mercredi 22 août 2012

Attendre la fin de la guerre en Syrie

par Daniel Pipes
The Washington Times
21 août 2012
http://fr.danielpipes.org/11845/guerre-syrie
Version originale anglaise: Wait Out the War in Syria
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert

La présence misérable de Bachar al-Assad dans le palais présidentiel de Damas peut, contrairement aux hypothèses de l'Occident, faire plus de bien que de mal. Son régime meurtrier, terroriste, et pro Téhéran est également non idéologique et relativement laïque ; il évite l'anarchie , le gouvernement islamiste, le génocide et le contrôle voyou des armes chimiques de la Syrie.

Alors que la guerre civile en Syrie s'intensifie, les pays occidentaux aident de plus en plus les rebelles à renverser Assad et ses sbires. Ce faisant, l'Occident espère sauver des vies et faciliter une transition démocratique. De nombreuses voix occidentales réclament plus que l'aide humanitaire qu'on leur offre actuellement, voulant armer les rebelles, mettre en place des zones de sécurité et même se joindre à leur guerre contre le gouvernement.

Cependant aider les rebelles omet une question fondamentale: est-ce qu'une intervention en Syrie contre Assad sert nos propres intérêts? Cette question évidente est négligée parce que beaucoup d'Occidentaux se sentent tellement sûrs de leur propre bien-être qu'ils en oublient leur sécurité et se concentrent plutôt sur les préoccupations de ceux qu'ils perçoivent comme faibles et exploités, que ce soit les humains (par exemple, les peuples autochtones ou les pauvres) ou les animaux (baleines et percina Tanasi («snail darters» [poissons considérés comme espèce en voie de disparition (NDLT)]).

Les Occidentaux ont développé des mécanismes sophistiqués pour agir sur ces problèmes (par exemple, la responsabilité de protéger, l'activisme du droit de l'animal).
Cependant, pour ceux d'entre nous qui ne sont pas si confiants, repousser les menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre civilisation reste une priorité absolue. Dans cette optique, aider les rebelles entraîne des inconvénients multiples pour l'Occident.

Tout d'abord, les rebelles sont des islamistes et ils ont l'intention d'établir un gouvernement idéologique encore plus hostile à l'Occident que ne l'est celui d'Assad. La rupture de leurs relations avec Téhéran sera compensée par leur aide à faire passer la force barbare des forces sunnites de l'islamisme.

Deuxièmement, l'argument selon lequel l'intervention occidentale permettrait de réduire la poussée islamiste de la rébellion par le remplacement du matériel arrivant en masse en provenance des pays sunnites est risible. Les rebelles de Syrie n'ont pas besoin de l'aide occidentale pour renverser le régime (et ils ne seraient pas reconnaissants s'ils la recevaient, si l'Irak est un guide). Le conflit syrien oppose à la base une majorité de 70% d'Arabes sunnites privés de leurs droits contre la minorité alaouite privilégiée d'Assad de 12 pour cent. Ajoutez le concours de volontaires étrangers islamistes ainsi que celui de plusieurs Etats sunnites (Turquie, Arabie Saoudite, Qatar) et le régime d'Assad est condamné. Assad ne peut pas mater la rébellion toujours plus forte contre son régime ; en effet, plus ses troupes massacrent et mutilent, plus les défections se produisent et plus son soutien se réduit à son noyau alaouite.

Troisièmement, hâter l'effondrement du régime Assad ne sauvera pas des vies. Cela ne marquera pas la fin du conflit, mais seulement la fin du premier chapitre avec une violence pire encore susceptible de suivre. Comme les sunnites pourront enfin se venger de près de cinquante ans de domination par les Alaouites, une victoire par les rebelles présage un génocide potentiel. Le conflit syrien deviendra probablement si extrême et violent que les Occidentaux se réjouiront d'avoir gardé leurs distances vis-à-vis des deux côtés.

En quatrième lieu, la poursuite du conflit syrien offre des avantages pour l'Occident. Plusieurs gouvernements sunnites ont noté la réticence du gouvernement Obama à agir et ont assumé la responsabilité d'arracher la Syrie de l'orbite iranienne ; cela se présente comme une évolution positive après des décennies d'attitude conciliante envers la République islamique chiite. En outre, comme les islamistes sunnites combattent les islamistes chiites, les deux parties sont affaiblies et leur rivalité mortelle diminue leurs capacités de troubler le monde extérieur. En donnant des idées aux minorités rétives (Sunnites en Iran, Kurdes et Chiites en Turquie), la poursuite des combats en Syrie pourrait également affaiblir les gouvernements islamistes.

Lorsque le régime tombera, les dirigeants alaouites, avec ou sans Assad, pourraient bien se replier sur les redoutes [forts ou systèmes de fortifications (NDLT)] ancestrales dans la province du nord-ouest de Lattaquié en Syrie ; les Iraniens pourraient les approvisionner par la mer avec de l'argent et des armes, leur permettant de résister pendant des années, aggravant la confrontation entre islamistes sunnites et chiites, en plus de les empêcher de penser à d'autres agressions.

La seule exception à la politique de non-intervention serait de sécuriser le vaste arsenal d'armes chimiques de la Syrie, à la fois pour empêcher les groupes terroristes de s'en emparer et Assad de le déployer dans un scénario de Götterdämmerung [allusion au « Crépuscule des dieux de Richard Wagner (NDLT)]comme il se sent couler, même si cette mission difficile pourrait exiger pas moins de 60.000 hommes des armées de terre étrangères déployées en Syrie.
Rien dans la constitution des États occidentaux n'oblige à s'impliquer dans tous les conflits étrangers ; se mettre en dehors va se révéler être une bonne stratégie. En plus de l'avantage moral de ne pas être responsable des horreurs à venir, rester loin permet finalement à l'Occident d'aider ses seuls vrais amis en Syrie, les libéraux du pays.

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