mardi 19 juin 2012

Morsi revendique la présidence égyptienne


Le candidat des Frères musulmans, Mohammad Morsi, a revendiqué hier la victoire à l’élection présidentielle en Égypte. Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans présidé par M. Morsi, a proclamé sur son compte Twitter qu’il était « le premier président de la République élu par le peuple ». Selon son QG de campagne, M. Morsi a obtenu 52 % des voix, un chiffre non encore officiel mais cité par la télévision d’État. Le site Internet du quotidien gouvernemental al-Ahram donnait pour sa part une courte avance – de 51 % – au candidat des Frères musulmans. Mais le camp de son rival Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, a assuré qu’il était en tête dans les résultats provisoires du scrutin qui s’est achevé dimanche soir, en accusant les islamistes de chercher à « voler » la présidence.

La victoire de M. Morsi, si elle était confirmée, porterait pour la première fois un islamiste à la tête du pays le plus peuplé du monde arabe, avec près de 82 millions d’habitants. Les résultats officiels doivent être annoncés jeudi par la commission électorale. En attendant, M. Morsi s’est engagé dans une allocution à travailler « main dans la main avec les Égyptiens pour un avenir meilleur, pour la liberté, la démocratie et la paix ». Il a aussi promis de « servir tous les Égyptiens » quelle que soit leur obédience politique ou religieuse.
Cette présidentielle, qui a profondément divisé le pays et fait redouter de nouvelles tensions, était la première depuis la chute en février 2011 de Hosni Moubarak. Le futur président, quel qu’il soit, disposera d’une marge de manœuvre très réduite face aux militaires, qui dirigent le pays depuis le départ de M. Moubarak et qui se sont attribué de vastes pouvoirs peu avant la fermeture des bureaux de vote. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a confirmé sa volonté de remettre l’exécutif au futur président avant la fin du mois, tout en gardant le pouvoir législatif et en contrôlant d’autres verrous institutionnels au nom de « l’équilibre des pouvoirs ». Dimanche soir, il avait annoncé dans une « Déclaration constitutionnelle amendée » qu’il exercerait le pouvoir législatif jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée du peuple, la Chambre des députés dominée par les Frères musulmans ayant été dissoute en application d’un arrêt de la Haute Cour constitutionnelle pour un vice juridique dans la loi électorale. Cette déclaration stipule en outre que le CSFA garde la haute main sur « tout ce qui relève des forces armées » et lui octroie un droit de veto sur tout article de la future Constitution qu’il estimerait « contraire aux intérêts suprêmes du pays ».


Les Frères musulmans se sont vivement opposés à la décision de l’armée en affirmant que l’Assemblée du peuple restait valide et gardait le pouvoir législatif. Le Conseil militaire « n’a pas le pouvoir de dissoudre l’Assemblée », ont-ils insisté. Ils ont en outre annoncé qu’ils participeraient aux manifestations « contre le coup constitutionnel et la dissolution du Parlement » auxquelles ont appelé des militants prodémocratie à partir d’aujourd’hui. « L’armée remet le pouvoir à l’armée », ironisait le quotidien indépendant al-Masri al-youm. « Un président sans pouvoir », titrait un autre journal indépendant, ach-Chourouq. La Coalition des jeunes de la révolution, qui regroupe plusieurs mouvements à l’origine de la révolte anti-Moubarak, a dénoncé un « coup anticonstitutionnel » des militaires, qui « ne reconnaîtront jamais une volonté populaire qui puisse les contredire ».

À l’étranger, les États-Unis se sont dit « profondément inquiets » des prérogatives que s’est attribuées la junte. Washington attend du CSFA qu’il transfère « l’intégralité du pouvoir à un gouvernement civil démocratiquement élu, comme le CSFA l’avait auparavant annoncé », a déclaré le porte-parole du département de la Défense, George Little. L’Union européenne a salué de son côté « l’étape majeure » de l’élection présidentielle, mais a appelé au respect de la transition démocratique et estimé que la situation institutionnelle et légale devait être « clarifiée le plus vite possible ».
Enfin, un juge respecté, Hossam al-Ghariani, a été désigné hier à la tête de la commission chargée de rédiger la future Constitution égyptienne, a rapporté l’agence MENA
. « Je viens vers vous sans appartenir à rien d’autre qu’à ce pays et à cette commission (...) et je prie chacun de vous de se défaire de toute allégeance autre qu’à cette patrie », a-t-il déclaré après sa désignation.

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