mardi 1 novembre 2011

Printemps arabe, hiver islamiste » ?, les leçons de la victoire des islamistes d’Ennahda en Tunisie


La formule est-elle pertinente?
Tout dépend ce que l’on entend par islamiste…
Par Alexandre Del Valle
Si l’on définit par là les mouvements terroristes ou totalitaires se réclamant de l’islamisme radical salafiste (dans le monde sunnite) ou de la révolution islamique iranienne (chiite), « l’hiver islamiste » n’est pas nécessairement l’expression appropriée, en tout cas pour la Tunisie, où les anti-islamistes veillent au grain (car le parti Ennahda, qui vient de remporter les premières élections libres tunisiennnes, le 23 octobre dernier, devra composer avec eux).
L’expression peut paraître également inappropriée en Egypte, où une alliance a déjà été scellée entre les Frères musulmans, qui ont là aussi le vent en poupe, et l’Armée, qui accompagne ce mouvement d’islamisation et l’encadre en même temps. Et a fortiori au Maroc, où l’intelligent roi Mohamed VI a pour l’instant réussi à préserver sa légitimité et son trône face aux révolutionnaires inspirés de l’exemple tunisien, puis à contenir la poussée islamiste radicale en s’appuyant sur les « islamo-conservateurs » soufis, puis ne cédant pas à la tentation périlleuse de réprimer les islamistes du parti de la Justice et du Développement.
Mais si l’on entend par « hiver islamiste » tout simplement la progression de l’islam politique, la réislamisation des programmes, des discours, des lois, etc, elle désigne une réalité incontournable dans tout le monde musulman: la réponse à une « demande d’islam » généralisée des masses et des nouvelles élites post-coloniales exclues trop longtemps du pouvoir par les dictateurs soi-disant « anti-islamistes ».
En ce sens, « l’hiver islamiste » désigne le second moment des révolutions arabes, celui par lequel le dilemme longtemps insoluble: « la peste de la dictature militaire face au choléra islamiste » a été résolu en faveur du « moins pire » des deux phénomènes: la solution islamique, jugée plus légitime, plus « indigène », plus juste, plus sociale, moins corrompue, et, à l’exemple du « modèle turc », plus « démocratique ».
Victoire de l’islam conservateur et échec de l’islamisme radical ? Les partisans de la thèse selon laquelle la démocratie et l’islamisme vont se réconcilier pacifiquement grâce aux révolutions arabes et vont ainsi délégitimer définitivement la voie « islamo-terroriste » est aujourd’hui dominante, de la Turquie aux pays arabes, où la révolution a déjà balayé des dictateurs militaires « laïques ».
Nos experts et autres « islamologues » catodiques nous expliquent depuis février 2010 que, depuis 2007, de l’Irak à l’Algérie, la révolution par le terrorisme, telle que proposée par le défunt Oussama ben Laden, n’a pas séduit les jeunesses des pays arabes. Car les despotes corrompus « anti-islamistes » ont été renversés non pas par les islamo-terroristes salafistes, mais par une jeunesse révolutionnaire pacifique, moderne, « facebookée » et « twitterisée ».
Fort de ce demi-constat, nos politiques et nos intellectuels habituels n’ont pas arrêté de nous dire, avec autant de naïveté que d’enthousiasme parfois hypocrite, que le « printemps arabe » administrait la preuve que les jeunes arabes sont eux aussi prêts que les Européens pour la démocratie, la laïcité, la modernité, le progrès, etc, qu’il n’y a pas de « chromosome arabe intégriste », qu’ils sont « eux aussi capables d’aspirer à la démocratie », etc. Mais une fois que l’on a dit ce genre d’évidence, que seuls ceux qui en doutaient par mépris post-colonial avaient besoin de rappeler, on n’a pas dit grand-chose. C’est qu’entre février 2011 et le 23 octobre 2011, date de la première victoire islamiste électorale en terre arabe « libérée », la tendance médiatico-politique n’était pas à l’analyse lucide, prudente et objective, mais à l’émotion à et l’engouement révolutionnaire.
Le renversement des régimes tyranniques en place (Kadhafi en Libye, Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Egypte, etc) ne pouvait qu’être positif et l’on était dès lors suspects de « collaboration » avec eux dès que l’on émettait des bémols ou que l’on alertait l’opinion sur le fait que ces formidables « jeunes révolutionnaires tunisiens, égyptiens ou libyens, risquaient de se faire voler très vite leur révolution élitiste, minoritaire et facebookienne par des révolutionnaires professionnels bien mieux organisés, plus populaires et plus nombreux : les islamistes.
Ceux qui osaient craindre ce scénario pourtant fort prévisible, comme par exemple le grand intellectuel et philosophe tunisien, ancien ambassadeur de Tunisie à l’UNESCO, étaient d’affreux « complices » des dictateurs en place et des ennemis de la démocratie. D’où les scandales médiatiques planétaires consistant à mener une véritable chasse aux sorcières et à lyncher les ministres français coupables d’avoir passé quelques jours de vacances à l’invitation des despotes jadis grand alliés de la France mais devenus en 24 h nos ennemis obligés et qu’il fallait par consésquent conspuer et lâcher d’un coup, sans transition, au mépris même des règles diplomatiques les plus élémentaires. A ceux, comme moi, qui étaient prêts à encourager les révolutionnaires, mais avertissaient que l’on risquait, en allant trop vite en besogne, de déstabiliser la région et de porter au pouvoir les seules forces politiques et sociales bien organisées, les islamistes, appuyés par certains Etats du Golfe, les Frères musulmans et même des réseaux salafistes liés à d’anciens protagonistes Al-Qaïda, on répondait avec mépris et véhémence que cet argument sert depuis des décennies à justifier la répression et la tyrannie.
L’argument n’est pas faux en soi, car les dictateurs arabes les plus sanguinaires, y compris Kadhafi lui-même, l’ex-parrain du terrorisme recyclé dans la lutte contre Al-Qaïda, agitaient constamment l’épouvantail de l’islamisme terroriste pour justifier une dictature qui couvrait elle-même une corruption de caste. Mais le fait que des dictateurs dénoncent l’islamisme radical suffit-il à discréditer définitivement toute alerte face à la montée de l’islamisme ? Le fait que le parti tunisien Ennahda ou d’autres groupes politiques islamistes tunisiens détestaient Ben Ali et ont voulu sa chute fait-il automatiquement d’eux des gens fréquentables et de « bons révolutionnaires ». Enfin, le fait qu’Ennahda et son leader historique Rached Ghannouchi se réfèrent au « modèle » turc supposé « islamo-conservateur » ou « démocrate-musulman », équivalent des « démocrates-chrétiens » européens, ne veut rien dire et est une pure rhétorique politique visant à abbaisser les gardes des révolutionnaires libéraux et de l’Occident opposés en principe à l’islamisme radical. « Le modèle turc et le bon élève tunisien d’Ennahda Rappelons tout d’abord que si les islamistes turcs n’ont pas remis en cause la laïcité turque, les droits des femmes turques, les alliances stratégiques avec les Etats, l’OTAN et Israël (de plus en plus contestés dans les discours et les postures politiques), et certains acquis fondamentaux du kémalisme, ce n’est pas parce qu’ils ne voulaient pas mais d’abord parce que le patronat turc, les classes moyennes stanbouliotes, les élites intellectuelles et surtout l’Armée ne l’auraient pas permis.
Bref, le secret de l’islamisme « modéré » turc ne réside pas dans une disposition propre des islamistes turcs au pouvoir ou dans une appartenance à une école de pensée islamique réformiste-modérée ou libérale, mais dans les rapports de force qui ne permettent pas au parti AKP du Premier Ministre R.T. Erdogan (au pouvoir) de changer et réislamiser d’un coup la Turquie. Mais depuis 2002, date de l’accession au pouvoir de l’AKP et d’Erdogan, la stratégie poursuivie avec succès par les islamistes turcs « modérés » ou « islamo-conservateurs, auxquels se réfèrent les leaders du parti Ennahda en Tunisie et les Frères musulmans de la plupart des pays arabes et même d’Europe, a consisté à démanteler uns par uns les acquis de la laïcité turque (Laiklik) : nomination de juges anti-laïques ; élection d’un nouveau Président turc issu du Parti islamiste (Abdullah Gül), diabolisation et affaiblissement des militaires les plus laïques et kémalistes par des campagnes médiatiques et des procès totalitaires ; mise au pas des grands groupes de presse confisqués aux seuls Magnats turcs opposés à Erdogan et connus pour leur défense des idées laïques (groupe Dogan, propriétaire des plus importants quotidiens laïques ; groupe Uzan, membre de la minorité alévie, totalement spolié de ses biens après avoir créé un parti politique laïque-nationaliste anti-Erdogan et avoir fait publier dans sa revue Star une photo de ce dernier en compagnie d’un chef islamo-terroriste afghan allié des Talibans, attaques en diffamation des journalistes anti-islamistes; réforme de la Constitution laïque, autorisation progressive du voile islamique jadis prohibé dans les lieux publics ; démentèlement de la plus importante institution kémaliste-laïque du pays, le MGK, qui bloquait les lois inspirées de la Charià mais que l’Union européenne jugeait trop liée aux militaires, etc).
Quand on voit à quelle vitesse la Turquie « islamiste modérée » du parti AKP au pouvoir s’est réislamisée ces dernières années et à quel point les institutions et les partis laïques ont été affaiblis, et quand on observe la violence des déclarations des dirigeants turcs à l’encontre de l’ancien allié majeur d’Ankara, Israël, puis le fait que la Turquie d’Erdogan défend aujourd’hui ouvertement les islamistes terroristes du Hamas à Gaza, ou lorsque que l’on écoute Erdogan menacer militairement le voisin chypriote qui se voit interdire de procéder à des forages pétroliers dans sa zone légale off shore par l’Etat même qui occupe illégalement la partie Nord de l’île (Turquie), force est de constater que le « modèle turc » d’Erdogan n’est pas celui d’un « islam modéré » ou « réformiste » pro-occicental et pacifiste, mais plutôt un modèle d’islamisme politique habile qui se fait passer pour modéré parce qu’il procède « par étapes ».
Or « procéder par étapes », infiltrer l’administration, avancer partiellement masqué, créer des fronts pluralistes pour tromper l’adversaire (en incluant par exemple la gauche), instrumentaliser la naïvité, la cupidité économique et la lâcheté occidentale, et manipuler les masses de façon progressive pour arriver à terme au même but que les islamistes radicaux: le règne de la Charià, l’anéantissement progressif des régimes et idéologiques laïcisantes importées de l’Occident impérialiste maudit: telle est la stratégie théorisée et appliquée par les idéologues des Frères musulmans. Il n’est donc pas du tout étonnant que les Frères musulmans tunisiens, qui ont déjà dérobé la révolution aux jeunes laïques réunis aux appels des réseaux facebook ou twitter, puis leurs homologues égyptiens ou même marocains, jordaniens ou syriens, se réfèrent tous au « modèle turc ». Car ce modèle est faussement modéré. Il ne diffère pas de l’islamisme radical terroriste par les buts à longs terme (règne de la Charià et destruction des régimes musulmans « impies » ou « apostats »), mais par les moyens qu’il utilise.
Pour ces islamistes là, si habiles qu’ils vont souvent jusqu’à récuser le mot même d’islamiste, et comme l’a souvent dit le Premier ministre turc Recep Taiyyp Erdogan dans ses discours, « la démocratie n’est pas une fin mais un moyen », « c’est un tramways qui me permet d’aller à un endroit et je m’arrête à la station que je veux ». Retour à la Tunisie dominée par Ennahda Dans un autre style encore plus explicite? celui qui se dit être sur la même ligne qu’Erdogan, Rached Ghannouchi, leader de « l’islamisme modéré » tunisien, dont le parti a remporté 40 % des voix aux élections du 23 octobre, expliquait dans son ouvrage « Les libertés publiques dans l’État islamique », publié par le Centre d’Études de l’Unité Arabe (Beyrouth, 1993, p. 48), que « l’apostasie est le reniement [de l’islam] après qu’on l’a embrassé de plein gré ; Des versets du Coran ont énoncé le caractère affreux de ce crime, et menacé quiconque s’en rend coupable du plus atroce des supplices.
Quant à la tradition, la sunna, elle a exigé la mise à mort [conformément au hadith] : « Tuez quiconque change de religion. » Comment croire un instant la sincérité des islamistes tunisiens d’Ennahda, qui jurent depuis un an ne pas vouloir instaurer la Charià, alors que leur leader écrit, comme tous les Frères musulmans, que la charià est la « source principale de legislation », que « le rôle d’un chef d’Etat est d’accomplir la religion, d’éduquer l’oumma selon l’islam », et que le souverain doit être impérativement musulman »?
Ghannouchi regrette même explicitement que les constitutions de nombreux pays arabes ne contiennent pas d’articles imposant la charià comme source principale de toute législation» (Ghannouchi, idem, p. 54). Comment aussi croire les islamistes tunisiens qui affirment ne pas vouloir renverser l’ordre consitutionnel instauré par Bourghiba depuis 1956, mais qui fustigent dans le même temps la laïcité voulue par Bourguiba et expliquent que la lutte contre Ben Ali passe par la lutte contre les acquis de son prédecesseur, Bourguiba ?
Ghannouchi écrit à propos de la laïcité que « l’on ne saurait concevoir de société islamique laïque, ou de musulman laïc que si ce n’est en renonçant à ce qui est essentiel en islam. Car une société ne peut être islamique qu’à condition de ne pas être laïque et d’accepter l’unicité de Dieu. » (Interview au quotidien algérien Algérie actualité du 12 octobre 1989).
Certes, on peut nous répondre que, depuis les années 1990, Ghannouchi a changé. Mais plus récemment, alors qu’il annonçait son évolution « modérée », Ghannouchi rendait hommage, dans une interview réalisée par Ala Iddin Al-Rachi, le 5 octobre 2005, au « savantisme du cheikh Youssef El-Qaradhawi », le tristement célèbre prédicateur salafiste d’al-Jazira et auteur du livre Le Licite et l’Illicite puis de nombreuses fatwa justifiant les attentats suicides, les appels à la destruction d’Israël et l’assassinat des musulmans « apostats ». Or le simple fait que Qardaoui soit la référence théologique suprême des Frères musulmans et des Salafistes du monde entier dément toute prétention à être assimilé à des démocrates-musulmans ou a des modérés réformistes.
Exemple parmi tant d’autres, Youssef El-Qaradhawi affirmait, le 28 janvier 2009, sur Al-Jazira, que « tout au long de l’histoire, Allah a imposé aux [Juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. Avec tout ce qu’il leur a fait – et bien qu’ils [les Juifs] aient exagéré les faits -, il a réussi à les remettre à leur place. C’était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des musulmans. (…) j’espère est qu’à l’approche de la fin de mes jours, Allah me donne l’occasion d’aller sur la terre du djihad et de la résistance, même sur une chaise roulante. Je tirerai sur les ennemis d’Allah, les Juifs, et ils me lanceront une bombe dessus et ainsi, je clorai ma vie en martyr. »
Pour ceux qui douteraient encore des idées profondes de Ghannouchi et de ses liens avec al-Qardaoui et ses institutions affiliées, rappelons seulement qu’il est le vice président du « Conseil européen de la fatwa (structures des frères musulmans proche de l’UOIF en France), dont le président et référence suprême n’est autre que… al-Qardaoui. Ceci est également fort inquiétant pour l’islam européen, dont de très nombreuses associations, centres islamiques et mosquées liées au Frères musulmans ou à l’Arabie saoudite sont affiliées à cette au Conseil européen de la Fatwa. Enfin, Ghannouchi déplorait en 1996, lors du voyage de Jean Paul II en Tunisie en Avril 1996, que « la visite du chef de l’Eglise catholique coïncide avec la réception du représentant commercial de l’entité sioniste à Tunis », et que cela prouverait « qu’il y a une invasion croisée et sioniste » de la Tunisie (journal islamiste marocain ARRAYA, 23 avril 1996).
La seconde phase des révolutions arabes : l’hiver islamiste 
C’est dans cette perspective réaliste qu’il faut analyser la seconde phase des révolutions arabes. Et c’est là que la formule « printemps arabe, hiver islamiste » prend tout son sens. En effet, si l’on entend par « hiver islamiste », la percée générale des partis politiques réclamant une réislamisation partielle, totale ou progressive (par étapes) de la société et de l’Etat, c’est-à-dire qui escomptent répondre à « la demande d’islam » constatée partout au sein des masses des pays musulmans depuis plusieurs décennies après le discrédit croissant des idéologies laïques et libérales assimilées à l’impérialisme occidental, il est clair qu’aucun pays arabe gagné ou pas par la « révolution » n’est épargné par cette « demande d’islam », qui ne concerne d’ailleurs pas que les pays arabes mais l’ensemble du monde islamique et même les « banlieues de l’islam » de France ou d’ailleurs en Europe.
Car dans le monde entier, en terre arabe, musulmane non-arabe ou en terre européenne ou américaine, le référent identitaire majeur des populations d’origine musulmane, jadis moins réceptives au message islamiste, a de plus en plus tendance à être la religion, non pas uniquement comme piété privée ou mystique personnelle, mais comme référent identitaire premier, comme appartenance et ciment politico-religieux et social. Qu’il s’agisse des banlieues de l’islam ou des pays musulmans arabes ou non-arabes, de la Turquie d’Erdogan à la Tunisie d’Ennahda, on constate en effet que, partout l’islamisme au sens large d’islam politique, « modéré » ou radical », est perçu par des masses croissantes et des nouvelles élites économiques et politiques, comme « La » réponse, « La » solution » aux problèmes, et surtout, la seule façon de se différencier radicalement de l’Autre honni, l’Occident judéo-chrétien ex-colonial qui a apporté avec ses colons les idées « perverses » et « impies », de mixité des sexes, d’individualisme, de la laïcité, de liberté sexuelle.
Et c’est parce que l’islamisme politique à l’iranienne comme à la turque est avant tout une réponse politico-religieuse et identitaire à l’Occident honni et à ses valeurs universelles jugées dangereuses, une volonté de revanche et d’en découdre avec l’ennemi juif et croisés dépeints tant par Oussama Ben Laden que Al-Qardaoui ou Ghannouchi, que toute forme de progression, même édulcorée de cette idéologie totalitaire revancharde fondée sur le narcissisme collectif de la Oumma et la haine des non-musulmans ne peut rassurer. Certes, pour l’instant, les « islamo-conservateurs » comme on les appelle n’ont pas encore expulsé tous les juifs et tous les chrétiens de Tunisie ou d’Egypte.
Ils n’ont pas mis en prison les rares filles qui osent encore mettre des jupes courtes et les rares hommes qui osent ne pas observer le jeûne du ramadan, comme cela était encore possible il y a des décennies. Mais ce n’est qu’une question de temps. Et même si le pire n’est jamais certain, et si les forces laïques, encore peu organisées, faute de temps, n’ont pas encore di leur dernier mot et pourront un jour gagner des élections, il est clair que dans les pays arabes gagnés par les révolutions, les laïques et les libres penseurs opposés à toute forme de théocratie ont du souci à se faire.
Le meilleur exemple est la Libye, où le président du Conseil national de transition (CNT) Mustapha Abdel Jalil a confirmé à plusieurs reprises, que la future « Libye libre », proclamée ces derniers jours après la mort de Kadhafi, aura une législation fondée sur la charià. Citons un extrait on ne peut plus clair d’Abdel Jalil du discours prononcé à l’occasion de la cérémonie de proclamation de la « libération » de la Libye: « en tant que pays islamique, nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui violera la charia sera légalement nulle et non avenue ».
A l’instar des « islamistes modérés » de Tunisie ou d’Egypte, les composantes islamistes de la Libye nouvelle libérée par les avions de l’Otan et les Kalachnikovs, tentent de rassurer leurs parrains occidentaux en jurant que les Libyens ont un « islam tolérant », de rite malékite, et qu’ils « rejettent toute « idéologie extrémiste ». Mais au même moment, le Président du CNT rappelle qu’en matière statut familial, par exemple, la Charià, bientôt (re)devenue source de la loi, permettra de légaliser la polygamie, interdite sous le régime de Kadhafi, tandis que la loi sur le mariage et le divorce, jugée trop libérale sous Kadhafi, pourra être supprimée en tant que non-islamique…
Alexandre del Valle est géopolitologue, auteur de nombreux articles et ouvrages dont « Le Totalitarisme Islamiste » et « Le Dilemme Turc » parus aux éditions des Syrtes.
Copyright © Israël Flash

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire