dimanche 6 janvier 2013

Petit manuel à l’usage des censeurs


« Calomniez ? Calomniez, il en restera toujours quelque chose » disait Goebbels dont le savoir-faire est aujourd’hui encore universellement reconnu. Le trait calomnieux assassin, séquelle de l’esprit courtisan, a parfaitement survécu dans les analyses des gendarmes des autoroutes de la bien-pensance parisienne. Mettons ici à disposition de futurs censeurs quelques éléments de méthodes et de sémantique d’usage fréquent.
D’abord, attaquer l’interlocuteur avant d’examiner ses idées, vieille méthode aristotélicienne de mise en cause qui détourne le regard. Le mal-pensant doit être labellisé selon des catégories convenues : s’il est de gauche, il est qualifié de « stal » ou de « ancien trotskyste »par la droite, de « social-démocrate » ou de« vendu à la finance internationale » par l’extrême gauche ; s’il est de droite, il n’a droit qu’à « nouveau facho » « vieux (jamais jeune)réac »« défenseur des multinationales » ou, plus nouveau, « ultralibéraliste ». S’il se penche sur les questions internationales, il peut être un « antiaméricaniste primaire » comme on était dans le temps un anticommuniste primaire (bien qu’on n’ait jamais su ce qu’était un anticommuniste secondaire). Ou alors il peut être « vendu » à l’ennemi iranien, chinois ou à la Bélarus (plus rare !). S’il s’étonne de la campagne d’indignation qui cible l’Ukraine qui vient de condamner un ancien Premier ministre connue pour ses appétits« corruptifs », venant d’un pays qui a mis 18 ans à juger un ancien président de la République ou 16 ans pour un ancien maire de Paris convaincu de fraude électorale dans le Ve arrondissement, il a une attitude« irresponsable » ou « inqualifiable ». S’il s’oppose à l’Hubris guerrière qui s’est emparée des pays occidentaux depuis le 11 septembre, il est un« pacifiste bêlant » ou plus grave un « Munichois », synonyme historique de lâcheté. Attention toutefois à ne pas employer d’invectives qui n’ont plus cours comme « capitaliste assoiffé de gains » ou « collectiviste ». S’il prétend toucher aux questions religieuses, il s’expose à être labellisé« laïquard simpliste ou primaire » (même remarque que ci-dessus), ou alors « islamophobe ». s’il s’étonne des dérives extrémistes ou, beaucoup plus grave, s’il ose critiquer Israël ou les intégristes juifs, il s’expose à l’injure suprême d’« antisémite » et ainsi de porter une responsabilité directe dans la Shoah. L’accusé est toujours soupçonné de vouloir « faire des amalgames », prémices de toute démarche raciste.
Internet garantit un anonymat aussi solide qu’une grille de confessionnal pour protéger l’auteur de la calomnie. La rumeur (les Hoax en langage d’informaticiens) est un art majeur : lancer une fausse nouvelle, lui donner de la crédibilité en prétextant un nombre de consultations significatives sur un site donné, pour ensuite attendre la reprise en boucle sur d’autres sites, est un savoir-faire expert, qui rend impossible l’identification de l’origine de la calomnie.
Une calomnie bien choisie offre un double avantage : d’abord, elle renverse la charge de la preuve. C’est à l’accusé de prouver qu’il n’est pas Facho ou antisémite comme il incombait aux victimes des procès de Moscou de prouver qu’ils n’étaient pas des traîtres. Il permet également de justifier qu’une interview ou un échange direct avec l’accusé, porteur d’idées si néfastes, serait dégradante et donc intellectuellement impossible. Et surtout, surtout, ne jamais oublier l’un des préceptes du grand maitre nazi : « Plus le mensonge est gros, mieux il passe !»
Pierre
Conesa
Essayiste.
Ancien haut fonctionnaire du ministère de la Défense.

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