dimanche 17 février 2013

Le web très prisé pour le Djihad


A l’origine de l’attaque meurtrière du complexe gazier d’In Amenas, dans le sud-est algérien, Mokhtar Belmokhtar et ses hommes – anciens militants radicaux d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) entrés en dissidence début décembre 2012 pour se placer sous la coupe directe d’Al-Qaida – n’ont pas seulement combattu les armes à la main.

Ils ont aussi livré bataille sur le terrain des médias. Surfant sur la course au sensationnalisme, la brigade des Signataires par le sang a tenu le monde en haleine, distillant revendications et nouvelles du « front » à des journalistes soigneusement choisis. Parfait exemple d’une « mécanique de personnification, où chaque groupe entre dans une compétition pour le plus grand impact médiatique », estime Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris.


mali-technologie-lancent-djihad« Mokhtar Belmokhtar a fait un coup de com’ très efficace pour s’imposer comme djihadiste international »,commente Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes.
Sur la Toile djihadiste, l’initiative de Belmokhtar est saluée comme un coup de maître face à la « croisade » de la France au Mali.
Dans toutes les langues, sur tous les supports électroniques, l’audience est au rendez-vous. « Le Borgne », l’un des surnoms de Mokhtar Belmokhtar, s’impose comme figure de proue d’un djihad global voué à la « lutte contre les juifs et les croisés », volant ainsi la vedette aux combattants du nord du Mali, contraints à la discrétion face aux assauts des forces française et malienne.

Le « djihad médiatique » est devenu indispensable. « Quelle que soit la façon dont les choses tournent, c’est bon pour l’aura et le recrutement », estime Jean-Pierre Filiu.
CONQUÊTE DE L’OPINION PUBLIQUE
Dans la guerre pour la conquête de l'opinion publique, les combattants islamistes profitent de la situation au Mali : une vidéo de combattants djihadistes dans le nord du pays, mise en ligne le 9 janvier. Sur la Toile, la France est qualifiée de "croisée". Dans la guerre pour la conquête de l’opinion publique, les combattants islamistes profitent de la situation au Mali : une vidéo de combattants djihadistes dans le nord du pays, mise en ligne le 9 janvier. Sur la Toile, la France est qualifiée de « croisée ». | Site Monitoring Service/AFP

Depuis le lancement de l’opération « Serval », « il y a une ébullition réelle et inédite de la sphère djihadiste contre la France », note l’islamologue Mathieu Guidère. « D’une nation vue comme un soutien aux révolutions arabes et aux peuples musulmans, la France est devenue le chef des « nations croisées »",constate-t-il. Le message est clair : le président français, comparé à George W. Bush, est vilipendé pour son « arrogance » qui l’empêche de tirer les leçons des guerres en Irak et en Afghanistan.
Le choix de ne pas intervenir en Syrie met en relief une politique de « deux poids, deux mesures » et éclaire les buts réels de la France : « La guerre contre l’islam ». « Colonialisme », « guerre impérialiste pour piller les ressources des musulmans », l’histoire est invoquée pour cristalliser la haine.
Dans cette guerre désormais bien rodée pour la conquête de l’opinion publique, rien n’est laissé au hasard. Les participants s’échangent pamphlets d’idéologues, communiqués des combattants et images des souffrances du peuple malien, victime des bombardements et des exactions des « croisés ». Une communication savamment orchestrée par les sociétés de production officielles de la nébuleuse islamiste, distillant vidéos aux montages soignés, alternant images et slogans chocs, sur fond de chants martiaux. Les menaces énoncées par des groupes djihadistes du monde entier – du Maroc au Yémen, en passant par la Somalie et le Nigeria – font le tour de la Toile, appelant à viser les intérêts et les citoyens français, auxquels on promet des dizaines de Mohamed Merah. Un cyberdjihad face auquel « la France apparaît seule visée, tout comme l’étaient les Etats-Unis en 2001″, souligne Mathieu Guidère« C’est inquiétant », ajoute-t-il. Même si ses partenaires régionaux ne sont pas épargnés.
Pour les djihadistes, la guerre ne fait que commencer et la victoire est assurée. En milieu de semaine, Al-Qaida n’avait pas encore publié de communiqué. « Ils le feront une fois que la situation sera stabilisée, certainement pour dire que la guerre commence », indique Mathieu Guidère. 
Sur les forums djihadistes, on enjoint aux combattants du nord du Mali d’adopter une stratégie de dispersion pour éviter un « Tora Bora » malien (allusion au camp retranché des talibans afghans, assaillis par les forces américaines fin 2001). En attendant, prédit Mathieu Guidère, que des instances théologiques, comme la Ligue des oulémas musulmans et l’Union des oulémas musulmans (LOM et UOM), invitent les troupes à venir briguer sur le terrain le glorieux titre de moudjahid (« combattant »), lorsque le Mali aura été officiellement consacré « terre de djihad ».
Hélène Sallon

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