dimanche 28 avril 2013

Combattant d’Al Qaida et/ou déséquilibré : qui est vraiment le tueur d'Istres ?


Un homme d'une vingtaine d'années a tué trois personnes jeudi en ouvrant le feu au hasard sur des passants à Istres. Au moment de son interpellation, il a évoqué de manière très floue son appartenance à un groupe islamiste affilié à Al-Qaïda. Dès lors, la rumeur d'une nouvelle affaire Merah s'est propagée sur le web. Qu'en est-il réellement ? Quels sont les faits avérés ?

Patrice Ribeiro : Pour l'instant ce n'est vraiment pas l'hypothèse la plus plausible. Il s'agirait plus vraisemblablement de l'acte d'un déséquilibré. Il est un peu trop tôt pour l'affirmer, mais vu ses agissements, il n'est pas certain que l'équilibre mental du tueur présumé soit avéré. La rumeur est né de ses déclarations lors de son interpellation. Après avoir abattu trois personnes, en avoir blessé d'autres et jeté son arme à l'eau, il s'est fait arrêté par la police sans opposer de résistance. Il a alors déclaré spontanément faire partie Al-Qaïda, et qu'un de ses complices allait perpétrer une tuerie dans une gare parisienne. Il a donné le nom de son présumé complice qui a été interpellé par la police. Il s'est avéré que cette personne n'est en aucun cas un complice mais simplement quelqu'un avec qui il échangeait sur Internet. Cette personne n'était pas connue des services de police et était elle-même suivie par un psy.

Comment expliquer que la rumeur se soit propagée aussi rapidement ?

A travers les réseaux sociaux, les rumeurs se propagent de plus en plus vite. Les déclarations du présumé tueur ont sans doute alimenté cette rumeur. Mais il y a également la proximité temporelle des attentats de Boston, cela a aussi pu alimenter une paranoïa collective. En tout état de cause, rien ne permet aujourd'hui d'affirmer que c'est un attentat terroriste, puisque même le parquet antiterroriste a refusé de se saisir de cette affaire sur les éléments qu'il a en sa possession. C'est l'acte d'un déséquilibré plutôt que celui d'un islamiste.

Peut-on exclure que le présumé tueur se soit auto-radicalisé via internet ?

Internet est clairement un vecteur de toutes les idéologies radicales, politiques ou religieuses. Sans censure, contrôle ni barrière, les extrémistes de tout bord, y compris les extrémistes religieux sont très actifs sur les sites internet mais aussi sur les réseaux sociaux. Internet est un monde où il est très compliqué de discerner le mensonge de la vérité, la manipulation de la foi. Ce n'est pas pour rien que tous ces mouvements-là sont très présents sur la toile : certaines personnes ne vivent que sur les réseaux sociaux et par internet, et par conséquence manquent de discernement.
Nous faisons d'ailleurs régulièrement fermer certains sites : c'est aussi là que le combat contre le terrorisme doit être effectué, afin de neutraliser ceux qui prêchent des idéologies radicales, anti-républicaines ou dangereuses, notamment à caractère terroriste. Étant donné que nous ne sommes pas certains de son équilibre mental, il n'est pas exclu qu'il ait visité ce genre de site. Ces derniers ont pu agir comme vecteur d'excitation de passage à l'acte.

Comment établit-on la frontière entre un terroriste et quelqu'un de déséquilibré qui aurait surfé sur un site islamiste ?

Un terroriste croit profondément à ses idées et donc le passage à l'acte est conditionné par un chemin initiatique, qu'il fait parfois seul, contaminé par Internet : c'est le cas de l'auto-radicalisation. Ce cheminement va aboutir à un passage à l'acte et à une explosion meurtrière. 
Le profil de quelqu'un de déséquilibré, d'exalté se cherchant à posteriori des motifs d'excitation ou de passage à l'acte est totalement différent.

Cette affaire révèle également que l'on peut acheter très facilement des armes via Internet. La législation est-elle assez stricte ?

Nous avons l'une des législations les plus strictes et les plus rigoureuses d'Europe concernant la vente d'armes sur Internet.  Il y a des conditions draconiennes à remplir pour la détention d'arme à titre légal, que ce soit pour les chasseurs ou pour les tireurs sportifs, qui représentent les deux principales catégories. Il y a un fichier d'environ 10 000 personnes qui sont interdites de détention d'armes. Les préfectures établissent également les fichiers d' antécédents psychiatriques pour ne pas délivrer une arme à quelqu'un qui aurait souffert d'une maladie mentale avérée ou qui aurait été interné dans un établissement psychiatrique.
Concernant le marché noir, il y a plusieurs sources : d'une part certains passionnés qui parfois peuvent avoir accès à des armes de manière illégale, et qui peuvent en faire bénéficier d'autres gens. Mais cela reste une réalité dans des milieux marginaux et qui reste très peu répandue.
Il y a environ 20 millions d'armes en France, mais toutes ne sont pas des armes de guerre. Aujourd'hui, il y a plus de fusils de chasse que de kalachnikov dans notre pays. Mais il existe également des armes de guerre. Elles proviennent généralement de zones de conflits, notamment de Yougoslavie qui représente la filière la plus importante. Là-bas, les armes sont peu onéreuses et facilement importées en France, notamment par la filière serbe via les bus qui effectuent les trajets entre les deux pays : le niveau de contrôle par les douanes aux frontières est très faible. 
Avec les nouvelles zones de conflit de l'autre côté de la Méditerranée,  il y a désormais des filières très organisées si bien que l'on n'a jamais saisi autant d'armes à Marseille qu'actuellement.

 http://www.atlantico.fr/decryptage/combattant-al-qaida-etou-desequilibre-qui-est-vraiment-tueur-istres-patrice-ribeiro-709824.html#gS0I31cogl0d27tb.99 

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