jeudi 23 janvier 2014

L’Iran tricard à Genève 2 : les raisons d’un retournement


Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com.

Hier, l’Iran devait participer au Genève 2, conférence internationale consacrée à la Syrie, à condition toutefois que Téhéran admette le départ de Bachar el-Assad comme préalable aux négociations. Aujourd’hui, rétropédalage dès potron minet, la capitale iranienne refusant de passer sous les fourches caudines en question.
De source sûre, on nous assure que la diplomatie iranienne n’a pas changé de position : « Quand on s’assoit à une table pour négocier, il ne saurait y avoir de préalable à toute forme de discussion. Tout le reste n’est qu’enfumage… » Du côté de l’ONU, grosse déception de son président, le Sud-Coréen Ban Ki-moon, qui, ayant pesé de tout son poids dans la balance pour que l’Iran soit admis à la table des négociations, rappelle que sans Téhéran aucune issue n’est possible.
Ce qui est d’ailleurs l’avis d’autres protagonistes. Abbas Araghchi, vice-ministre iranien des Affaires étrangères : « Tout le monde sait que, sans l’Iran, les chances de parvenir à une vraie solution en Syrie ne sont pas si grandes… » Même son de cloche chez Sergueï Lavrov, son homologue russe : « Exclure l’Iran serait une erreur impardonnable. » Et notre interlocuteur de poursuivre : « Poser la conclusion des négociations, soit le départ de Bachar el-Assad, avant même que ces négociations aient commencé est un non-sens politique ; voire un non-sens tout court. »
« Enfumage », donc ? C’est à croire. Lobbying intensif ? Sûrement. Mais pas celui auquel on penserait au premier chef. En effet (voir nos éditions précédentes), Israël et ses assez importants groupes de pression aux USA seraient plutôt en relatif retrait. En revanche, Arabie saoudite et Émirats seraient manifestement à la manœuvre, sentant que les anciennes alliances auraient tendance à flancher. Là se trouve peut-être une clef de compréhension de l’affaire : l’éternel conflit interne au Proche-Orient, entre musulmans sunnites et chiites. Puissance des pétrodollars des monarchies sunnites, arabes et wahhabites d’un côté ; arc chiite de l’autre, arc allant de Téhéran jusqu’à Gaza, tout en passant par Damas et Beyrouth.
Ce qui pourrait passer pour un conflit intermusulman – ce qu’il est par ailleurs, au même titre que nos guerres de religion interchrétiennes –, déborde aussi aux marches de l’Orient. Activisme meurtrier se propageant dans cette région du monde, tel un cancer ; d’où les récents attentats de Volgograd, en Russie. En ces colonnes, la piste saoudienne avait été évoquée. Vladimir Poutine, lui, a été encore plus explicite, assurant aux journalistes de Press TV – chaîne iranienne émettant sur la planète entière, hormis en France où elle a été balayée de nos ondes – que « la Russie pourrait riposter à l’attaque saoudienne de Volgograd » Atmosphère, comme aurait dit Arletty.
Les prochaines réunions genevoises promettent donc d’être chaudes. Mais pas forcément fécondes, sachant que les principaux concernés, Syriens et Iraniens, n’y seront pas conviés. Au théâtre, le monologue a ses charmes ; en géopolitique, un peu moins.

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