samedi 12 novembre 2016

La bataille de Mossoul se mue en guérilla urbaine

Acculé sur tous les fronts depuis plusieurs semaines, l'État islamique épuise depuis plusieurs jours l'armée de Bagdad. Les forces irakiennes sont par ailleurs accusée par Amnesty International d'actes de torture lors de l'offensive contre le fief des djihadistes.
Trois semaines après le début de l'offensive des forces irakiennes, appuyées par la coalition internationale, pour reprendre aux mains de l'État islamique (EI) la ville de Mossoul, les djihadistes font preuve d'une résistance déterminée. Si les soldats de Bagdad progressaient ce jeudi vers la cité antique de Nimrod, à environ 30 kilomètres de Mossoul, un colonel de l'armée irakienne estimait que l'opération visant à chasser les djihadistes de leur dernier grand bastion urbain en Irak tourne au «cauchemar». Face à un ennemi bien préparé, mobile et d'une efficacité redoutable, exploitant à merveille le couvert des constructions et la présence des habitants, les blindés sont inutiles et ses hommes ne sont pas formés pour la guérilla urbaine, explique l'officier.
La 9e division blindée et le service de contre-terrorisme (CTS), l'unité d'élite de l'armée irakienne, ont repris la semaine dernière six des soixante districts de Mossoul, pénétrant pour la première fois dans la ville depuis le début de l'offensive le 17 octobre. Mais même ces positions sont difficiles à tenir, dit l'officier, dont les soldats sont harcelés par des vagues de combattants, de kamikazes et de tireurs d'élite de l'EI qui se déplacent à l'abri d'un réseau de tunnels percés sous la ville et peuvent surgir à tout endroit, à tout moment. En particulier la nuit, privant les militaires de repos.
«Nous sommes une division blindée et combattre sans pouvoir utiliser nos charset avec des soldats qui ne connaissent pas la guérilla urbaine met les troupes dans une situation difficile», explique le colonel, qui a tenu à rester anonyme car il n'est pas autorisé à parler à la presse. «À Mossoul, il faut progresser dans des secteurs résidentiels, déblayer les rues, sécuriser les bâtiments où se cachent les terroristes et prendre soin des habitants. J'ai peur que ça ne fasse trop pour nous», dit-il. L'officier souligne qu'il est impossible au premier coup d'œil de distinguer les civils des djihadistes qui se cachent parmi eux.

Les forces irakiennes accusées de torture à Mossoul

Au-delà de l'avancée sur le terrain, qui s'est considérablement ralentie depuis plusieurs jours, Amnesty International et Human Rights Watch ont rapporté ce jeudi que des membres des forces gouvernementales irakiennes ont tué et torturé des civils au sud de Mossoul dans leur progression vers le fief de l'État islamique. Les deux organisations internationales de défense des droits de l'homme, dans des rapports distincts, portent les premières accusations de ce genre depuis le début de la contre-offensive pour chasser les djihadistes d'une ville qu'ils occupent depuis juin 2014.
Amnesty International rapporte que jusqu'à six cadavres de personnes soupçonnées de liens avec l'EI ont été découverts dans les secteurs de Choura et de Kayara. «Des hommes en uniforme de la police fédérale (irakienne) ont procédé à de multiples assassinats, interpellant puis tuant délibérément de sang-froid des habitants de villages situés au sud de Mossoul», a déclaré Lynn Maalouf, directrice de recherche adjointe au bureau d'Amnesty à Beyrouth. Le premier ministre irakien, Haïder al Abadi, a démenti le contenu du rapport d'Amnesty, disant que ce sont des habitants et pas des soldats de l'armée gouvernementale qui ont tué des membres de l'EI.
Human Rights Watch (HRW) rapporte pour sa part qu'au moins 37 hommes soupçonnés d'être affiliés à l'EI ont été arrêtés par des forces irakiennes et kurdes à des points de contrôle, dans des villages et dans des centres d'accueil des populations déplacées autour de Mossoul et d'Haouidja, plus au sud. Leurs proches disent n'avoir aucune nouvelle d'eux. Selon HRW, cette pratique «accroît significativement le risque d'autres violations», y compris la torture. Le porte-parole du gouvernement régional du Kurdistan irakien, Dindar Zebari, a opposé un démenti aux affirmations de HRW, expliquant que l'information aux familles des personnes interpellées se heurtait à des difficultés et des ressources limitées. «Nul n'est détenu dans des centres inconnus. Ils sont détenus dans des installations identifiées», a-t-il dit.

L'offensive syrienne perturbée par des vents de sable

Faute d'une visibilité suffisante, l'aviation de la coalition internationale conduite par les États-Unis n'a pu mener des frappes précises sur des positions de l'EI. Depuis le début de l'offensive «Colère de l'Euphrate», «nous avons pu effectuer le tiers de la distance qui nous sépare du fief syrien des djihadistes de l'EI. Notre stratégie vise à encercler l'ennemi avant de procéder à des opérations de ratissage», a expliqué Jihan Cheikh Ahmad, la porte-parole de l'opération. Elle a précisé que les FDS s'étaient emparées de 15 villages et hameaux. «Aujourd'hui les combats se déroulent dans le village d'al-Hicha» tenu par l'EI à environ 40 km au nord de Raqqa.À quelque 400 km à l'ouest, de l'autre côté de la frontière irako-syrienne, l'offensive des forces kurdo-arabes soutenues par Washington pour reconquérir Raqqa est perturbée par des vents de sable. «La situation est dangereuse aujourd'hui car il n'y a aucune visibilité dans cette région désertique à cause de la tempête de sable», a confié à l'AFP un chef militaire des Forces démocratiques syriennes (FDS). «Nous craignons que Daech en profite, s'infiltre et lance une contre-attaque», a ajouté ce responsable présent près d'Aïn Issa, à 50 kilomètres de Raqqa.
Ces combats ont forcé plus de 5000 personnes à fuir leur domicile pour trouver refuge dans les zones reprises à l'EI. L'administration locale est mal équipée pour faire face à un afflux de déplacés. «Nous avons besoin d'une aide internationale car nos capacités sont limitées et il n'y a pas de camp pour les accueillir alors que l'hiver approche», a déclaré Jihan Cheikh Ahmad. De son côté, l'ONU a exprimé sa «forte préoccupation» pour les habitants de Raqqa, qui, selon les informations disponibles, «ont des difficultés à assurer leurs besoins immédiats» car les accès à la ville «sont fortement limités par l'insécurité et les restrictions établies par l'EI».

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