lundi 23 septembre 2013

Kenya : ce que cache le massacre de Nairobi

Nicolas
Gauthier
Journaliste, écrivain.
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com
 
Accélération du conflit de moins en moins larvé qui oppose Kenya et Somalie depuis 1991 ? C’est à craindre, avec cette nouvelle tragédie, survenue ce samedi 21 septembre. Ainsi, une quinzaine de djihadistes somaliens du mouvement Shabaab ont-ils investi un centre commercial de Nairobi, capitale du Kenya. À l’heure où ces lignes sont écrites, ils n’ont toujours pas été délogés par les forces de l’ordre (appuyées par des commandos israéliens) et détiendraient de nombreux clients et membres du personnel en otage. On dénombre à cette heure 59 morts et 200 blessés ; des étrangers pour la plupart. Le tourisme représentant la deuxième industrie du pays, le choix de cet objetif ne doit donc rien au hasard.
Contrairement à ce que prétendent certains médias, cet épisode sanglant n’est pas le dernier en date d’une guerre frontale que mèneraient des islamistes furieux contre l’Occident. Ce que Bernard Lugan rappelle justement, dans un communiqué publié ce dimanche 22 septembre : « Même si les réseaux djihadistes sont les responsables, il [cet attentat NDLR] cache le jeu complexe qui se joue actuellement dans cette partie de l’Afrique et qui dépasse l’habituelle dénonciation de “l’ennemi de confort” islamiste. »
À l’origine, le renversement, en 1991, du général Syad Barré, cet autocrate somalien, qui parvenait à maintenir un semblant d’unité dans le puzzle ethnique local. Depuis, malgré ou à cause des interventions militaires américaines et des États africains (Éthiopie et Kenya en tête), la Somalie n’aura connu que le chaos. Piraterie maritime, trafics en tous genres, guerres tribales et naissance du mouvement islamiste des Shabaab, en partie financé par des monarchies pétrolières avoisinantes espérant de la sorte acheter leur tranquillité.
Pour tout arranger, note Bernard Lugan, il y a deux ans que Nairobi est en guerre avec ce qui reste de la Somalie, espérant ainsi protéger ses frontières du nord contre les attaques de ces Shabaab qui se sont faits une spécialité de l’enlèvement des touristes. Là, on paye legs des frontières héritées de la colonisation au prix fort, le nord du Kenya étant peuplé de tribus naguère somaliennes. Dernier détail d’importance : un prochain oléoduc permettant au Sud-Soudan d’exporter son pétrole devrait aboutir dans ce même nord du Kenya, à Lamu. De quoi exercer encore toutes les convoitises…
Et Bernard Lugan de conclure : « Derrière la lutte contre le terrorisme islamiste, l’intervention militaire du Kenya en Somalie cache une tentative de faire du Jubaland une zone tampon, un quasi-“protectorat”. Ce territoire, que Londres retira au Kenya en 1925 pour le rattacher à la Somalie italienne en compensation de l’entrée en guerre de Rome aux côtés des Alliés durant la Première Guerre mondiale, a toujours été considéré par Nairobi comme une partie du Kenya. D’autant plus que la région contient d’importantes réserves de pétrole off shore. »
Ce massacre de Nairobi n’est pas le premier ; il risque donc bien, malheureusement, de ne pas être le dernier…

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