mercredi 2 novembre 2016

Bataille de Mossoul: « Ni GPS, ni armes modernes ne feront la différence dans cette guerre urbaine»

Vincent Desportes Propos recueillis par Oihana Gabriel
On l’attendait depuis des semaines. Seize jours après le lancement de la vaste offensive contre Daesh, la prise de Mossoul a commencé mardi. Des forces irakiennes sont en effet entrées dans la deuxième ville d’Irak, fief autoproclamé de l’organisation islamiste. Mais les combats risquent de durer. 20 Minutes a recueilli l’analyse de Vincent Desportes, enseignant à Sciences Po et spécialiste de défense et de sécurité.

Combien de temps peut-on supposer que la bataille va faire rage ?

Rien ne peut se prédire quand il s’agit de guerre. Mais on peut supposer que cette bataille durera plusieurs mois. L’avancée des troupes de la coalition risque de se ralentir.
Ce qui est sûr, c’est que les quinze premiers jours, les choses se sont bien passées pour la coalition parce qu’elle n’était pas au cœur de la zone occupée par Daesh. On appelle cela une manœuvre de retardement. On est passé de la banlieue aux faubourgs, et des faubourgs à la ville.
Les choses vont se corser maintenant que les combattants sont entrés dans Mossoul. La bataille va sans doute se figer avec peut-être des accélérations quand Daesh lâche un quartier. Comme repère on peut rappeler qu’en 2004, les Américains ont mis 11 mois à libérer Falloujah, une ville cinq fois plus petite que Mossoul et les habitants avaient été évacués…

Qu’est-ce qui risque de se passer dans les prochaines semaines ?

Selon les informations disponibles, Daesh compterait entre 3.000 et 5.000 soldats dans Mossoul. C’est impossible avec ces forces de défendre une ville de 1,5 million d’habitants. Il est probable que les combattants de Daesh se regroupent dans une zone réduite, un « Fort Alamo », que les soldats de Daesh défendront jusqu’à la mort. Mais ils devraient emmener avec eux un grand nombre de civils. Daesh a déjà montré qu’il utilisait la population locale comme bouclier humain. Cela va se transformer en guerre de terrain, bloc par bloc, quartier par quartier, une guerre de fantassins… Plus on va s’approcher du cœur, plus les combats seront durs. D’autant que l’on sait que Deash a miné, piégé la ville pour freiner l’ennemi.

Quels sont les grands défis pour la coalition aujourd’hui ?

Jusqu’à maintenant, la coalition avait un avantage : sa puissance de feu avec l’aviation notamment. Et les villages autour de Mossoul avaient été évacués. Mais maintenant qu’on arrive dans une ville fermée et très peuplée, où les civils sont bloqués, les troupes de la coalition perdent cet avantage comparatif.
Cette population de Mossoul prise au piège a un effet nivelant. D’autant que l’avance technologique de la coalition comptera beaucoup moins : ni GPS, ni armes modernes ne feront la différence dans cette guerre urbaine. 

Qu’est-ce qu’il y a de particulier dans cette bataille de Mossoul ?

Lors des sièges historiques, celui de Leningrad qui a duré trois ans pendant la Deuxième Guerre mondiale ou celui de Sarajevo de 1992 à 1996, la population et les militaires partageaient la même volonté de défendre leur ville. Là, c’est la première fois que la population est otage. Le lien entre Daesh et les habitants de Mossoul n’existe que par la terreur.

Pourquoi cette guerre serait plus barbare qu’une autre ?

Depuis des décennies, l’Occident a tenté de civiliser la guerre, avec la Convention de Genève, le respect des Droits de l’homme… Mais Daesh ne respecte pas du tout ce droit de la guerre. La guerre n’est jamais propre, mais dans ce cas, elle ne peut être que barbare et sanglante. 
Je pense que la coalition continuera à respecter les règles éthiques. Mais pas forcément les milices chiites ou les peshmergas, moins attachés à ces normes occidentales. Ce qui risque d’accentuer les tensions au sein de cette coalition hétéroclite.

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