mercredi 29 août 2012

François Hollande veut intervenir en Syrie. Avec quoi, des Lego ?

Devant les ambassadeurs français réunis à l’Elysée, le président Hollande a déclaré que l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien serait « une cause légitime d’intervention directe » de la communauté internationale (1)
Il a ajouté :
Je sais la difficulté de la tâche, je mesure les risques
A en croire les spécialistes, rien n’est pourtant moins sûr…
Le général Jean Fleury, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française a expliqué, dans le Monde du 23 août (2), que « pour que l’aviation puisse détruire les chars ou les pièces d’artillerie menaçant les civils, il faut qu’elle ait au préalable la maîtrise du ciel, c’est-à-dire mis hors de combat batteries sol-air et chasseurs ennemis. »

Général Jean Fleury : « Pour la Syrie, la chanson n’est pas la même. Son armée de l’air totalise environ 500 avions de combat, soit deux fois plus que la nôtre ; bien qu’une partie d’entre eux seulement soit moderne, leur nombre et la qualité d’un entraînement conduit en vue d’une guerre éventuelle avec Israël en font un adversaire sérieux. Nous ne sommes pas de taille à l’affronter. »
Il a également rappelé, et nous l’avions publié, qu’en juin, « quand les Turcs ont voulu tester la défense aérienne syrienne, la réaction ne s’est pas fait attendre et l’appareil a été abattu. »
Autrement dit, « Pour venir à bout aujourd’hui de l’aviation de Bachar Al-Assad, il faudrait employer toute la machine de guerre américaine et utiliser les aéroports de Grèce et de Chypre, voire du Moyen-Orient », explique le général.

Général Jean Fleury :
Face à la Syrie, nous ne serions qu’une petite force d’appoint placée sous les ordres de Washington ; ce ne serait pas très glorieux.
Et le général ajoute, mi amer mi ironique : « Il m’a paru étonnant que ce point de vue n’ait pas été davantage émis. Mais il y a à cela une bonne raison : ce serait reconnaître la faiblesse de notre aviation militaire. »

Pour conclure qu’ « il est impossible aujourd’hui aux pouvoirs publics de proclamer cette faiblesse : la conclusion serait immédiate, le budget de la défense deviendrait prioritaire ce qui serait contradictoire avec les engagements du président de la République. »

Même conclusion de l’amiral Edouard Guillaud, chef d’état-major des armées, dans Jeune Afrique le 10 août (3) : « Coupes budgétaires, réduction des effectifs, pénurie de matériel, l’armée française n’aura bientôt plus les moyens de mener à bien les missions qui lui sont confiées. Tandis que la course aux armements fait rage en Asie et ailleurs. »

De plus, explique l’amiral Guillaud, l’armée est malade. Son bilan est flatteur, trop peut-être, estime un rapport parlementaire publié en juillet, mais elle donne « une impression de désorganisation généralisée ». Elle souffrirait du « syndrome du paraître », sorte « d’effet Potemkine » masquant le fait que « [son] dispositif est au bord de la rupture ».
 » Depuis que son budget a été réduit, ajoute Remi Carayol dans Jeune Afrique, l’armée a perdu du poids, beaucoup de poids, vit de bric et de broc, peine à changer sa garde-robe, se voit contrainte d’abandonner des résidences secondaires à l’étranger et de vendre (parfois de brader) quelques murs ici ou là. « 

Le 11 juillet, le général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, confiait à des journalistes : « Nous agissons sous contrainte budgétaire depuis des années, mais là nous arrivons à un plancher. »
Le même jour, devant les députés, l’amiral Guillaud disait à peu près la même chose :
« La France dispose d’une belle armée. Mais cet outil présente des fragilités qui, dans le contexte économique et financier que nous connaissons, pourraient sous peu affecter sa cohérence. »
L’armée de terre dispose aujourd’hui de 7 000 poids lourds, contre 11 000 il y a dix ans, de 254 chars (contre 400), de 135 canons (contre 250) et de 330 hélicoptères (contre 600).
Dans la marine, 19 bâtiments ont été retirés du service actif au cours des trois dernières années, et seuls 4 ont été remplacés.
« La disponibilité du matériel est insuffisante », affirme la Cour des comptes dans un rapport publié en juillet. La France ne dispose en outre que d’un seul porte-avions, le Charles-de-Gaulle, qui a été surutilisé ces deux dernières années sur les fronts afghan et libyen, pendant que la Chine et l’Inde s’arment sans compter.

Par ailleurs, les effectifs fondent à vue d’oeil. En 2015, au terme de la réduction en cours, l’armée ne comptera plus que 225 000 hommes, dont 100 000 pour l’armée de terre. Soit l’équivalent des personnels réunis de la mairie de Paris et de la RATP. Ou des troupes de Louis XIV, au XVIIe siècle…

Le président de la République, mais qui le lui reprocherait puisqu’il n’a pas plus d’expérience et de compétence du gouvernement que vous et moi, passe pour un rigolo, avec ses « je mesure les risques » d’opérette.

© Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info

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