vendredi 14 septembre 2012

Les réseaux français d’Assad

J’ai maintes fois écrit que je ne soutiens ni le régime syrien, ni les rebelles syriens. J’ai publié de nombreuses analyses qui, sources et preuves à l’appui, ont démontré la médiocrité de la plupart des analyses diffusées par les médias français. Cela dit, je viens de lire une investigation plutôt intéressante sur les appuis dont le régime syrien semblerait bénéficier en France.
Ainsi donc, sur lexpress.fr, Vincent Hugeux et Hala Kodmani publient cette investigation au vitriol, qui en écorche quelques-unes et quelques-uns au passage (extraits adaptés ; lien vers source en bas de page) : « La compagnie des disciples français de Bachar el-Assad a ses stars, ses jeunes premiers, ses seconds rôles, ses héros masqués et ses figurants candides, accourus de tous les horizons. Le facho y côtoie le gaucho. Le pieu musulman y coudoie l’islamophobe, le laïcard radical, le catho intégriste, l’altermondialiste de stricte obédience, le négationniste impénitent. Mais nombre d’entre eux s’enivrent du même breuvage, cocktail où se mêlent, selon un dosage aléatoire, l’anti-impérialisme, la haine d’Israël -fût-elle affublée des atours de l’antisionisme et le culte un rien nostalgique des régimes « forts ». Le tout relevé d’une mesure de complotite chronique. L’appât du gain ? Il peut, çà et là, stimuler les vocations; mais pèse bien moins, à l’heure de s’engager sur le chemin de Damas, que les lubies idéologiques. Si notre tribu ne compte que peu d’adeptes -quelques dizaines d’activistes-, si ses manifestations parisiennes ne rassemblent qu’un maigre noyau de fidèles, les outils de la planète Web, les réseaux sociaux et les médias dits alternatifs dopent son audience. D’autant que le même militant peut, pseudonymes à l’appui, sévir sous diverses bannières. A l’extrême droite du portrait de famille, un personnage retient l’attention: Frédéric Chatillon, 44 ans. Ancien patron du Groupe union défense (GUD), phalange estudiantine encline à singer les rituels néonazis, ce colosse gominé, air rogue et veste de cuir, apparaît notamment en octobre 2011 en marge d’un meeting pro-Bachar ponctué de saluts hitlériens. Lui a fondé dès 1995 la société Riwal, « agence spécialisée dans le conseil en communication, la création graphique et l’événementiel », matrice flanquée treize ans plus tard d’une filiale baptisée Riwal Syria, censée œuvrer à la « promotion des sociétés privées et des institutions publiques syriennes en France ». A commencer par le ministère du Tourisme, client généreux. La maison Chatillon doit pour l’essentiel sa bonne fortune – et le décuplement d’un capital au sein duquel figure le copain et associé Axel Loustau, patron de l’entreprise de gardiennage Vendôme Sécurité – au parrainage des Tlass, dynastie baasiste autrefois très en cour et prompte à financer l’impression d’affiches et d’ouvrages révisionnistes ».
« Sunnite, le père Mustapha fut ministre de la Défense ; quant au fils Manaf, général placé à la tête d’une unité d’élite, il a fait défection en juillet. « Trahison d’enfant gâté » instantanément fustigée par le site Infosyrie.fr, autre planète de la galaxie Chatillon, domiciliée elle aussi rue Vineuse, dans le XVIe arrondissement. Cette « agence de ré-information » s’emploie, comme son nom l’indique, à corriger les ravages d’une couverture mensongère de la tragédie syrienne. Présidente du Front national, Marine Le Pen minimise le rôle joué à ses côtés par l’ami Frédéric, croisé sur les bancs de la fac de droit d’Assas, mais relégué au rang de « prestataire de services ». Services éminents : comme l’atteste un documentaire de Canal +, le « fournisseur » Chatillon a veillé à l’automne 2011 au bon déroulement de la virée romaine de « Marine ». Son épouse, Marie d’Herbais, fille d’une ex-élue régionale frontiste de Picardie, présente le blog vidéo de Jean-Marie Le Pen. Le tropisme baasiste du FN a la vie dure. Compagnon et bras droit de la conseillère municipale d’Hénin-Beaumont, Louis Aliot invoquait le 17 août une imaginaire « parité dans les massacres » pour renvoyer dos à dos le régime de Damas et la rébellion. Assadolâtre certifié, l’ »effroyable imposteur » Thierry Meyssan, mérite de figurer au centre de la photo. D’autant que c’est lui qui aurait recommandé Chatillon aux Tlass, alors en quête d’un propagandiste de choc. A 54 ans, le fondateur du Réseau Voltaire pérore sans désemparer sur les plateaux d’Al-Manar, la chaîne du Hezbollah libanais, ou de la télévision d’Etat syrienne, où il lui arrive d’accuser nommément tel reporter parisien de jouer les espions pour les services français. L’examen attentif de sa logorrhée délirante et narcissique laisse peu de place au doute: le cas Meyssan relève au mieux de la psychanalyse. Au gré d’un parcours chaotique détaillé par Fiammetta Venner dans un essai incisif, ce fabuliste a ferraillé tour à tour en faveur de l’intégrisme catholique, de la cause homosexuelle, de la pornographie, de la laïcité, du kadhafisme et de la théocratie iranienne. On l’a même vu s’agiter au sein d’un Comité de vigilance contre l’extrême droite, auprès de Bernard Tapie, puis de l’actuelle garde des Sceaux, Christiane Taubira. On épargnera au lecteur la liste complète des graphomanes bacharophiles et de leurs sites favoris. Avec toutefois trois mentions spéciales ».
« L’une attribuée à un certain Louis Denghien, dont Infosyrie.fr, TSS (Tout sauf Sarkozy) et le Réseau Voltaire hébergent la prose volontiers ordurière. Une autre à Ginette Skandrani, ex-écolo atteinte par la névrose révisionniste. La troisième au sinistre humoriste Dieudonné, dont le premier pèlerinage damascène, accompli en compagnie de Meyssan et de Chatillon, date de 2006. Vecteurs traditionnels du lobbying en faveur des despotes « fréquentables », les groupes d’amitiés parlementaires font preuve cette fois d’une sobriété rare. D’autant qu’à l’instar du député socialiste Gérard Bapt, ceux qui les animent ont d’emblée pris leurs distances avec le raïs alaouite. De même, si elle exaltait encore le 21 mars 2011, à la faveur d’un dîner et sur un mode mélancolique, l’ »excellence » du lien bilatéral, l’Association d’amitié France-Syrie, assemblée d’ambassadeurs retraités et de vieux syrianologues, se tient coite. Nul doute en revanche que la volonté, patente jusqu’en 2004 chez Jacques Chirac puis ranimée dès 2007 par Nicolas Sarkozy, de normaliser la relation Paris-Damas afin d’exister sur l’échiquier proche-oriental, aura stimulé le tropisme arabophile de la diplomatie bleu-blanc-rouge. « Nous avions tous misé sur les promesses réformistes du jeune Bachar, concède un témoin privilégié. Mais jamais il n’y eut envers la Syrie de compromissions à l’irakienne. » Allusion aux égarements de deux anciens barons du Quai d’Orsay grisés par les largesses pétrolières de Saddam Hussein. Jamais ? L’impayable Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, dont la liaison avec la fille de Mustapha Tlass parasita l’écran radar franco-syrien. Dans l’ombre, quelques émissaires familiers de l’Elysée ont ensuite orchestré la romance Sarko-Assad. Parmi eux, l’ancien ministre de l’Information libanais, Michel Samaha, intime du raïs aux abois, arrêté le 9 août dernier à son retour de Damas pour transport d’explosifs ; et l’affairiste Ziad Takkiedine, lui aussi fils du pays du Cèdre, conseiller occulte de Claude Guéant ».
« Les stratèges du bacharisme à la française font bien sûr leur miel de l’angoisse – légitime – qu’alimente chez les chrétiens le sort de leurs frères syriens, promis à les en croire aux cimeterres des hordes djihadistes. « Le risque de récupération est indiscutable, admet Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient, association caritative liée à l’archevêché de Paris. Qu’il soit commis par le régime ou par les rebelles, tout carnage reste inacceptable. Mais on ne peut placer sur un même pied une insurrection mal structurée et un Etat doté de blindés et d’avions de guerre. » « Nourrir l’opposition frontale entre chrétiens et musulmans est une ânerie, avance en écho un autre prélat. Que récusent d’ailleurs nos cousins de Syrie ». Autant dire que ces hommes d’Eglise réprouvent le discours et l’activisme frénétique de l’étrange sœur Agnès-Marie-de-la-Croix, prieure libanaise du couvent Saint-Jacques-le-Mutilé de Qâra, non loin de Homs. Réputée proche des services de renseignement du pouvoir, louangée par Meyssan et consorts, cette routarde repentie a fermement cornaqué maints reporters étrangers adoubés par les autorités. « Manipulée et manipulatrice », soupire un diplomate ».
« Animé par Anas Alexis Chebib, radiologue à Tulle (Corrèze), un Collectif pour la Syrie a également épaulé divers journalistes français en quête d’un visa. Au sein de son conseil d’administration siège Michel Lelong, père blanc et pro-palestinien radical, témoin à décharge lors des procès du négationniste Roger Garaudy et de Maurice Papon.  Les médias grand public et l’édition ont aussi leur contingent d’agents d’influence. Profil qu’incarne à merveille Richard Labévière. A coup sûr, cet ancien de Radio France internationale s’offusquera de figurer ici en si piètre compagnie. Mais voilà: s’ils recourent à un argumentaire sophistiqué, adossé à une connaissance approfondie de la géopolitique arabe, les articles, ouvrages et rapports de l’intéressé tendent à avaliser les thèses du régime et dénotent a minima une fascination résiduelle pour la lignée des Assad. A preuve, ses écrits dans Afrique Asie, mensuel où l’on ose qualifier de « réforme majeure » le toilettage de la Constitution syrienne, plébiscité en février dernier à la faveur d’un référendum ubuesque, ou encore cet essai paru en 2011 chez Perrin intitulé Quand la Syrie s’éveillera, et préfacé par Alain Chouet, autrefois directeur de la DGSE. Moins connu, Frédéric Domont, fondateur et patron d’une société de « média, production et communication » installée à Beyrouth et baptisée Median, jouit à Damas d’une aura flatteuse. Passé lui aussi par RFI, Domont a été congédié de la « radio mondiale » en 2008 pour avoir vendu à la chaîne TV5, avant de la livrer à son employeur, une interview du raïs Assad, conduite au côté de son ami Labévière » (fin des extraits adaptés de l’investigation publiée sur lexpress.fr par Vincent Hugeux et Hala Kodmani ; ci-dessous, lien vers source).
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