mardi 11 septembre 2012

EFFATA! De l’évangile selon St Marc, 7-31

« Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et pénétra en territoire de la Décapole.
Là, on lui présente un homme, sourd et muet. On le prie de lui donner la bénédiction de D.ieu par l’imposition des mains.
Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule. Il lui posa les doigts sur les oreilles, et de sa salive, il lui toucha la langue.
Ensuite, les yeux levés vers le ciel, Jésus exprima son souffle en lui disant : effata ! c’est-à-dire ouvre-toi !
Ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia. L’homme pouvait s’exprimer et communiquer ».
EFFATA !
Etonnant, ce petit mot-clé araméen, venu de la langue de Jésus et conservé à travers les siècles, comme le témoignage souvenir d’un événement. Effata signifie : ouvre-toi, mais évidemment, cela n’a rien à voir avec le code magique des Mille et une nuits, Sesame, ouvre-toi !
Cet homme qui n’entend rien et ne peut s’exprimer reçoit la guérison dans la rencontre avec le rabbi Jésus. Dans le récit évangélique, on comprend que ce n’est pas qu’un individu, et qu’il représente l’être humain livré à lui-même dans un contexte indifférent ou hostile aux valeurs spirituelles.
Récemment, certains sociologues et spécialistes du langage se désolaient de constater l’appauvrissement du vocabulaire dans certains milieux de jeunes. Ceux-ci disposent en effet d’un nombre de plus en plus réduit de mots et d’expressions dans leurs échanges quotidiens habituels, et le problème ne semble pas seulement culturel, il est sans doute aussi spirituel : manque d’idéal, manque de convictions, de vision d’avenir, manque d’espérance, influences de régressions diverses.
EFFATA, ouvre-toi, ce n’est donc pas seulement cette formule baptismale symbole d’ouverture à une Parole qui vient de Dieu, c’est aussi un message qui rejoint l’actualité.
Il y a là l’urgence d’une ouverture intérieure des consciences à une formulation de destinée humaine, à un projet personnel et communautaire de vie fondé sur les valeurs basiques des commandements et qui concernerait tous ceux et celles n’ayant pas perçu l’appel de D.ieu à vivre aux dimensions de l’amour, ce qui explique qu’ils aient tant de peine à exprimer autre chose que des sons vides de sens.
Le sourd-muet de l’évangile illustre en fait l’état déficient de l’être humain livré à lui-même, une situation critique qui correspond tout à fait à ce que Jésus pouvait voir autour de lui, mais aussi à ce que nous constatons aujourd’hui autour de nous, et parfois, en nous.
Jésus, souvent saisi de compassion devant des foules errantes comme des brebis sans berger… Combien de personnes manquent visiblement d’inspiration dans leur existence ! Aucun souffle ne les anime, c’est la routine, le conformisme. Aucune motivation qui les pousserait en avant, donc pas de vraie communication avec leurs proches ou avec leurs voisins.
Dans certaines familles, et dans certains milieux, il est reconnu que les échanges sont superficiels : on a vraiment rien à se dire, à part quelques phrases convenues et formelles…Un vide sidéral et sidérant !
Il est vrai qu’avec la culture qui nous environne de plus en plus, on se demande en voyant certains émissions de télé ou certaines publications : à quoi bon toutes ces futilités ? L’appauvrissement de l’horizon culturel, l’absence de grandes passions en dehors de la violence, l’abrutissement par la marchandisation des produits culturels, un vrai problème.
Rien de significatif donc, qui puisse apporter une quelconque valeur à l’existence humaine, ou qui puisse encourager l’envie de vivre au vrai sens du mot…
C’est bien face à ce même manque profond et mortifère que l’évangile présente Jésus et son enseignement de vie. Et voici qu’il dit à un homme en état d’autisme : effata, ouvre-toi! (Ou plus exactement, puisque le verbe est au passif: sois ouvert…) Et Jésus effectue de la part de Dieu quelques gestes de guérison, imposition des mains en signe de berakha, envoi du souffle recréateur, gestes qui signifient l’aptitude rendue à cet homme dans sa faculté d’entendre pour pouvoir s’exprimer.
Devant ce miracle, on ne peut s’empêcher de penser au texte d’Isaïe qui annonçait que D.ieu viendrait dans les temps messianiques rendre les hommes sensibles à sa présence en ce monde: alors les oreilles des sourds entendraient et les muets auraient enfin quelque chose à dire…
L’évangile de Marc décrit en même temps l’itinéraire de Jésus : il se trouve en territoire de la Décapole, à l’extérieur d’Israël. Il est dans un pays limitrophe marqué par les coutumes païennes. C’est donc grâce à la rencontre avec le rabbi Jésus porteur de sa tradition hébraïque qu’un homme jusqu’ici limité dans son entendement et dans son expression va développer ce qui est le plus important pour lui : entendre une Parole de sens et communiquer…
Cet homme – jusqu’ici limité par les croyances du paganisme – accède ainsi à un nouvel état de conscience. Son existence s’ouvre à une dimension, une orientation de vie, une Parole qu’il accueille au fond de lui-même, et qui lui permet de communiquer avec les autres sur l’essentiel.
En guérissant cet homme, Jésus l’a fait rentrer dans le cercle de la vie. Cela correspond à l’attitude permanente de Jésus qui fait tomber les obstacles entre les hommes : nous le voyons se déplacer en Judée, en Galilée, en Samarie, en Phénicie, en Syrie et ici en Décapole, c.a.d. le Liban actuel et la Jordanie. Il y côtoie des croyants et des incroyants, des pratiquants et des non pratiquants. Il est celui qui sait reconnaître en chacun l’étincelle de vérité qui peut changer la vie.
Jésus s’intéresse en effet à tout ce qui rend l’homme plus humain. Fidèle à la tradition d’Israël, il montre évidemment l’importance fondamentale de la relation à D.ieu qui est la base de tout, mais il prend en compte toute la dimension de l’être humain. C’est ce qui le pousse à être proche de celles et ceux qui souffrent dans leur chair ou leur esprit. Jésus éduque ses disciples à ne pas oublier cet aspect concret de la vie. Il précise même: si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et écoutent sans entendre et sans comprendre.
Mais vous, mes disciples, heureux vos yeux parce qu’ils voient, vos oreilles parce qu’elles entendent.
L’homme est un tout, il y a l’écoute, le regard, la parole. Alors, l’enseignement de Jésus enraciné dans la tradition d’Israël vient guérir toutes ces fonctions interactives, profondément humaines et spirituelles! Il y a autour de nous tellement d’oreilles bouchées, tellement de bouches cousues, que la Parole de Dieu se heurte souvent à des murs d’incompréhension et de silence.
Les exemples ne manquent pas de personnes essoufflées, à court d’idéal, sans perspectives, vivant au jour le jour, de plus en plus repliées. Venez à moi, vous tous qui peinez, je vous apporterai l’apaisement et la sérénité…
Parce que Dieu est amour, il nous offre à chaque étape de notre vie la possibilité d’être plus proche de lui, et à partir de là, d’être plus proche des autres.
L’Esprit qui murmure en nos cœurs nous dit et nous redit sans cesse: effata! Sois ouvert, ouvre-toi!

© Abbé Alain René Arbez pour www.Dreuz.info

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