jeudi 16 août 2012

L’affaire Pussy Riot : beaucoup de bruit pour rien !

Ce qui n’était au départ qu’un épisode de mauvais goût a pris des proportions inouïes. L’ensemble du monde occidental se mêle désormais de cette histoire et en profite pour se livrer à son activité favorite, dénoncer l’obscurantisme des Russes et de l’Eglise orthodoxe.

Cela ne date pas d’hier. Avant même le schisme entre les églises d’Orient et d’Occident [en 1054], Rome affichait déjà la même attitude. Les nouveaux rois barbares et la population en déclin de l’Empire romain d’Occident avaient pris en haine une Constantinople prospère, dont la chute [1453] n’a pas mis un terme à cette hostilité. La pauvre Byzance a suscité le rejet des catholiques et des protestants, des jésuites et des humanistes, des rois et des révolutionnaires, qui ont logiquement reporté ce sentiment sur la Moscovie (ce qui crédibilise d’ailleurs nos prétentions à prendre la suite de Byzance et à incarner la troisième Rome). Ainsi, les Etats changent, mais l’aversion de l’orthodoxie demeure.

A présent que le patriarcat de Moscou tente de restaurer, du moins en partie, son influence, de faire renaître la tradition spirituelle de l’Empire d’Orient, comment s’étonner que la haine à son égard revienne elle aussi en force ?

Ce n’est pas un hasard si les stars siliconées de la pop s’engagent dans la campagne de soutien aux “filles des Pussy Riot”. Madonna, par exemple, n’est rien d’autre qu’une entreprise commerciale bien rodée, et son soutien, comme toutes ses prises de position, fait partie d’une stratégie marketing. De même pour les autres personnalités du showbiz qui se sont emparées du sujet en soulignant leur attachement à la liberté d’expression. Madonna et Voltaire même combat, ça a de l’allure.

Les techniques de communication actuelles visant non pas à convaincre vos adversaires mais à rassembler les gens qui pensent comme vous, Madonna pourrait parfaitement servir à souder les orthodoxes et à prouver que l’Eglise orthodoxe russe est bel et bien toujours porteuse des valeurs et codes culturels qui sont les siens depuis ses débuts.

Quant aux Pussy Riot, elles se sont certainement fait une place dans l’histoire, et pas uniquement celle de la liberté de pensée, mais aussi celle du rock occidental, ce qui n’avait encore jamais été donné à aucun des grands représentants du rock russe, avec leur exaspérant pseudo-intellectualisme. Les tee-shirts Pussy Riot sont en passe de détrôner ceux du camarade Che Guevara. Le jour où elles sortiront de détention, un bon producteur sera là, qui les aidera à composer des morceaux plus ou moins dans le ton de l’underground occidental et les propulsera sur scène. Leurs partisans devraient donc les envier au lieu de les plaindre. Elles auront droit aux soirées people et aux interviews en prime time sur les chaînes américaines, car la scène rock occidentale est depuis longtemps en manque de héros. Elles au moins auront fait de la prison et pourront parler des horreurs des geôles russes et de leur courage indomptable jusqu’à la fin de leurs jours.

Mais le plus révulsant dans cette histoire, ce sont nos libéraux, comme toujours. Une fois de plus, ils savourent leur triomphe. Ils ont encore rendu service à l’Occident dans sa croisade contre l’orthodoxie. Non seulement ils ont trouvé un argument de plus contre leur détesté Poutine, mais ils se sont adjoint une force beaucoup plus terrible, le nihilisme de la jeunesse.

Aujourd’hui, “l’affaire Pussy Riot” menace de devenir un point de ralliement pour des jeunes en révolte contre les “ancêtres”, le germe d’une sous-culture contestataire basée sur la négation de toutes les institutions de notre Etat.

Mais ces jeunes finiront par devenir adultes et prendre la place du pouvoir actuel. Et c’est en fait ce à quoi nous aspirons. Vingt ans de stabilité et de développement serein. Assez pour que l’opposition démocratique issue des années 1980 et 1990 prenne sa retraite, que les oligarques venus des services secrets abandonnent les affaires, que les militants hargneux des droits de l’homme disparaissent et que ferment tous les médias qui pendant des décennies auront déversé leur poison dans les oreilles d’intellectuels confiants.

Nous souhaitons que le pouvoir soit un jour entre les mains d’une génération exempte des stigmates de la dissidence soviétique. Alors, elle pourra développer l’idéologie qu’elle voudra, démolir tout ce que nous avons construit et bâtir autre chose. La seule chose à laquelle nous tenons, c’est qu’elle considère notre pays et notre culture comme les leurs, un précieux héritage à protéger et à faire prospérer.

Et la religion orthodoxe résistera, aucun doute à ce sujet.

Artiom Akopian | Odnako

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