mercredi 8 mai 2013

Elections Mali


Il y a un an, les autorités maliennes de transition étaient mises en place, à la suite du coup d’Etat de mars 2012. Aujourd’hui, ce sont ces mêmes autorités qui ont fixé la date du 7 juillet pour l’organisation de l’élection présidentielle. Mais cette échéance rapprochée nourrit de nombreuses inquiétudes, notamment dans le nord du pays. Première difficulté: le contexte sécuritaire. Si l’essentiel du territoire est libéré et contrôlé par d’importants dispositifs militaires, la menace terroriste continue de peser, comme l’ont montré les diverses attaques de djihadistes infiltrés survenues ces dernières semaines. «Tout est possible dans la ville, il n’y a pas de problème, affirme pourtant Hamma Chaban, conseiller communal à Tombouctou. Nous sommes sécurisés depuis la libération. Les militaires sont présents, et notre police ainsi que notre Garde républicaine sont en train de revenir. Je n’ai aucune crainte.»

Ce raisonnement ne tient pas dans les zones périphériques, notamment dans la région de Gao où rôdent encore des combattants islamistes. «Ça va être très difficile, juge Modibo Doumbia, conseiller de quartier à Gao. Les agents électoraux ne vont pas vouloir aller en brousse.» «Le Mali est très vaste, les bureaux de vote sont éloignés les uns des autres, s’alarme Abderamane Ben Essayouti, imam de la grande mosquée Djingareyber, à Tombouctou. Il n’y a pas la sécurité. La date du 7 juillet est peut-être trop rapprochée, on pourrait reporter ces élections d’un mois», suggère-t-il enfin, rappelant aussitôt que «la transition a beaucoup duré» et que «ces élections sont indispensables».

Elles le sont d’autant plus que la communauté internationale fait pression. Le président français, François Hollande, a déjà martelé qu’il serait «intraitable» sur le sujet, car le retour à l’ordre constitutionnel est une des raisons qui ont justifié l’intervention militaire française. D’autres pays, notamment les Etats-Unis et le Canada, conditionnent même la reprise de leur coopération bilatérale à la tenue du scrutin. «Ce sont des élections imposées par les bailleurs, regrette ainsi cet habitant de Gao, c’est leur politique. Ils ne veulent pas aider un Etat avec un régime intérimaire, mais les conditions ne sont pas réunies pour des élections!»

Sans descendre de sa moto, l’homme poursuit: «Le pays est divisé. On ne peut pas faire l’élection dans une zone, laisser une autre zone, et dire qu’on a un président pour tout le pays!» Une référence directe à la ville de Kidal, dans l’extrême nord du pays. Les armées française et tchadienne y sont présentes depuis le mois de février, mais la ville est toujours contrôlée par les indépendantistes touareg du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), et les troupes maliennes n’ont pas pu y poser un pied. «La zone de Kidal est encore sous occupation, le monde entier le sait!»

Par ailleurs, les listes et les cartes électorales sont loin d’être prêtes, de sorte que la CENI (Commission nationale électorale indépendante) a elle-même estimé que l’échéance du 7 juillet serait «difficile à tenir». A ces problèmes cruciaux s’ajoute, dans le nord, la question du retour de l’administration. «Jusqu’ici on n’a rien vu de concret, se désole Sadou Diallo, maire de Gao, une ville ou l’électricité ne vient que quelques heures chaque soir. Mais on n’attendra pas les préparatifs de l’Etat, poursuit l’élu. On a déjà commencé à réparer la mairie, on a récupéré deux machines à écrire pour remplacer les ordinateurs, et j’ai lancé un appel aux volontaires pour participer à la tenue des bureaux de vote. Nous voulons aller aux élections.»

Enfin, plus de 400000 habitants du nord du Mali ont fui les combats et l’occupation depuis un an, qui ne rentrent chez eux qu’au compte-gouttes. L’Etat étudie donc les moyens de permettre aux déplacés de voter là où ils se trouvent au Mali, et travaille avec le HCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés) pour organiser le scrutin dans les camps de réfugiés des pays voisins. L’organisation se dit prête à coopérer, mais rappelle que les Etats concernés doivent au préalable passer des accords bilatéraux. «Tout le monde ne pourra pas voter, estime Kader Touré, journaliste d’une radio communautaire de Gao. Pour les réfugiés qui sont au Burkina ou en Mauritanie, ce sera certainement impossible, mais il faut faire avec.» En effet, s’il déplore cette situation, Kader Touré reste convaincu que l’élection doit avoir lieu au mois de juillet. «Nous sommes dans une situation spéciale, donc nous allons organiser des élections spéciales. Nous avons besoin d’autorités fortes.» Comme beaucoup d’autres, sans illusion mais avec conviction, Kader Touré préfère croire qu’un président, même mal élu, sera toujours plus légitime que d’éternelles autorités de transition. A l’inverse, beaucoup craignent qu’un scrutin bâclé n’accouche d’un pouvoir faible et d’une nouvelle période d’instabilité. bamako

Le Temps

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