mercredi 28 février 2018

De la razzia à la ratatouille : Les textes de l’islam

Le grand islamologue hongrois Isaac Yehouda Goldziher disait trouver dans les textes islamiques des « passages de l’ancien ou du Nouveau Testament, des dires de Rabbins, des notes d’apocryphes chrétiens, des doctrines de philosophes grecs, des maximes perses ou indiennes et même la prière du Seigneur ; tous[ces passages] surgissant comme autant de dires prophétiques ».[1]

Puin Gert renchérit et parle de « cocktails de textes ».
Pour ma part, j’utilise l’expression « razzia et ratatouille de textes coraniques » mais nous allons constater combien c’est une mixture toxique. L’exégèse montre clairement que Mahomet s’identifiait à Jésus, que ce dernier a été spolié de tous ses attributs : Mahomet serait lui-aussi, le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga, le rédempteur, le sauveur, bref un autre messie. D’après la Tradition, une lumière émane de Mahomet, il aurait été créé depuis Adam, absorbant ainsi tous les attributs christiques sauf celui de la chasteté.[2]
Pour cet aperçu des razzias de textes coraniques, véritables scalps et de leur arrangement en soupe indigeste, le fil d’Ariane sera celui de la Femme au travers de deux univers où elle s’illustre particulièrement : le monde aquatique et celui du monde animal et des insectes.

Fantasmes aquatiques

L’image de l’eau souterraine paradisiaque est particulièrement obsédante dans le Coran ; c’est quasiment l’ultime espérance eschatologique. Jouir de la présence d’une verdure luxuriante, les pieds dans la flotte serait le nec plus ultra, l’unique activité coranique paradisiaque non dénuée de luxure. Tout le monde connaît les fameuses houris (les vierges dans le paradis, qui seraient la récompense sexuelle éternelle des bienheureux de l’islam), mais on ignore souvent les sculptures de nus de l’art omeyyade (doc 3) qui dépeignent merveilleusement les préoccupations mentales islamiques toutes focalisées sur ces voluptueuses naïades des sources.[3] Alors que toute la rhétorique de l’enfer s’est construite autour de l’image du feu, de la chaleur brûlante du sable du désert aride, celle du paradis, s’est bâtie sur le fantasme de l’élément liquide, coulant dans les oasis, les rivières et les ruisseaux d’un éden. Ces images fantasmées sont présentes dans les représentations de la Mosquée de Damas, puisées dans la source biblique. Mais dans l’Ancien Testament, ces liquidités encadrent une cosmogonie au-dessus de Tehom [4]. Elles ne sont pas une fin en soi ni un horizon eschatologique. Les abîmes dans la cosmologie biblique entourent la Terre mais n’accaparent pas les désirs lubriques des croyants. Plusieurs passages bibliques associent le monde liquide de Tehom à l’outre-monde (Ps 71. 20, Ps 107, Jb 38), retravaillant ainsi des mythes babyloniens de la déesse primordiale Tiamat (personnifie les eaux salées des océans où règne le chaos).
La quête de Zhu al-Qarnayn (« celui aux deux cornes », Alexandre le Grand selon les philologues) aboutit à la découverte d’une eau boueuse « où le soleil plonge » (Q18/86). Sa recherche de la mer des confins de la terre a été reconnue comme la copie d’un texte syriaque, La légende d’Alexandre, selon le grand orientaliste Noldeke (1836). Les ablutions prennent une telle importance dans le hadith que l’eau purifie même du péché. Tout le livre 2 du S ahih muslim, le plus célèbre d’entre eux, se déroule dans l’eau ; le terme nawafil qui désigne la prière est le calque phonétique de tefila, la prière juive, elle-même précédée d’ablutions.[5] Soulignons que la purification aquatique s’impose après avoir touché le chien, l’urine ou la femme.
A propos de l’eau, le Coran met en cause un phénomène universellement admis, la diffusion. Le seul argument apporté à la démonstration est la pseudo-conversion à l’islam du commandant Cousteau qui aurait découvert dans la mer deux eaux qui ne se mélangent pas, l’une salée et l’autre douce. Si cette affirmation est vraie à l’instant initial de la rencontre des deux eaux, elle est fausse par la suite : effectivement les deux eaux finissent par se mélanger.[6] Mais par la magie du sophisme immobile de l’islam, la frontière entre les deux eaux reste immuable pour que le texte coranique paraisse miraculeux, quitte à contredire la science.
En fait, cette conception sort tout droit de mythes mésopotamiens où l’univers n’est qu’un tout indifférencié rempli par l’eau originelle où Apsu, maître de l’eau douce (dans la mythologie sumérienne et akkadienne), et Timiat, la divinité babylonienne personnifiant l’eau salée, engendrent plusieurs générations de divinités.
Cette appétence pour la liquidité se trouve aussi dans les « sciences » de l’embryon. Les versets coraniques de 12 à 14 de la sourate 23 composent autour de la liquidité et des changements d’état de la matière : « Nous avons certes créé l’homme dun extrait dargile, puis Nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide ». L’épisode entre l’argile et le sperme n’est pas indiqué. Cet intérêt pour le sperme vient des Grecs. La Semence de Galien dit : « Car toutes les parties de l’utérus ont le désir d’envelopper le sperme mais ne peuvent encore le faire car elles sont encore trop loin pour le toucher ». Le Coran renchérit : « Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence, (traduite aussi caillot de sang), et de l’adhérence Nous avons créé un embryon » (traduit aussi bouillie). Les médecins grecs Hippocrate (370 avant J.-C.) et Galien (2e siècle après J.-C.) avaient notamment composé quelques essais concernant l’embryologie. Harith Ibn Kalada, médecin et futur compagnon de Mahomet, étudiait à l’Académie de médecine de Gundishapur en Perse, dans laquelle Galien y était enseigné.

Du Bestiaire et des insectes

Le Coran raffole des bestioles et rafistole des récits animaliers épars et disparates ; trois de ses sourates portent le nom de ces dernières. La sourate Les femmes est intercalée entre La vache, la table et les Bestiaux. Un hadith invite à prendre ses femmes même sur le bât d’un chameau. Certes, ce n’est que très récemment les savants saoudiens ont reconnu le qualificatif de « mammifères » aux femmes mais la doctrine coranique sur les Femmes supputait déjà cette dénomination. Il y a mille quatre cents ans déjà, Allah aurait « dicté » une sourate Les Femmes, jetant ainsi les bases de cette classification ! Malgré cette noble « dictée », les ulémas saoudiens ont attendu plus de mille quatre cents ans d’exégèse pour affirmer que les femmes avaient plus de droits qu’une chaise ou une table ; avant 2017, elles étaient considérées comme une propriété individuelle de l’homme. Désormais, elles ont un statut équivalent à certaines espèces animales (tels les singes supérieurs), on doit donc, au grand minimum, les nourrir, les abreuver et leur conférer un minimum d’attention et de respect. Ce qui n’était pas le cas au préalable.[7]
La sourate 2 s’intitule La vache et dès le verset 26, elle s’extasie sur le moustique. Le message talmudique « Hachem ne crée rien d’inutile » est repris avec avidité ici où il est affirmé qu’Allah prend en exemple le moustique. Mille quatre cents ans plus tard, la science occidentale découvre des caractéristiques étonnantes et fabuleuses à ce moustique. Donc Allah a donné le miracle du Coran ! Ensuite, le Coran sacralise les fourmis (sourate 27), les abeilles (sourate 16) et les araignées (sourate 29). La tradition islamique quant à elle, tergiverse sur les chevaux fantastiques mais maudit les chiens, quitte à inventer de nouveaux parasites. Un hadith vante les vertus de l’urine de chameaux. Depuis des religieux n’ont cessé de recommander ces vertus et des scientifiques musulmans de les confirmer en dépit des dangers sanitaires.
La sacralisation des abeilles est un relent d’Aristote qui, dans son ouvrage sur L’histoire des Animaux – les Abeilles, n’hésite pas à les considérer comme insectes divins. Tous les miracles sur le sujet puisent dans les travaux des Grecs et des Égyptiens. L’histoire de l’araignée islamique qui tisse sa toile pour protéger le divin Messager se trouve déjà dans un midrash où le roi David fut poursuivi par le roi Saül.[8] Cet épisode est évoqué dans la Sira(biographie) : Mahomet est sauvé des Koraïchites par l’araignée et sa toile.
Les chiens sont maudits. Est-ce un relent mosaïque, voire grec, où les créatures canines hybrides ou monstrueuses ont un rôle de premier plan dans le mythe (Cerbère et Scylla) ? Est-ce par un rejet de la culture perse où le chien est plutôt valorisé ? Selon la croyance zoroastrienne, le chien suit immédiatement l’homme dans la hiérarchie de création. Ces hadiths rapportés par Abou Hurayra, [9] évoquent deux points fondamentaux, il faut se débarrasser de ce qui reste dans le plat lapé par le chien et le laver sept fois avec de la terre. L’argumentaire islamique est le suivant : « Les médecins insistent sur l’obligation d’utiliser de la poussière pour laver le plat. Le secret qui se cache dernière cette méthode de nettoyage est que les microbes contenus dans la bave ou la salive du chien sont trop petits, ils peuvent facilement se cacher au fond du plat utilisé pour nourrir le chien. Ce microbe étant d’une nature liquide le rôle de la poussière est donc d’absorber le virus… Scientifiquement, la poussière contient deux matières éliminatrices des virus et des bactéries qui sont le Tatraxlin et l’Alttaralit et sont utilisées dans les opérations de stérilisation contre quelques germes (virus et bactéries). »… Le gros problème de cet article est qu’il ne cite aucune référence et n’utilise qu’un langage flou et imprécis. Les deux supposés antidotes, Tatraxlin et Alttaralit n’existent nulle part.
Concernant les animaux de type montures messianiques, on atteint l’apothéose de la razzia anarchique et frauduleuse. Si le prophète Isaïe (21:7) a vu un char attelé de deux chevaux, un cavalier sur un âne, un autre sur un chameau, c’est dans l’ouvrage Secrets de Siméon ben Yohaï [10] que ces montures sont citées. « Siméon emprisonné par le roi d’Édom, figure de l’Empereur de Byzance reçoit la révélation des mystères à partir de l’interprétation des oracles de Balaam [ ] lorsqu’il s’inquiète de la venue du royaume d’Ismaël. » Aussitôt [ ], l’ange supérieur, lui répondit : « Ne crains pas, fils d’homme ; le Tout-Puissant amènera le royaume d’Ismaël en vue de vous délivrer du méchant royaume d’Édom. Surgira (chez les Fils d’Ismaël) un prophète selon sa volonté, qui conquerra pour eux-mêmes la terre. [ ] Le cavalier monté sur un chameau représente les Fils d’Ismaël : ceux-ci sont une libération pour Israël, et ils préparent la venue du cavalier monté sur un âne qui représente le Messie [Zacharie 9:9]. »
Selon L. A. de Prémarre [11], « ces images ont inspiré les récits de la Tradition islamique sur les voyages du calife Omar en Syrie-Palestine après la conquête. Durant son califat, Omar vint quatre fois en Syrie-Palestine : la première fois, il était monté sur un cheval ; la deuxième fois sur un chameau ; la troisième fois, il interrompit son voyage avant dy entrer en raison de lépidémie de peste ; la quatrième fois, il était monté sur un âne. Omar est tout à la fois le Libérateur, monté sur un chameau, et le Messie, monté sur un âne et en haillons. Lécho des attentes messianiques juives est perceptible dans un récit que Tabarî attribue à Sâlim [725], un petit-fils d’Omar. Il faut noter que, dans aucune de ces deux versions, il nest indiqué qu’Omar se rendit lui-même à Aelia. Outre le fait quaucun des textes contemporains ou proches de ce temps-là ne mentionne Omar comme constructeur dun oratoire sur lesplanade, lhistoire des vêtements sales et déchirés d’Omar est la transposition sur lhagiographie de Sophronios dun récit islamique faisant partie de lhagiographie d’Omar, et dont on retrouve la trace chez Tabarî. Tout se passe non pas à lîliya (Aelia = Jérusalem) avec Sophronios, mais à Aylat (Eilat, sur le golfe de Aqaba) avec lévêque local, lequel nest pas nommé. »
Mahomet lui, ira à Aelia mais sa chevauchée sera mythique et sur un équidé à tête de femme non voilée. La cavalcade fantastique de Mahomet ressemble au voyage céleste décrit dans le livre zoroastrien, l’Ardā-Vīrāfnāmak, et l’équidé ailé du preux cavalier, le bouraq (doc 1), ressemble davantage à une antiquité perse (doc 2), ou à Pégase du mythe grec [12] qu’au modeste ânon du Christ. Cette monture a un visage de femme non voilée tout comme les visages des statues de femmes dénudées, affectionnées par les Omeyyades.
C’est donc une monture mythique perse ou grecque qu’a enfourchée le messager Mahomet pour actualiser les récits d’Isaïe. Il n’hésita pas à réquisitionner toutes les mythologies, à piller tous les récits des peuples conquis pour concocter une compilation aussi débridée qu’absurde. A noter que cette ascension sans aucune preuve, ni trace archéologique, ni scripturaire, encore moins témoin oculaire (sauf la représentation mythique imaginaire du bouraq, sans valeur au plan du réel de cette figuration fictive) : c’est un mauvais Sindbad sur son tapis volant des contes des mille et une nuits, seul argumentaire ridicule pour revendiquer ni plus ni moins l’esplanade du Temple.
Bref, si les textes islamiques sont tous issus de razzias, leur accommodation hétéroclite en manuel de spiritualité et livre saint est particulièrement infecte. Si ces butins de guerre textuels maladroitement agglomérés ressemblent plus à un mirage empli de lubricité qu’à une invitation à la spiritualité, cette mixture ne peut qu’éblouir les incultes, attendrir les naïfs crédules et conforter les pervers dans leurs vices par des promesses graveleuses.
L’humanité doit réagir pour ne pas sombrer dans le chaos de ce fatras et refuser de respirer les miasmes nauséabonds de cette bouillie de textes tous pillés et compilés en une mixture infâme.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Leila Qadr 
Doc 1 – Représentation islamique du bouraq
Doc 2 – Antiquité perse
Doc 3a – Statue de femme, Khirbat al-Mafjar, Jordanie, 8e siècle
Doc 3b – Statue de femme, Khirbat al-Mafjar, Jordanie, 8e siècle
The Rockefeller Museum, Jérusalem.

[1] Isaac Yehouda Goldziher, Introduction to islamic theology and law. Princeton University Press. Developpment of law, p. 40.
[4] Gn 1. 2, et ténèbres à la surface de l’Abîme [tehȏm].
[6] « Et c’est Lui qui donne libre cours aux deux mers : l’une douce, rafraîchissante, l’autre salée, amère. Il assigne entre les deux une zone intermédiaire et un barrage infranchissable » (Q25 :53).
[10] Mis fictivement sous le nom d’un célèbre rabbin du 2siècle de notre ère, Siméon ben Yohaï.
[11] L. A. de Premarre. (2002), Les Fondations de l’islam. Édition du Seuil. p. 156.

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