L’apport du monde musulman au moyen âge

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Aristote et Platon
Selon l’idée commune, notamment depuis les années 1960, c’est le monde arabe et en particulier l’Islam qui aurait apporté la lumière et un savoir infini à l’Europe durant la supposée sombre période du moyen-âge, en retransmettant notamment le savoir grecque ancien. Si l’on ne peut nier qu’il y eut un bassin de culture chez les arabes durant cette période et qu’il y eut effectivement un phénomène de transmission des arabes vers l’occident, l’histoire pourrait en fait, à ce sujet, être infiniment plus sévère et réduire presque ce phénomène à une anecdote, anecdote érigée en dogme par la sphère bien-pensante. Certaines nouvelles connaissances et hypothèses sont issues de la très sérieuse thèse de Sylvain Gougenheim mais aussi notamment de connaissances historiques antérieures.

Une retransmission des connaissances grecques ?
Il est d’usage de considérer que la culture occidentale se soit coupée de la culture grecque durant près d’un millénaire, et que le monde musulman ait fait office de conservation et de traduction de ces connaissances, avant de les retransmettre à l’occident, provoquant son illumination intellectuelle. Partant de ce postulat, il est déjà intéressant de considérer que ces connaissances sont donc d’origine européenne, et on sait aussi que de nombreux grands penseurs musulmans tels qu’Averroès doivent beaucoup à la culture grecque et notamment à Aristote. Outre cet aspect, il s’avèrerait de plus que le phénomène de retransmission ne soit absolument pas aussi important qu’on veut bien le croire. A ce sujet, trois réponses sont apportées par Sylvain Gougenheim :

  • De nombreux ilots de culture grecque auraient en fait subsisté en Europe, et en différents endroits du territoire un vaste travail de traduction et de transmission aurait été effectué par des écoles et des monastères. L’exemple le plus célèbre étant le Mont Saint-Michel, dont on a oublié qu’il fut considéré au moyen-âge comme un haut lieu de lumière. C’est du Mont Saint-Michel que se seraient ainsi principalement diffusées les idées d’Aristote et d’autres penseurs antiques, avec un impact jusqu’à nos jours.
  • Dans les pays conquis par l’Islam, la plupart des penseurs antiques que les Arabes ont effectivement traduits l’auraient été avant tout par des traducteurs chrétiens et non pas musulmans, bien que ces derniers ne l’interdisent pas, et ces chrétiens sont déjà des dhimmis pour les musulmans de l’époque.
  • L’empire romain d’Orient est considéré à cette époque comme un conservatoire de la culture grecque et latine, et cela sans que « jamais les liens ne soient rompus entre le monde latin et Constantinople ».
De nombreuses autres réponses peuvent être apportées, comme par exemple le fait que les souverains européens perpétuaient les apports de la culture grecque grâce à leurs bibliothèques, mais tracer une liste d’arguments n’est pas le but de cet article : il est plus sage de se reporter aux ouvrages cités qui sont en mesure d’apporter de bien plus amples connaissances à ce sujet. D’une manière générale, la perpétuation de la culture grecque (et latine) au sein de l’Europe se perpétue d’elle même avec vigueur entre ses acteurs.
Ainsi, selon les très sérieuses thèses de Sylvain Gougenheim, s’il n’est pas renié que l’Islam arabe ait pu retransmettre des connaissances grecques vers l’Europe et influencer celle-ci, la quantité de ces retransmissions serait en fait beaucoup plus limitée qu’on ne le pense et cette contribution, en plus de n’être pas exclusive, « a même été moindre que celle de la filière chrétienne ». Il n’est pas nié non plus que l’Islam arabe ait même pu apporter des connaissances nouvelles, mais celles-ci prenaient souvent leurs bases sur la culture grecque ou d’autres cultures. Sans parler des chiffres arabes, qui sont en fait indiens, on peut citer par exemple les apports en mathématiques et en astronomie qui sont plus un prolongement des connaissances grecques, ce qui ne perd pas pour autant son mérite. Certains apports ont réellement eu un impact important en Europe, comme la médecine d’Avicenne, pour ne citer que cet exemple. Mais d’un point de vue plus général, les apports réels vers l’Europe restent parcellaires.

Un intérêt très sélectif pour les connaissances grecques de la part des musulmans
Tout n’a en effet pas transité jusqu’en terres musulmanes. En premier lieu, les thèses de l’Église en langue hellénique n’intéressaient en rien l’Islam. Mais au-delà de cela, il n’a pas non plus été montré d’intérêt pour un pan très large de la culture grecque, incluant la métaphysique et la politique en général (Aristote, Platon, Épicure, les stoïciens,…). De même pour la littérature grecque, pourtant immense et capitale (Homère, Hésiode,…), le théâtre et la comédie (Aristophane,…) ainsi que les productions des historiens. Il en est encore de même pour les arts plastiques, pourtant vaste sujet là aussi. Ces connaissances nous arriveront d’ailleurs tardivement (15ème siècle), mais là non plus pas par les arabo-musulmans mais par quelques byzantins fuyant les musulmans en Turquie.

Deux ouvrages à considérer à ce sujet :
  • Historiquement Incorrect, de Jean Sevillia, qui aborde ce thème de manière beaucoup plus complète et dont sont issues les citations.
  • Aristote au Mont Saint-Michel, de Sylvain Gougenheim, dont Jean Sevillia s’inspire et dont il parle notamment de la polémique que sa sortie a engendrée dans Historiquement Incorrect.

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