », et ce alors qu’aucun autre témoignage de religieux connaissant bien la Syrie, y vivant, ou y ayant vécu, n’était jamais rapporté.
Trois explications possibles à ce focus extraordinaire des médias sur ce personnage.
- 1. Le père Paolo est l’un des seuls chrétiens lucides de Syrie. Tous les autres, comme il le soutient, sont intoxiqués par la propagande du « régime ». Les médias ont raison de relayer massivement et exclusivement ce témoignage
- 2. Le père Paolo est l’un des chrétiens les moins lucides de Syrie. Il ne comprend rien à ce qui se passe sur place, mais a choisi cette position tranchée en raison de l’immense amertume qu’il ressent d’avoir du quitter un lieu sacré qu’il a contribué à redresser, et dans lequel il a vécu pendant 30 ans.
- 3 ; Le père Paolo dall’Oglio est tout à fait lucide ; quand il lance ses déclarations fracassantes et diffamatoires, il sait qu’il ment, il sait que ses incitations à la haine sont infondées et qu’en les proférant il trahit le Christ, il sait que son analyse de la situation est fausse et orientée, mais pour des raisons qui restent à éclaircir (et sans doute pas très catholiques), c’est la voie du mensonge et de la haine pour laquelle il a opté.
J’ai déjà donné beaucoup d’éléments d’information en faveur de la 3ème explication, mais avant de trancher pour de bon, passons en revue quelques témoignages d’autorités chrétiennes qui, elles, n’ont bénéficié d’aucune couverture médiatique, ou ont été systématiquement caricaturés et diffamés dans les mêmes médias qui servaient la soupe au père Paolo dall’Oglio. En prenant connaissance de ce qu’ils disent, peut-être comprendrons nous mieux ce silence qui les environne, et du degré de supercherie qu’implique cette focalisation unique et martelée sur le père Paolo dall’Oglio.
Donnons la parole à cinq personnalités religieuses syriennes ou très proches de la Syrie.
Père Elias Zahaloui
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Père Elias Zahlaoui
Le père Elias Zahlaoui est un prêtre arabe catholique syrien qui officie depuis 1977 à Notre-Dame de Damas. Horrifié par ce qu’il a constaté sur place, et en particulier les massacres de chrétiens perpétrés par les mercenaires fanatisés, l’homme a publié une série de lettres ouvertes à diverses autorités. Le 23 juin et le 15 septembre 2011 à Alain Juppé quand ce dernier était ministre des affaires étrangères, le 17 juillet dernier à François Hollande , enfin le 30 juillet 2012 à Benoît XVI . Dans ces lettres, le père Zahlaoui dénonçait la désinformation des médias occidentaux sur la situation en Syrie, et les persécutions des chrétiens. Certaines phrases étaient très audacieuses. L’homme faisait le parallèle entre le cas syrien et le cas libyen : «N’est-il pas vrai que vous êtes intervenus en Lybie, pour soi-disant protéger les droits humains des civils, contre un dictateur, que, pourtant, la France et l’Italie n’ont cessé de flatter, et que l’Angleterre et les États-Unis ont fini par chérir ! Et vous vous en êtes acquittés en laissant sur le sol de la Lybie, un charnier de 50000 morts, pour la plupart des civils. » Il comparait l’obsession des médias sur la Syrie à leur silence sur les graves et répétées violations des droits de l’homme à l’encontre des Palestiniens par l’état d’Israël : « si, en Occident, vous êtes si sensibles au problème des Droits de l’homme, pouvez-vous me dire ce qui vous rend totalement aveugles à ce que fait Israël en Palestine, depuis plus de 60 ans, en décimant systématiquement le peuple palestinien, et en dévorant même la portion de terre, qui lui a été décidée par les fameuses Nations Unies en 1947 ? » _ Enfin, M. Zahlaloui poussait la témérité jusqu’à comparer le traitement médiatique unilatéral de l’affaire syrienne à celui de ces « mystérieux événements du 11 septembre 2001 ». Les lecteurs au courant de la censure draconienne sur ces trois sujets ne seront pas étonnés que ces lettres ouvertes soient restées sans réponse, qu’aucun média commercial ne les ait relayées, et que seuls des sites comme legrandsoir.info , michelcollon.info , Infosyrie , ou mondialisation.ca en aient compris le risque et reçu l’honneur.

Qualifié de "faux prélat" par L’Oeuvre d’Orient, Mgr Philippe Tournyol du Clos,
ici en audience avec Jean-Paul II.
Philippe Tournyol du Clos
Nous n’avons pas là affaire à un Syrien, mais après tout puisque les médias commerciaux ne voient pas d’inconvénient à relayer exclusivement le point de vue d’un Italien, tout témoignage de chrétien connaissant bien la Syrie peut être considéré comme pertinent. Le Réseau Voltaire avait relayé, le 2 juin 2012 , le témoignage de Mgr Philippe Tournyol Du Clos, archimandrite, grec catholique melkite, qui se rend fréquemment au Proche-Orient. Il commençait par déplorer que : « la paix en Syrie pourrait être sauvée si chacun disait la vérité. De retour à Damas en ce mois de mai 2012, il me faut bien constater qu’après une année de conflit, la réalité du terrain ne cesse de s’éloigner du tableau catastrophiste qu’en imposent les mensonges et la désinformation occidentale. » Plus loin il révélait qu’Alain Juppé, quand il était ministre des Affaires étrangères en exercice, avait sciemment ignoré les multiples communications de l’ambassadeur de France en Syrie , Eric Chevallier, démentant absolument la version officielle : « Il faut dire et redire que l’idéologie fanatique est d’importation étrangère et que la Syrie n’a jamais été confrontée à un cycle de manifestations/répression, mais à une déstabilisation sanguinaire et systématique par des aventuriers qui ne sont pas syriens. Cette information, qui va à l’encontre des journaux et des reportages télévisés, l’ex-ambassadeur de France, Éric Chevallier, n’avait eu de cesse de la faire entendre à Monsieur Juppé ; mais le ministre français refusa toujours de tenir compte de ses rapports et falsifiait sans vergogne ses analyses pour alimenter la guerre contre la Syrie. » Il affirmait que les chrétiens qui n’avaient pas encore fui sous la menace des combattants étrangers reconnaissaient dans l’armée syrienne leur dernier rempart : « Un habitant me confie : « Si l’armée quitte notre village, nous risquons d’être égorgés. Si la répression sauvage dont l’accusent vos médias était réelle, pourquoi les militaires seraient-ils les bienvenus dans nos villages ? ». Ils sont, j’ai pu le constater de mes yeux, sous la protection attentive des troupes fidèles au Président Bachar. Pourtant, le jour de l’Ascension, une roquette est arrivée dans le jardin, heureusement sans faire de dégâts, mais l’explosion a terrifié les enfants. » Pour être honnête le témoignage de M. du Clos n’a pas été complètement ignoré. L’hebdomadaire chrétien La Vie, par exemple, sous la plume du théologien belge proche de L’Oeuvre d’Orient Christian Cannuyer, a publié le 27 juin 2012 un article sur ce religieux . Toutefois, ce n’était pas pour reprendre des éléments dérangeants de son témoignage, comme ceux que je viens de citer, mais pour faire de l’homme un portrait horrible propre à dépouiller de toute valeur son témoignage. Notre homme serait un « prétendu évêque », « transfuge des milieux ingristes et catholiques d’extrême droite ». « Ses allégations sont fausses et manipulées. » L’article allait jusqu’à mettre en doute, qu’il se fût rendu réellement à Homs. Le nom du père Paolo apparaît dans cet article où il est complaisamment évoqué comme « notre ami ».
Toutes les allégations de L’Oeuvre d’Orient mettant en cause l’identité de Mgr Philippe Tournyol du Clos ont été démenties par un communiqué du Saint-Siège.
Je m’attarde quelques lignes sur cet article de La Vie. Son caractère outrageusement caricatural fait deviner quelque chose de tout à fait surprenant : certains milieux ecclésiastiques eux-mêmes semblent résolument engagés dans la machine de propagande de l’OTAN. Je suis ainsi tombé à plusieurs reprises sur L’Oeuvre d’Orient , dirigée par le père Pascal Gollnich (le frère de l‘homme politique du Front National), et j’ai constaté son positionnement extrêmement trouble et équivoque dans cette histoire. Je ne me suis intéressé qu’en passant à cet aspect du problème, mais je suis certain qu’une étude plus approfondie amènerait son lot de révélations surprenantes.

S. B. le patrairche melchite Grégoire III Laham
Grégoire III Laham
Grégoire III Laham est le patriarche de l’Eglise catholique melkite qui compte seulement 180 000 fidèles. C’est néanmoins une personnalité importante de l’Eglise catholique : ainsi, présida t-il la messe de funérailles du pape Jean Paul II ou joua t-il un rôle clé lors du dernier synode des Evêques pour le Proche-Orient. Dans un appel du 9 juillet 2012 , Mgr Laham, dénonce avant toute chose « l’ingérence d’éléments arabes et occidentaux », une ingérence qui « se traduit par les armes, l’argent et les moyens de communications à sens unique, programmés et subversifs. » Cette ingérence est «nuisible même à l’opposition », et « affaiblit aussi la voix de la modération qui est spécifiquement celle des chrétiens et, plus particulièrement, la voix des Patriarches et des Evêques ». Il dénonce par ailleurs le procès qui est fait aux chrétiens de Syrie d’être des suppôts du régime : « Nous considérons que ce sont les positions de certaines personnalités, d’une presse déterminée et d’institutions particulières qui nuisent aux chrétiens en Syrie et les exposent au danger, à l’enlèvement, à l’exploitation et même à la mort. Ces positions accablent les chrétiens de fausses accusations, semant le doute dans leurs cœurs et diffusant la peur et l’isolement. Par suite, elles aident à leur exode à l’intérieur du pays ou à l’extérieur ». On ne peut s’empêcher de penser aux positions du père Paolo sur ce point... Cette présentation systématique des chrétiens comme « collés au régime » les désigne comme une cible pour les groupes armés : « Ce sont ces positions elles-mêmes qui prétendent intempestivement s’intéresser aux chrétiens qui peuvent augmenter le radicalisme de certaines factions armées contre les chrétiens. Elles exacerbent les relations entre les citoyens, particulièrement entre les chrétiens et les musulmans comme ce fut le cas à Homs, à Qusayr, à Yabrud et Dmeineh Sharquieh. » Comme la mère Agnès-Mariam (voir plus loin), il place ses espoirs dans le mouvement Mussalaha (réconciliation) : « C’est ce qui prépare la voie à la résolution du conflit. Nous avons beaucoup d’espoir dans la création de ce nouvel organe qu’est le ministère de la Réconciliation. » Mgr Laham pointe par ailleurs l’influence écrasante du conflit israélo-palestinien dans les malheurs de la Syrie : « La division du monde arabe a toujours été la cible majeure interne et externe. Cette division est la raison des dangers qui guettent la région et elle est la cause de l’absence d’une solution juste et globale au conflit israélo-palestinien. Ce conflit est le fondement et la cause primordiale de la plus grande partie des malheurs, des crises et des guerres du monde arabe. » Ce conflit « est la cause primordiale de l’exode des chrétiens ». Cet appel de Mgr Laham a été pratiquement ignoré par les grands médias commerciaux français. Seul le journal La Croix, le 23 juillet 2012, lui a consacré un article . Le journaliste François-Xavier Maigre y fait une présentation équilibrée des positions de l’homme, sans y mettre une quelconque réserve comme c’est presque toujours le cas. Quand on constate ces positions, on comprend mieux pourquoi les médias commerciaux l’ont complètement passé sous silence. Au-delà du fait qu’il dénonce l’infiltration d’éléments non syriens et occidentaux, qu’il évoque comme le plus grand danger pour les chrétiens, il dénonce l’analyse la plus courante du point de vue des chrétiens par les grands médias de masse occidentaux, qui à l’instar du père Paolo, les présentent comme des collabos ou des brutes assommées par la propagande du régime. Mgr Laham suggère ainsi que ces médias ont une responsabilité indirecte dans les persécutions dont les chrétiens sont victimes.

Mgr Antoine Audo
Mgr Antoine Audo
Monseigneur Audo est l’évêque des chrétiens chaldéens de Syrie. Il est également le président de Caritas pour la Syrie, ce qui l’amène à venir en aide aux victimes de la guerre de diverses manières : achats de médicaments, couvrements des frais de scolarité, aide aux personnes âgées, aide à la reconstruction. Mgr Audo est donc une personne très bien informée. Il a effectué un séjour en France en juin 2012, ce qui a donné l’occasion à des médias indépendants et/ou chrétiens de recueillir son point de vue sur la situation en Syrie. Les citations suivantes sont extraites d’une interview réalisée par l’Eglise catholique de Moselle , et d’un entretien accordé au site Aide à l’Eglise en Détresse (AED) . Aucun média commercial de masse n’a relayé cette prise de position.
Il affirme que le président syrien est largement soutenu par le peuple syrien toutes tendances confondues : « Quatre-vingt pour cent de la population est derrière le gouvernement, comme le sont les chrétiens ». Il dénonce la partialité de la couverture des événements par les médias occidentaux ou arabes : « Dans certains médias, tels que la BBC ou Al-Jazeeera, on constate une certaine orchestration visant à déformer le visage de la Syrie. Le gouvernement respecte les personnes qui respectent la loi et l’ordre. La Syrie a beaucoup d’ennemis, et le gouvernement doit se défendre, ainsi que le pays. Il y a une guerre d’information contre la Syrie. La retransmission des médias n’est pas objective. Nous devons défendre la vérité en tant que Syriens et chrétiens. » Il dénonce l’ingérence étrangère en Syrie : « Le régime continue de se défendre contre des groupes armés dont certains membres viennent des pays qui entourent la Syrie. J’ai parfois le sentiment que ces groupes utilisent les médias pour servir leur cause et provoquer un changement dans le pays. Le réel est toujours plus complexe et plus nuancé quand on le vit de l’intérieur. » Il redoute que l’effondrement du régime ne plonge la Syrie dans un enfer à l’irakienne et ne soit cause d’un exode massif des chrétiens : « Le risque est de remplacer une dictature militaire par une autre dictature théocratique. C’est ce que l’on craint. En étant réaliste, voyez ce que l’Irak a donné : la moitié des chrétiens a quitté le pays et moi je les ai vu arriver, nombreux, en Syrie. » Caritas (et donc Antoine Audo) avait en effet en 2005 participé à l’accueil des chrétiens qui fuyaient en masse l’Irak en proie aux violences interconfessionnelles. La Syrie, ce qu’on oublie trop souvent, à l’époque a accueilli 1 200 000 réfugiés irakiens sur son sol.
La position de Mgr Audo a été complètement ignorée par les grands médias commerciaux. Seul le journal La Croix, dans son édition du 14 juin 2012, lui a consacré un petit article, transcription d’un entretien avec François Xavier Maigre à l’occasion du passage de l’évêque en France . Son propos y est extrêmement modéré par rapport en comparaison de ce qu’il peut déclarer sur des médias indépendants.

Mère Agnès-Mariam de la Croix
Mère Agnès-Mariam de la Croix
Mère Agnès-Mariam de la Croix est une religieuse franco-libanaise, prieure du monastère Saint-Jacques-le-Mutilé, à Qara, à 70 km de Homs, où elle réside depuis 12 ans. Le cas de cette religieuse est différent des précédents, dans la mesure où les grands médias ont été obligés d’en parler à l’occasion de l’affaire Jacquier, du nom de ce reporter tué par des éléments de la « rébellion » à Homs en janvier 2012. Elle avait obtenu des visas pour un groupe de journalistes français venant rendre compte des événements, et les accompagnait parfois dans leurs déplacements divers. Gilles Jacquier a trouvé la mort à Homs, au moment où les combats faisaient rage. Désireux de se rapprocher du feu de l’action, malgré les avertissements de mère Agnès-Mariam, il est tué par un mortier thermobarique. L’affaire fait grand bruit en France : Gilles Jacquier est le premier journaliste français à périr dans la Syrie en guerre. A cette occasion, de nombreux articles sont publiés dans les médias commerciaux de masse, et fatalement son cas y est évoqué. Quand ils l’évoquent rapidement ils se contentent de préciser que mère Agnès-Mariam est « une proche du régime » (Libération) , « une religieuse libanaise favorable au régime » (Le Point) , « une religieuse favorable au régime syrien » (id) (L’Express) . Quand ils entrent un peu dans le détail, de façon systématique, ils recourent à des expressions péjoratives, et dénoncent la position qu’elle occupe. Angela Bolis, du journal Le Monde la qualifie ainsi « de personnalité ambiguë qui affiche son soutien au régime » . Pour l’association Souria Houria, sans surprise, mère Agnès-Mariam est « la grande avocate du régime de Bachar el-Assad » . Pour Christian Cannuyer, dans La Vie, elle serait (avec d’autres), « manifestement stipendiée ou manipulée », et son comportement « confine à la collaboration » . Certains articles vont jusqu’à laisser planer l’hypothèse qu’elle serait peut-être responsable de la mort de Gilles Jacquier. Le Dauphiné rapporte ainsi que, pour la compagne du journaliste décédé, « La thèse du guet-apens ne fait pas de doute : « Il ne voulait pas aller à Homs. Il a été contraint par la sœur Marie-Agnès. Face à son refus, elle lui a dit qu’il ne lui restait que deux jours avant de quitter la Syrie. Cette religieuse lui avait permis d’obtenir son visa d’entrée et celui de Christophe Kenck, son collègue » . Le magazine Envoyé Spécial a lui aussi relayé cette accusation. Cette version de l’histoire est réfutée par l’intéressée : « La réalité, c’est que Monsieur Gilles Jacquier, que Dieu ait son âme, avait fait par écrit une demande de visa pour aller à Homs.(…) Avant qu’ils y aillent, j’ai demandé et j’ai informé expressément le délégué de l’AFP, qui parle l’arabe, et la responsable de l’information, qu’il fallait être de retour à 15 heures : le couvre-feu à Homs commençait en effet à 15 heures de l’après-midi et il ne fallait surtout pas y circuler au-delà de 15 heures. Cela a été dit et il y avait des témoins.(…) Cette équipe a fait fi des directives des militaires qui les avaient accompagnés à leur demande et elle s’est perdue. Pourquoi était-il impératif de rentrer avant 15 heures ? ça je l’ai expérimenté moi-même, quand je suis passée à Homs : à 15 heures, tous les jours, les rebelles commençaient à attaquer de toutes parts et cela, personne, aucune presse ne l’a dit. » Du reste il est maintenant avéré, si l’on en croit George Malbrunot pour Le Figaro du 17 juillet 2012 , que M. Jacquier n’a pas été tué dans un guet-apens organisé par l’armée, mais par une roquette tirée par des rebelles de Homs. Le Réseau Voltaire, dans un article d’Arthur Lepic, était arrivé à cette conclusion dès le 11 janvier .
On peut également relever quelques portraits réalisés par des journalistes, qui la présentent comme proche des milieux d’extrême droite, proche de Thierry Meyssan, ou citée dans des sites qui parlent de façon complaisante de Robert Faurisson. Rien de neuf sous le soleil…
Si le nom de « Marie-Agnès » a été abondamment cité dans les médias commerciaux de masse, c’est donc, soit de façon succincte et toujours en la définissant par son « soutien au régime d’Assad », soit comme une personne douteuse et peu digne de confiance, et parfois comme une auxiliaire active du régime éventuellement responsable de la mort de Gilles Jacquier.
De façon frappante, pratiquement pas un seul article ne développe certaines des prises de position et analyses qu’elle a pu faire de la situation sur place. Elle a ainsi pris à plusieurs reprises des positions tranchées dans lesquelles elle dénonce la partialité et les mensonges des médias commerciaux. « Les journalistes de la propagande atlantique, les propagandistes à la Goebells n’ont montré que la moitié de ce qui se passe en Syrie. Et encore, ils ont truqué leurs reportages. » Elle fait le parallèle, comme le père Zahlaoui, entre le médiamensonge syrien et ceux qui ont permis l’invasion de l’Irak et de la Libye : « C’est faux qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak, et on a attaqué Saddam Husseïn. C’était faux que Kadhafi allait faire un génocide contre son peuple en Libye. l’ONU a fait 150000 morts. » Elle dénonce également le traitement horrible que réservent les mercenaires étrangers aux chrétiens, par exemple à Homs : « Suite à une mission d’information avec des médias catholiques j’ai été amenée à visiter la ville de Homs et ses environs. J’ai été remuée au plus profond de ma conscience par la tragédie que vit la population civile, notamment les chrétiens. Ces derniers sont surtout concentrés dans les quartiers centraux de la ville qui sont devenus le repaire de bandes armées que personne jusqu’à présent n’a réussi à identifier. Toujours est-il que ces bandes imposent une loi martiale en vertu de laquelle les fonctionnaires qui rejoignent leur travail sont susceptibles de représailles, les enseignants dans les écoles publiques, inclus. De même les artisans, les vendeurs et même ceux qui ont une profession libérale sont la cible d’actes terroristes qui visent à paralyser la vie sociale. Les résultats de ces méthodes coercitives sont des plus terribles : chaque jour des innocents sont égorgés ou kidnappés. Des familles perdent ainsi le père, le fils ou le frère. Les veuves et les orphelins sont dans la nécessité. Ceux qui n’ont pas affronté le spectre de la mort doivent faire face à la séquestration forcée dans leurs domiciles où ils cherchent à survivre sans travail. » Cette dernière citation est extraite d’un Appel qu’elle a lancé le 26 décembre 2011 , pour qu’enfin le monde prenne conscience de ce qui se passe réellement en Syrie. Cet appel, comme les lettres du père Zahlaoui, ne sera jamais relayé dans un média commercial.
Ce passage sous silence intégral des positons de Mère Agnès-Mariam est d’autant plus choquant qu’elle a effectué plusieurs passages en France depuis le début de la crise. Recueillir son témoignage n’avait rien de compliqué. Ainsi en décembre dernier, lors de son avant-dernier passage dans la capitale, elle a participé à un colloque organisé par L’Institut pour la Démocratie et la Coopération (IDC) en compagnie de l’ambassadeur de Russie en France, et deux médias indépendants ont pu l’interviewer : le journal L’Audible , et la chaine Méta TV . L’ignorance de ce témoignage aux antipodes de la version officielle se comprend mieux, si l’on a en tête la présentation caricaturale et diffamatoire qui en est faite depuis l’affaire Jacquier par les grands médias.
Retour au père Paolo
Nous nous posions la question au départ de savoir pourquoi le père Paolo était la coqueluche de certains journalistes encartés, et pourquoi toutes les autres autorités chrétiennes de Syrie étaient intégralement passées sous silence. Au terme de ce parcours il n’est pas très difficile de répondre à cette question, même si c’est difficile à admettre.
Le père Paolo a bénéficié de cette couverture médiatique exceptionnelle car c’est la seule « autorité » chrétienne de Syrie (bien que non-Syrien par ailleurs rappelons-le) à appuyer la version officielle faisant peser toute la responsabilité de la crise et des massacres sur le régime de Bachar el-Assad. La plupart des journalistes qui ont écrit sur lui ou qui l’ont interrogé prennent eux-mêmes souvent soin de le reconnaître. Cela implique que les médias commerciaux (ceux qui occupent les postes clés, pas la majorité des journalistes qui souffrent de cette censure), dans leur totalité, ont reçu pour consigne de ne rapporter que cette sorte de témoignage, et que tous ont obéi à la lettre.
C’est la raison pour laquelle, inversement, tous les témoignages que je viens de citer ont été ignorés, et leurs auteurs pour certains caricaturés ou diffamés.
Les médias qui ont aveuglément et complaisamment relayé les positions du père Paolo pouvaient d’autant moins donner une tribune à leurs auteurs que tous mettent en cause la partialité du traitement médiatique de la crise syrienne par les médias de la zone OTAN. Fait aggravant pour ces médias, ces autorités religieuses avancent que la crise syrienne est couverte par un médiamensonge comparable à celui qui a précédé l’invasion de l’Irak et de la Libye. Impensable pour l’instant de remettre en cause dans les grands médias à la fois la version officielle des événements de Syrie et de Libye. Ne parlons même pas du témoignage informant qu’Alain Jupé a ouvertement menti pour la Syrie, au mépris des rapports de l’ambassadeur Éric Chevallier (information énorme , tout de même !), et de celui comparant le médiamensonge de la crise syrienne à celui échafaudé pour étouffer les doutes légitimes que doit susciter dans tout esprit sain la version officielle des attentats du 11 septembre 2001. Quant au poids du conflit israélo-palestinien dans cette dramatique équation…
Certains journalistes influents des médias commerciaux français ont reçu pour consigne de mentir sur le témoignage des chrétiens de Syrie, comme ils ont reçu pour consigne de mentir sur les autres aspects de la crise syrienne. Les médias français, une nouvelle fois, comme dans l’affaire libyenne, comme pour les attentats du 11 septembre 2001, ont joué pleinement le rôle moderne qui est désormais le leur : celui de relais de l’impérialisme pour justifier aux yeux de l’opinion publique une guerre illégale accompagnée d’exactions horribles, de massacres de masse, et entrainant l’exode de centaines de milliers de réfugiés.
Épilogue
Au terme de cette étude, dont les conclusions sont malheureusement accablantes pour les milieux journalistiques et politiques français, nous appelons solennellement le CSA à envoyer à tous les médias qui se sont fait abuser par les boniments du père Paolo, ou qui ont relayé (et relayent encore) avec zèle ses positions une note de sévère mise en garde. Si les gens du CSA manquent d’imagination et se retrouvent devant l’angoisse de la page blanche, nous leur suggérons d’envoyer la missive suivante :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a adressé un courrier à tous les présidents de grandes radios et chaînes de télévision au sujet de leur couverture des positions du père Paolo Dall’Oglio pendant les neuf derniers mois. Ce dernier a en effet été reçu à d’innombrables reprises pour relayer ses positions appelant à la chute du régime en place en Syrie. Les grands médias du PAF et de la presse écrite n’ont fait que reprendre à leur compte, sans la moindre distance critique ni précaution de langage, la propagation d’informations à l’évidence fausses, après avoir explicitement accordé à son auteur des labels de légitimité et de respectabilité. Le Conseil a rappelé au président des chaînes les termes du préambule du cahier des missions et des charges de la chaîne qui précisent notamment que " les sociétés nationales de programme ont vocation à constituer la référence en matière d’éthique " et ceux de l’article 2 qui disposent que " la société assure l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ". Il lui a demandé de prendre des mesures pour que la vérité soit rétablie et que de tels dérapages ne se renouvellent pas ».
Ce texte n’est autre (en changeant les noms et une poignée de termes) que la directive 151 envoyée à France Télévision en avril 2002 par le CSA après le passage de Thierry Meyssan sur le plateau de l’émission de Thierry Ardisson , dans laquelle il présentait L’Effroyable Imposture, ouvrage dans lequel il contestait qu’un avion de ligne se fût écrasé sur le Pentagone . Quoiqu’elle n’ait pas été envoyée à tous les autres médias, France Télévision a eu apparemment le courage de prendre l’initiative de la relayer à tous les autres organes du PAF, de sorte que depuis cette émission, cela fait 10 ans que Thierry Meyssan est interdit d’expression sur les chaînes de radio et de télévision française.
Cette directive 151 n’a aucun sens appliquée à Thierry Meyssan ; en revanche, elle me semble à merveille s’appliquer au père Paolo dall’Oglio. Nous suggérons donc au CSA d’envoyer telle quelle cette missive, en transmettant par la même occasion les amitiés les plus chaleureuses du Réseau Voltaire à l’ensemble de la profession.
Avertissement final aux chrétiens de France
Ce n’a pas été la moindre de mes surprises, en menant cette étude, de me rendre compte qu’il n’existait finalement en France, concernant les événements de Syrie, presqu’aucune différence de traitement de l’information entre les médias commerciaux estampillés « chrétiens » (La Croix, La Vie, Pèlerin, Radio Notre-Dame), et les autres grands médias commerciaux (Charlie hebdo, Libération, TF1, RMC, France inter, etc).
Il faut être conscient que la propagande se loge partout. Les médias « chrétiens » comme les autres médias commerciaux, sont possédés par des gens qui n’ont rien à voir avec l’information et dont les valeurs chrétiennes ne sont pas toujours le premier des soucis. Ce que l’on appelle la « presse chrétienne » (quand elle est commerciale) doit être lue par les chrétiens de France avec le même esprit critique que les publications « profanes ».
Les médias chrétiens sont entrés dans le bal médiatique hagiographique du père Paolo avec le même enthousiasme, la même confiance, et la même absence d’esprit critique que leurs confrères du Mondeou de France Inter.
Ainsi va la (dés)information en France.
[1] Frédérique Calendra a signé en juillet 2001 l’ « Appel pour une Syrie libre », lancée par l’association Urgence Solidarité Syrie. Cet appel a été signé par des partis politiques et des associations (LDH, PC, PS, PG, EELV, ATTAC, CAP21, MRAP, UJFP), et des personnalités politiques comme François Hollande, Daniel Cohn-Bendit, Noël Mamère, Marie George Buffet. Urgence Solidarité Syrie est alliée avec l’association Souria Houria, et a participé plus récemment à la Vague Blanche.
[2] Le parallèle entre la crise syrienne et les cas tunisiens et égyptiens est grossier et infondé. Pour comprendre comment la révolution dans ces deux derniers pays a été manipulée et détournée en faveur d’intérêts étrangers, je renvoie au livre de Mezri Haddad, La face cachée de la révolution tunisienne(éditions Apopsix, janvier 2012)
François Belliot
François BelliotÉcrivain, administrateur du site Observatoire des mensonges d’État, et coauteur en 2010 avec Charles Aissani d’un pamphlet inversé sur les attentats du 11-Septembre, J’accuse la pandémie conspirationniste. Secrétaire général du Réseau Voltaire France.