samedi 30 décembre 2017

Un musulman désemparé s’interroge sur une période sombre de l’histoire de l’islam

PUBLIÉ PAR DREUZ INFO LE 22 DÉCEMBRE 2017

L’original arabe de ce texte est écrit par un musulman troublé par le patrimoine religieux islamique. Il est à la recherche de clarifications sérieuses et fiables à propos des deux premiers siècles de l’histoire de sa religion.

«Je souhaite [avoue-t-il] garder l’anonymat pour éviter les menaces houleuses inévitables et les foudres barbares des gardiens du temple mais aussi pour échapper à la colère intempestive de mes coreligionnaires». Cette interrogation contribue à favoriser l’urgence d’élucider la réalité de l’islam et ses ambiguïtés tant historiques que doctrinaires des origines. Elle permet également aux lecteurs francophones de mieux comprendre le malaise profond qui affecte un grand nombre de l’intelligentsia arabo-musulmane face à leur histoire truffée d’affabulations et d’obscurantisme.
«En tant que musulman, écrit-il, je m’interroge sur une période très sombre de notre histoire et j’ai le droit à des réponses claires et convaincantes de la part des instances concernées.
La majorité des musulmans s’appuient, en effet, sur les hadiths qui sont des paroles et des actions attribuées au prophète Mahomet lui-même et rapportées par une chaîne de transmetteurs. Ils ont été rassemblés, deux cents ans plus tard, par des compilateurs connus sous les noms de Bukhârî, Muslim, An-Nassa’i, At-Tirmidhî, Ibn Majah et tant d’autres.
Réunis dans des collections constituées de dizaines de recueils, ces hadiths sont considérés comme une révélation accordée au prophète Mahomet selon le Coran 53:22. La seule différence entre le Coran et le Hadith, c’est que le premier a été révélé par Allah à Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, alors que le second a été oralement rapporté. De nos jours, l’ensemble des hadiths composent ce que l’on appelle la Sunna (la tradition musulmane).
Depuis, ces recueils sont régulièrement édités et réédités en collections de volumes et enseignés dans toutes les institutions universitaires d’études islamiques et les écoles musulmanes dans le monde. Ils font autorité dans tout le monde musulman sunnite. Nous musulmans, nos savants, nos imams ainsi que tous les commentateurs dits exégètes, nous nous référons aveuglement à ces hadiths pour expliquer le Coran et comprendre la charia de l’islam.»
[Il faut rappeler qu’après le Coran, les hadiths constituent la source principale de la loi et des enseignements fondamentaux de l’islam.]
«Toutefois, l’analyse des données historiques suivantes conduit à tirer des leçons surprenantes, voire alarmantes :
Notre vénérable prophète –«Allah prie sur lui et le salue» [1]– est décédé en l’an 11 de l’hégire (632 de l’ère chrétienne). On lui attribue des hadiths [donc paroles et actions] que des compilateurs ont réunis plus de deux siècles après sa mort.
Mais qui sont ces compilateurs et d’où viennent-ils ? Voici les cinq les plus connus :
Bukhârî : Abou ‘Abd-‘Allah Muhammad ibn al-Moughira, surnommé Al-Bukhârî, en référence à sa ville natale, Bukhâra en Ouzbékistan, né en 194 H (810 AD ; mort en 870 AD), soit 183 ans après la mort de Mahomet.
Muslim : Abou al-Husayn Muslim ben al-Hajjaj al-Quchayri an-Nisabouri, en référence à sa ville natale, Nichapur en Iran, né en 206 H (821 AD ; mort en 875 AD), soit 195 ans après la mort de Mahomet.
An-Nassa’i : Abou Abd ar -Rahmân Ahmâd ibn Sinan an-Nassa’i, en référence à sa ville natale, Nissa en Iran, né en 215 H/829 AD (assassiné en 915 AD), soit 204 ans après la mort de Mahomet.
At-Tirmidhî : Muhammad ibn «Īsā at-Tirmidhī, en référence à sa ville natale, Tirmidh en Ouzbékistan, né en 209 H (824 AD ; mort en 892 AD), soit 198 ans après la mort de Mahomet.
Ibn Majah : Muhammad ibn Yazīd Ibn Mājah, né en Perse (à Qazvin) près de la mer Caspienne en 209 H (824 AD ; mort en 887 AD), soit 198 ans après la mort de Mahomet.»
«Deux remarques sont à signaler ici. La première c’est qu’aucun d’entre eux n’est d’origine arabe ni natif de la Péninsule arabique, berceau de l’islam. La deuxième c’est l’importance de 183, 195, 198 et 204 années dans la vie humaine ?
Les biologistes définissent «une génération» par une période temporelle de 33 ans, séparant un père d’un fils. Si les chiffres mentionnés ci-dessus sont divisés par 33, le résultat obtenu sera une moyenne de six générations humaines. Par ailleurs, le temps est fixe, tandis que l’être humain évolue. Son caractère et sa personnalité subissent avec le temps, de façon indubitable, des influences multiples le privant de toute crédibilité constante ou cohérente.
Dans ce cas, nous nous trouvons face à six générations successives au moins et à une période temporelle qui dépasse les deux siècles ou deux siècles et demi. D’autant plus, nous ne disposons d’aucune preuve certaine ni d’un document authentifié crédible qui s’y rapporte.
Pour plus de précision, il faut également signaler qu’aucun de ces compilateurs n’a vécu du temps de Mahomet ni de celui de ses 24 premiers califes (632-813) [2]
[Sans compter que le 28e calife abbasside, Jafar al-Mutawakkil (847-861), fut celui qui rejeta le Mutazilisme et revint à la tradition sunnite du Coran incréé.]
«O diable ! Comment tous les compilateurs des hadiths, nés en dehors de l’Arabie, qui n’ont pas connu Mahomet et n’étaient pas contemporains de ses premiers successeurs, ont-ils décrypté les paroles et les actes de notre prophète ? Où sont leurs références et leurs sources ? Qui sont leurs témoins pour chaque hadith ? Où sont les documents qu’ils ont écrits de leurs propres mains ? Comment peut-on fournir 200, 300 ou 500 hadiths sans jamais laisser un seul manuscrit qui atteste de leur crédibilité ?
C’est un phénomène effectivement bizarre, absurde, cauchemardesque, surtout lorsqu’il s’agit d’une religion, d’une doctrine, et non d’opinions personnelles dont on peut choisir ce qui nous plaît et ignorer ce qui nous déplaît.»
«Où sont donc les prêches que Mahomet prononçait le vendredi durant les dix dernières années de sa mission à Médine ? Faisons le calcul : 10 ans x 12 mois x 4 vendredis, on aura un total de 480 prêches. Où sont-ils ? Ils devraient néanmoins figurer quelque part dans Bukhari, Muslim ou autres. Qu’on nous fournisse au moins quelques-uns !
Est-il raisonnable qu’aucun prêche prononcé par notre vénérable prophète, ne soit inséré ni mentionné dans les livres attribués aux compilateurs de ses hadiths prétendus prophétiques, et qui éclairent les croyants sur la manière de pratiquer la religion dans leur vie publique ou privée ? «D’où tirez-vous cet étrange jugement ?», demande-t-il dans le Coran 68:36.»
«En tant que musulman, je réclame des réponses à mes questionnements de la part des gardiens actuels du temple de l’islam :
Où sont les scriptes de notre prophète et les documents qu’ils ont consignés ?
«Les Gens de la maison» (Ahl al-Bayt) de Mahomet ont-ils écrit et transmis quelque chose ?
Où sont les écrits de ses compagnons ?
Où sont les croyants qui «mémorisaient» ses enseignements ?
Quel marché a-t-il été conclu autrefois entre les gardiens du temple de l’islam et les califes au détriment de la religion ?
La période instable des califes omeyyades avait-elle favorisé la disparition des écrits ou leur falsification ?
Qui a détruit les manuscrits des hadiths et de la «Sira» (biographie du prophète) et occulté leur contenu et leurs témoins ?
Qui avait intérêt à escamoter les vérités par peur de contestations, d’émeutes ou de révoltes ?
Le conflit entre les Omeyyades et «les Gens de la maison» était-il la raison de cette obstruction ?»
«Si vous [l’auteur s’adresse ici, sans les citer, aux oulémas de l’islam, aux imams lettrés et à tous ceux qui sont versés dans les études islamiques] n’aviez pas trouvé Bukhari, Muslim et d’autres compilateurs de hadiths, qu’aurait été votre vie aujourd’hui ? Comment auriez-vous pris connaissance de la tradition et des hadiths ? Où auriez-vous cherché leurs sources ? Auriez-vous utilisé l’unique source de l’islam qu’est le Coran ?»
«Qui avait intérêt d’écarter le Coran de la scène et de lui substituer des hadiths dits «prophétiques» qui ont attribué des propos inappropriés et parfois infâmes à notre prophète et interdit ce que le Dieu de l’Univers n’a pas interdit dans son livre ?»
«Est-il raisonnable et possible que la communauté des Arabes ne puisse disposer d’une collection de hadiths de notre prophète qu’après plus de six générations, soit plus de deux siècles après sa mort, et particulièrement le règne successif de ses 24 premiers califes au bas mot ?
Pourquoi fallait-il attendre l’arrivée de certains musulmans venus de Perse, de Khorassan [nord-est de l’Iran] et d’Ouzbékistan pour collecter les hadiths de notre prophète et nous les transmettre ?
Que faisaient alors «les Gens de la maison», les compagnons, les gens fiables, les scriptes les plus doués ? Sont-ils tous morts avec leurs secrets sans laisser de trace ?
Nous voulons connaître la vérité et rien que la vérité sur cette période, sombre, mais fondamentale.
Nous avons le droit d’accès à des preuves tangibles, sérieuses, absolument incontestables et de ne pas se contenter d’un hadith, d’un avis, d’une référence tirée d’un livre ou attribuée à tel ou tel témoin ou narrateur.»
«Nous tenons à rappeler que les manuscrits et les vestiges archéologiques concernant les civilisations sumérienne, babylonienne ou pharaonique, considérées comme les plus importantes dans l’histoire de l’humanité, sont toujours disponibles et bien conservés jusqu’à nos jours.»
«Et pourtant, l’époque de notre grand prophète n’est-elle pas censée être plus développée et plus importante pour nous musulmans que les autres civilisations ? Où sont alors les manuscrits qui témoignent de cette période et de celle de ses califes ?»
«Au nom d’Allah ! Au nom du Prophète ! Si vous y croyez sérieusement, dites-nous donc la vérité ! Y avait-il des complots, des larcins, des trahisons au sein de la communauté de l’islam ? Nous n’avons jamais lu ou appris que les Byzantins, les Tatares, les Mongols, les Perses, ou n’importe quelle armée avaient envahi la Mecque ou Médine, même pour une journée. S’il y avait des trahisons, des conspirations, des machinations, des vols, des destructions, de l’autodafé des hadiths de notre prophète –d’autant plus qu’aucun manuscrit n’en est conservé– cela signifierait que toutes les compilations recueillies par Bukhârî, Muslim, An-Nassa’i, At-Tirmidhî, Ibn Majah, et autres, s’avèrent suspectes, insensées, falsifiées, fabriquées de rien. Aucune hypothèse n’est à exclure.»
«Si vous craignez que la nation de l’islam soit assujettie à des émeutes ou à des séditions et que vous risquiez de perdre la mainmise sur les croyants, sachez qu’une telle excuse sera pire qu’une faute grave.»
«En tout état de cause, nous ne pouvons absolument pas accepter ni croire à des hadiths attribués à notre prophète, classifiés tantôt d’authentiques tantôt de faibles ou incertains, inappropriés, sans référence à un manuscrit historique sérieux ni à des traces archéologiques palpables. Donc, ce patrimoine nous semble truffé de falsifications, de déformations à l’instar d’autres récits historiques mensongers sur l’islam.»
«En tant que musulman, il est de mon droit légal et légitime de réclamer la vérité, toute la vérité et rien que la vérité quant à cette sombre période des deux premiers siècles de l’islam.»
«Y a-t-il des oulémas, dits savantissimes, ou des doctes d’al-Azhar, qui se trouvent en mesure de répondre sérieusement à mes interrogations ou vont-ils tous se cacher derrière leur mihrab et leur formule habituelle «Allah-ou a’lam» [Allah seul le sait] ?»
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Texte traduit et adapté de l’arabe par Maurice Saliba 
[1] Chaque fois qu’un musulman prononce le nom de Mahomet, il ajoute la phrase suivante en arabe :– صَلّى الله عليهِ وسَلّم– (raccourci par صلعم s.a. l.a. a.m.), qui signifie exactement «Allah prie sur lui et le salue». Or, devant les Occidentaux, il prononce cette phrase en arabe pour éviter de faire scandale ou de se ridiculiser. Parfois, il dit en français «Paix et salut sur lui». Évidemment, taqiya oblige.
[2] Les quatre premiers califes, également appelés Rashiduns, «Biens guidés» (632-661), le Califat omeyyade de Syrie (661-705), et au moins les six premiers califes abbassides d’Irak (750-813).

Les exemples de ce genre sont de plus en plus nombreux depuis quelques années. Surtout dans les milieux universitaires en Occident où ces musulmans de naissance sont au contact d’une culture du doute qui leur est infiniment profitable et leur permet d’exprimer ouvertement leurs doutes sur les fondements et les origines de l’Islam, avec un danger pour leur vie qui est moindre (mais qui reste présent) que dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient

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