dimanche 27 janvier 2013

La Tunisie, réservoir du djihad en Afrique


Le 14 septembre dernier, l'ambassade américaine de Tunis avait été attaquée par des ­cohortes de salafistes qui protestaient contre la diffusion sur Internet d'un film islamophobe.
Le 14 septembre dernier, l'ambassade américaine de Tunis avait été attaquée par des ­cohortes de salafistes qui protestaient contre la diffusion sur Internet d'un film islamophobe. Crédits photo : Amine Landoulsi/ASSOCIATED PRESS
Alaya Allani, spécialiste de l'islamisme au Maghreb, est quasiment le seul à tirer la sonnette d'alarme: «Un tiers des membres du commando engagés dans l'opération d'In Amenas en Algérie sont des Tunisiens, c'est de loin le plus fort contingent, et cela nous impose d'ouvrir un débat national sur le djihadisme en Tunisie.» Mais ce professeur à l'université de La Manouba, à Tunis, prêche dans le désert. La classe politico-journalis­tique de son pays continue de disserter sur la perspective d'un remaniement ministériel, quand l'attention du «petit peuple» est, elle, accaparée par la crise sociale et la fête célébrant la naissance du prophète Mohammed.
L'Algérie a annoncé que onze membres du commando d'In Amenas étaient tunisiens, mais, selon des sources sécuritaires à Tunis, ils auraient été en fait neuf, les deux autres Tunisiens ayant été des otages. «Ces neuf Tunisiens appartenaient à Aqmi» (al-Qaida au Maghreb islamique), explique Alaya Allani. A priori donc, des vieux de la vieille du terrorisme islamique et non de nouvelles recrues issues des rangs salafistes tunisiens, divers et nombreux.
Plusieurs centaines d'islamistes, parmi lesquels des condamnés pour terrorisme, ont été libérés lors de la révolution, mais, regrette Alaya Allani, «aucun suivi sécuritaire et politique n'a été mis en œuvre». Le phénomène salafiste n'a cessé de prendre de l'ampleur. De l'aveu même du pouvoir, sans doute 10 % des mosquées sont aux mains d'imams radicaux, prêchant le djihad.
Lors d'une rencontre, en septembre dernier, l'un d'eux assurait «encourager à partir» ceux qui sont prêts à se battre en Syrie ou au Mali. «Quand on est en Tunisie, le Mali est plus proche pour gagner le paradis. Et si la France s'implique au Mali, ajoutait-il à l'époque, elle mettra en danger son peuple et ses intérêts dans la région.»

La France dénoncée et visée

Au commencement de l'intervention française au Mali, l'AFP citait un prédicateur d'une mosquée de L'Ariana, près de Tunis, fustigeant «la France qui a suivi le chemin des États-Unis pour tuer des musulmans». L'imam, qui plaidait pour ses «frères qui accomplissent le djihad au Mali», avait également dénoncé l'Algérie, qui ouvrait son espace aérien aux avions français.
Les spécialistes s'accordent à penser qu'environ 500 Tunisiens se sont engagés dans l'insurrection en Syrie. «On ne peut plus parler de cas isolés, ou de phénomène marginal», constate Alaya Allani. Selon lui, il y aurait «de 30 à 35 cellules dormantes d'Aqmi» en Tunisie. Et il estime à environ 800 les salafistes djihadistes vivant sur le sol tunisien.
Au lendemain de l'attaque de l'ambassade américaine de Tunis par des ­cohortes de salafistes, le 14 septembre dernier, le gouvernement des «islamistes modérés» d'Ennahda a, pour la première fois, réagi. Mais la plupart des quelque 200 salafistes alors appréhendés ont depuis été libérés. Le ministère de l'Intérieur a annoncé, à la mi-janvier, l'arrestation d'un groupe de «terroristes» et la saisie d'un important stock d'armes à Medenine. Un mois plus tôt, seize personnes présentées comme membres d'Aqmi avaient été interpellées près de la frontière algérienne.
Ces faits, ajoutés au drame d'In Amenas, devraient sortir la Tunisie de sa somnolence. Certes, comme l'assurent toujours ses chefs de file du salafisme radical, «la Tunisie n'est pas une terre de djihad». Elle est un pratique réservoir et corridor pour des actions dans les pays voisins. Pour l'instant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire