dimanche 6 janvier 2013

Les Malouines ne sont pas l’Alsace-Lorraine


Ce 3 janvier, Cristina Fernández de Kirchner, Présidente de la nation Argentine, s’est offert une page dans le Guardian afin de publier une lettre destinée à David Cameron. 212 mots avec une copie à Ban Ki Moon, pour dénoncer les 180 ans de « pouvoir colonial » britannique sur l’archipel des Malouines, portant atteinte à l’intégrité nationale argentine, et rappelant au Premier ministre britannique que, en 1965, l’Assemblée générale de l’ONU a voté à l’unanimité une résolution invitant les deux pays à une négociation en vue de résoudre ce « cas colonial ».
En réaction, le Sun a publié une lettre, dans un quotidien Argentin, demandant à la présidente de « laisser tomber » (hands off) avec ce territoire britannique. Pour le 10 Downing Street, c’est à la population de décider et un référendum est prévu pour mars prochain. L’archipel n’est plus à proprement parler une colonie, ni un territoire d’outre-mer. Depuis 2009, elle a son Parlement souverain et une Constitution propre reconnaissant la reine comme chef d’État. La bête hideuse du « cas colonial » est dépassée puisque l’île est un territoire aujourd’hui autonome. Pour pousser la logique jusqu’au bout, la présidente aurait dû adresser sa lettre au Gouverneur des Falkland.
L’argumentaire tiers-mondiste de Kirchner ne tient pas la route. On pourrait aussi avancer que l’Argentine n’est pas en position de donner des leçons en matière de colonialisme quand on sait comment elle a — violemment et au détriment des populations indiennes ¬— conquis le sud de son territoire à la fin du XIXe siècle. Faudrait-il négocier avec le successeur d’Antoine de Tournens pour rendre son indépendance au royaume de Patagonie et de l’Araucanie ? Les Malouines ne sont pas l’Alsace-Lorraine.
En fait, l’Argentine est le mauvais élève d’une Amérique du Sud en plein boom économique. On parle de statistiques faussées pour l’inflation : officiellement de 8 % elle avoisinerait en fait 25 %. Idem pour le taux de pauvreté, officiellement de 20 %, mais qui serait en réalité de 30 %. En décembre, des dizaines de milliers de personnes descendaient dans la rue pour critiquer la politique sociale de Kirchner, aux cris de « Non à l’impôt sur le travail, Oui aux allocations familiales pour tous ! » Le même mois, l’État faisait appel de la condamnation à payer 1,3 milliard de dollars à des fonds spéculatifs après le défaut de paiement de la dette durant la crise de 2001. La popularité de la présidente est en chute libre. On parle de plus en plus de l’Argentine comme de la « Grèce d’Amérique latine ».
L’obsession des Malvinas est une échappatoire. En revanche, c’est une bénédiction pour Cameron qui peut ainsi se poser en défenseur de l’honneur britannique. Plus largement, le cas des Falkland doit nous éclairer sur la vraie nature des revendications tiers-mondistes et anticoloniales, en général. Ces demandes de repentances ou de réparations, ostentatoires et vindicatives, ne sont-elles pas en réalité mises en avant pour masquer un échec politique concret ?

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