jeudi 9 août 2012

Le Sinaï bouscule le Proche-Orient par Charles Carrasco

La région du Sinaï peut-elle faire basculer les relations entre les grands acteurs régionaux ? Rien n'est moins sûr. Mais l'attaque attribuée à des activistes islamistes, qui ont tué dimanche 16 gardes-frontière égyptiens, met la pression sur l'Egypte pour qu'elle reprenne le contrôle de la région et bouleverse les relations avec ses partenaires.
L'Egypte, qui avait promis de venger Israël, a lancé mercredi la plus importante opération militaire dans la région à la recherche des responsables de cette attaque qui ont depuis été neutralisés. Les forces égyptiennes ont annoncé avoir tué 20 "terroristes" lors de raids aériens dans cette région. Une offensive saluée par Israël.

Cette péninsule égyptienne longe le canal de Suez à l'ouest et la frontière israélo-égyptienne au nord-est. C'est la première fois, depuis des décennies, que des frappes aériennes de l'armée sont rapportées dans le Sinaï, où sa présence est restreinte par le traité de paix signé en 1979 avec Israël qui prévoit une démilitarisation de la zone.
Cette région est relativement calme mais l'insécurité a fortement progressé depuis la chute du président Hosni Moubarak en février 2011. L'armée avait lancé il y a un an une vaste offensive contre des groupes radicaux installés dans cette région désertique et accidentée, propice aux activités clandestines. Les Bédouins, qui constituent la majorité de la population, entretiennent de longue date des relations difficiles avec le pouvoir central à qui ils reprochent de les délaisser et de n'accorder d'attention qu'aux lucratives stations touristiques de la côte ainsi qu'au pompage de gaz vendu à Israël.
Récemment, plusieurs roquettes avaient été tirées depuis le Sinaï vers Israël, notamment pendant l'élection présidentielle en Egypte qui a porté Mohamed Morsi, le candidat des Frères islamistes au pouvoir.


Le gouvernement fait face à sa première crise de souveraineté, comme l'explique le correspondant du Figaro en Egypte. Cette attaque a fait monter la pression sur le régime pour rétablir la sécurité dans le Sinaï, mais elle pourrait aussi amener Le Caire à réclamer avec davantage d'insistance une révision partielle du traité de paix avec Israël, qui limite sa présence militaire dans la péninsule.
Certains en Egypte redoutent par ailleurs que cette affaire n'aggrave les tensions entre le camp islamiste, dont est issu le nouveau président Mohamed Morsi et l'armée. Des divergences sont en effet apparues sur l'attitude à adopter vis-à-vis des Palestiniens de Gaza et du mouvement islamiste Hamas qui contrôle l'enclave, proche idéologiquement des Frères musulmans égyptiens.
Alors que du temps du président Hosni Moubarak, Israël pouvait compter sur l'hostilité viscérale du pouvoir égyptien envers les islamistes palestiniens, la nouvelle donne politique au Caire rend la situation plus compliquée. "Ce crime va renforcer les institutions sécuritaires face à Morsi, et notamment leur donner des arguments pour contrer sa volonté d'alléger les restrictions sur les sorties des Palestiniens de Gaza", estime Emad Gad, du Centre Al-Ahram d'études politiques et stratégiques du Caire.

Pour Israël, la multiplication ces derniers mois des attaques menées à partir du Sinaï, nécessite une réponse vigoureuse. Les responsables israéliens affirment que la coordination sécuritaire fonctionne avec Le Caire, tout en estimant que les Egyptiens n'ont pas assez pris la mesure du danger. "L'an dernier, Israël a autorisé sept bataillons égyptiens à entrer dans le Sinaï mais les autorités égyptiennes n'ont pas saisi l'occasion pour agir", affirme le général de réserve Dan Harel, ancien commandant de la région militaire sud.
La menace de voir le Sinaï devenir une terre pour les djihadistes est prise très au sérieux par le pouvoir israélien. Comme le souligne le Figaro, la présence d'islamistes dans les immensités du Sinaï reste une équation difficile à résoudre. Dans les prochaines semaines, une clôture électrifiée le long de la frontière avec l'Egypte devrait être achevée.

Selon le commentateur du quotidien israélien Yédiot Aharonot, Alex Fishman, le Hamas est "totalement paniqué" après cette attaque. Il relève notamment la rapidité avec laquelle le mouvement islamiste a fermé les tunnels reliant la bande de Gaza à l'Egypte.
De son côté, le Hamas, qui a démenti que les auteurs de l'attaque soient des Palestiniens, a été sérieusement ébranlé. Il doit désormais faire face à des mouvements radicaux dans le Sinaï. qui mettent à mal ses relations déjà très difficiles avec Israël mais également ses liens "amicaux" avec le nouveau pouvoir en Egypte.

L'expert pour les affaires arabes, Guy Bechor estime que la menace provenant du Sinaï devrait forcer Israël, l'Egypte et le Hamas à coopérer. "Ces trois parties sont toutes menacées par le terrorisme islamique international, et maintenant elles sont obligées de coopérer", écrit-il sur son blog.
"Israël commence à avoir de bons renseignements dans le Sinaï mais il ne peut agir sur le sol égyptien. L'Egypte peut atteindre les centres terroristes et les éliminer, mais n'a pas les renseignements. Et le Hamas peut arrêter des haut membres de ces organisations alors qu'ils sont encore à Gaza si l'Egypte fait pression sur lui", conclut ce spécialiste.

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