mardi 7 août 2012

RD Congo un pays trop grand?

Le Congo serait-il un pays trop grand ? C’est la question qui circule dans les milieux intéressés par l’actualité africaine. Il s’agit malheureusement d’une mauvaise question qui ne mérite pas de réponse positive. Ce serait le déclenchement d’une nouvelle catastrophe. Sur place, les Congolais manifestent et rappellent qu’ils tiennent fermement à la préservation de leur nation, diverse, mais unie, qu’ils ont tissée et consolidée depuis plus d’un siècle. Les frontières de la RDC datent, en effet, de la conférence de Berlin de 1884-85. Depuis, le pays a traversé énormément d’épreuves, mais son peuple a toujours rappelé qu’il tient à rester « uni »
Malheureusement, la pression n’a jamais cessé, et les Congolais se retrouvent à nouveau face à la question récurrente de la taille de leur pays. On parle de « balkaniser » le Congo, terme inapproprié, puisqu’il s’agit, en réalité, de « démembrer » le Pays de Lumumba, pour concéder une partie de son territoire au Rwanda de Paul Kagamé. Une folie.
Le 2 août dernier, les chrétiens, à l’appel des évêques, ont manifesté[1] pour rappeler qu’ils tiennent fermement à l’unité du pays et qu’ils ne concèderont jamais à l’idée d’une perte de territoire au profit de qui que ce soit.
La difficulté du peuple congolais est qu’il se retrouve dans un moment historique extrêmement délicat par rapport à la capacité de ses dirigeants. Selon le Professeur Jef Maton de l’Université de Gand[2], le Département d’Etat a déjà presque tourné la page. Les Américains (ils se trompent) ne voient aucun leader congolais capable de garantir la viabilité du pays. Même Barack Obama, qui avait beaucoup milité pour la préservation de ses frontières avant son entrée à la Maison Blanche, ne parle plus du Congo.
Sur le front militaire, on assiste à des scènes absolument ahurissantes. Des unités entières, pourtant appuyées par les casques bleus, désertent tout bonnement le front au premier coup de feu ennemi. Dans leur fuite, les soldats s’introduisent dans les habitations de leurs propres compatriotes et pillent de pauvres gens qu’ils sont censés protéger. Le pays n’a pas de culture militaire. Malgré d’immenses sommes englouties chaque année, il n’a jamais eu de véritable armée. Même le Maréchal Mobutu, à l’époque, au sommet de sa splendeur, devait faire appel à l’armée royale marocaine et aux commandos français pour venir à bout des insurrections dans la province stratégique du Katanga. Lorsque tout ceci sera fini, les Congolais devront, peut-être, se rendre à l’évidence et faire comme le Costa Rica[3]. Mais il s’agit là d’un autre débat.
Le pays a toutefois un peuple et tient à le rappeler.
Plusieurs maquis dans le Kivu tentent de contenir les agressions extérieures, et l’Eglise catholique, le plus grand culte du pays, se mobilise. Autour des régions de Goma et Bukavu, les Congolais s’organisent en mouvements de résistance structurés autour des groupes ethniques. Ils sont persuadés que l’arrivée de l’armée tutsie rwandaise serait l’occasion de nouveaux carnages. Les aventures militaires du Rwanda ont déjà coûté la vie à six millions de Congolais et une nouvelle incursion, quelle qu’en soit la motivation, ne serait que la répétition des tragédies d’un passé encore frais dans la mémoire.
La marche des chrétiens organisée à l’appel des évêques a ainsi drainé des milliers de Congolais dans les rues pour dire « non à la tentative de balkanisation » du pays. C’est sûrement le dernier acte avant le désastre.
Mais pourquoi essayer de démembrer le Congo ?
Les partisans du démembrement avancent l’argument selon lequel le Congo serait trop grand pour être gouvernable. Pourtant il y a au monde des pays plus grands et plus petits. Le Congo figure à la 11ème place pour sa taille et à la 19ème place pour sa démographie. Plusieurs pays, plus grands que le Congo, sont bien gouvernés malgré leur taille (Russie, Canada, Inde, Chine, Brésil,…) alors que de nombreux pays plus petits que le Congo (Somalie, Irak, Afghanistan…) sont dans un état de gouvernance beaucoup plus désastreux que celui du Congo.
Par ailleurs, à l’intention des apprentis sorciers qui jouent avec le feu, essayer de briser les frontières du Congo remettrait en cause l’ensemble des frontières du Continent noir, en commençant par les neufs pays frontaliers. Il va y avoir d’interminables guerres puisqu’on n’arrivera jamais à situer le tracé des « nouvelles entités ». Les Congolais se marient et se mélangent depuis des siècles. Aucune tribu n’a jamais essayé de se « préserver ». Il n’y a donc jamais eu de « nation » à l’intérieur du pays, sur l’exemple des nations du Balkan ayant préexisté au démembrement de l’ancienne Yougoslavie. Essayer de bricoler des nations artificielles plongerait la région dans un cycle de violences et de guerres tribales remontant, pour certaines, à l’époque de la Traite négrière.
Par ailleurs, en dehors du Congo, les Congolais ne se voient pas prospérer dans un autre espace national. S’ils sont absorbés par le Rwanda ou l’Angola, ils deviendraient des sous-citoyens alors qu’ils ont aujourd’hui leur pays. Ils deviendraient une sorte d’Indiens pour le Rwanda qui aurait conquis un « Lebensraum » (espace vital)[4] ou de malheureux Aborigènes pour l’Angola qui, avec l’affaire des incursions répétés[5] et du pétrole[6] illégalement exploité, tient les Congolais en piètre estime. Le grignotage du pays a déjà commencé, mais le tracé frontalier est toujours garanti par le droit international et les archives des anciennes puissances coloniales (Belgique, Portugal, France). Mais surtout par une lame de fond patriotique qui traverse le pays d’un bout à l’autre.
Le projet de balkanisation du Congo risque donc de se heurter à une réalité toute bête : la « conscience nationale ». Les Congolais sont convaincus que s’ils cèdent un centimètre de leur territoire, le nouvel Etat qui serait créé ne serait intéressé que par le sous-sol et sacrifierait les populations. La peur de se faire « bouffer ».
Enfin, et c’est ce qu’il y a de plus banal, le Congo, objet de tant de convoitises, est avant tout l’« habitat » de son peuple.
Boniface MUSAVULI

[3] Le Costa Rica est un pays neutre, le premier pays à avoir constitutionnellement supprimé son armée. Le Congo, qui n’a pas de culture militaire, pourrait peut-être négocier des traités de paix avec ses neuf pays limitrophes sous l’égide de l’ONU et confier la défense du territoire à une grande puissance comme la France qui protège militairement ses anciennes colonies d’Afrique ou l’Arabie saoudite protégée par les Etats-Unis aux termes de l’accord du Quincy.
 

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