mardi 15 mai 2012

Les crimes mûrement préparés du jihadiste Mohamed Merah

De ses périples à l’étranger à la planification de sa cavale, en passant par son armement et ses ressources financières, Mohamed Merah s’est minutieusement organisé et préparé pour perpétrer ses crimes. Avec peut-être-piste à explorer par les policiers – des aides extérieures.
Des voyages formateurs à l’étranger
Le parcours de Mohamed Merah change radicalement en 2010. Sorti de prison l’automne précédent, le petit voyou multirécidiviste enchaîne trois séjours au Moyen-Orient, de juillet 2010 à octobre 2011, en Syrie Turquie, Liban, Israël, Afghanistan, Pakistan. Aux policiers afghans qui le contrôlent le 22 novembre 2010 dans la région de Kandahar, il explique être là pour visiter « les statues de bouddha de Bamiyan ».
Mohamed Merah a agi en parfait jihadiste
En réalité, il est parti là-bas pour se former. « Je sais maintenant que Mohamed cherchait dans ses voyages le moyen de trouver un filon, c’est-à-dire d’avoir des contacts pour rejoindre Al-Qaïda », déclare son frère Abdelkader en garde à vue. Aux policiers qui l’assiègent, il explique que c’est en revenant du Pakistan qu’il décide de passer à l’action. Le 22 mars, jour de sa mort, un groupuscule islamiste pakistanais, Jund al-Khilafa, revendique les attentats de Merah, mentionnant un de ses pseudos non connus du public, Youssuf al-Faransi (Youssuf le Français). Même si aucune preuve n’apparaît à ce stade de l’enquête, Merah aurait pu être formé par un des leaders de ce groupe, Moez Garsallaoui. Son nom est cité par la DCRI dans le dossier, comme un formateur très actif qui « pourrait superviser les éléments opérationnels envoyés en Europe pour y commettre des attentats ».
Des armes secrètement acquises
A en croire Mohamed Merah lui-même lors de son dialogue avec le Raid, il s’est procuré de « façon éparse » des armes « d’origine locale ». En plus des deux pistolets dont il disposait dans son appartement, il avait un véritable arsenal dans ses deux voitures de location. Sans compter des centaines de cartouches et de nombreux chargeurs. Les armes, dont certaines avaient des numéros de série visibles, n’ont pas servi ailleurs que lors des tueries de Toulouse et de Montauban. Des armes « propres » qu’il n’a pas pu se procurer facilement, ce qui accréditerait l’existence d’une filière dédiée pour lui fournir l’arsenal.
Des rentrées d’argent injustifiables
Vivant officiellement des prestations sociales, notamment du Pôle emploi Midi-Pyrénées, ses comptes recèlent « des versements réguliers de sommes en espèces » écrivent les policiers. Entre le 23 décembre 2011 et le 19 mars 2012, 3700 € sont déposés en liquide et un peu plus de 1000 € en chèques. Dans le même temps, Mohamed Merah dépense d’importantes sommes pour louer des voitures, facture globale de 8000 €. Lors de son voyage au Pakistan à l’été 2011, il fait de curieux achats sur Internet depuis ce pays, pour plus de 1500 €. Les policiers ont aussi découvert une forte somme en liquide, 5000 €, dans un sac dans le coffre d’une voiture de location et près de 700 € dans son appartement.
Ce train de vie, il l’explique par son « association avec le milieu du banditisme ». La question d’une autre source de financement se pose clairement.
Les enquêteurs cherchent à savoir s’il a pu bénéficier d’un « sponsoring » d’une organisation terroriste. Dernier détail relevé par les policiers : un retrait de 1,83 € effectué sur un des comptes bancaires de Merah le 15 février 2012. Cela « porte le solde du compte à une nullité parfaite » et « semble répondre parfaitement aux prescriptions que s’imposent les individus inscrits dans une démarche de jihad », c’est-à-dire « liquider l’ensemble de ses liens terrestres, notamment financiers ».
De l’art de la discrétion
Mohamed Merah maîtrise des techniques informatiques quasi professionnelles. Son adresse mail Abuyussuf@live.fr est parfois identifiée en Argentine ou en Pologne, son autre adresse Amine-d-ziz@hotmail.fr apparaît aux Etats-Unis, en Suède, aux Pays-Bas. Cette manœuvre permet d’avoir des contacts sans être localisé. Lors de leurs auditions, les proches ou les amis disent tous que Merah n’avait pas de portable, « qu’il s’en méfiait ». En fait, le tueur au scooter multiplie les numéros, certains obtenus au nom de sa mère, d’autres en cartes prépayées.
Des tueries mises en scène
Le 16 février, il achète la caméra Go-Pro qui lui servira à filmer tous ses meurtres. Chez lui, les policiers découvriront qu’il a fait des recherches pour joindre BFMTV, i>télé, Al-Jazira, puis France 24 et revendiquer ses crimes. Quelques heures avant l’intervention du Raid, Merah poste à l’attention d’Al-Jazira une revendication agrémentée de son montage vidéo, technique qu’il maîtrise parfaitement, des images de ses assassinats. Le résultat est qualifié de « propre » par un expert de la chaîne du Qatar. Un drapeau noir et blanc utilisé généralement par les salafistes et par Al-Qaïda, sur lequel est inscrite en arabe la profession de foi des musulmans, figure au début du montage.
De nouvelles cibles
Aux policiers du Raid, Mohamed Merah dit : « J’en ai pas tué assez. » Il leur livre ensuite une liste de cibles, des policiers, un gendarme, le chef de la brigade anti criminalité de Toulouse et un militaire. Tout sauf des menaces en l’air. En expertisant les images tournées par Merah avec sa caméra, les policiers ont identifié un repérage qu’il a effectué dans une résidence toulousaine jusqu’à un appartement où vivent deux militaires. Dans son souci de la planification, le tueur au scooter gardait à sa disposition une Clio de location, garée dans un box. Il l’appelait sa voiture de « sécurité » : une arme, un kit de survie, une trousse de secours, des vêtements, une grande couverture, un oreiller gonflable, 5000 € en liquide et une canne à pêche avec tout le nécessaire pour pêcher. De quoi se mettre au vert plusieurs jours.
Source : Le Parisien, par TIMOTHÉE BOUTRY, DAMIEN DELSENY ET SEBASTIEN RAMNOUX

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