mercredi 12 juin 2013

Stupéfaction après l’extinction de la radio et la télé publiques en Grèce

ardi soir, le gouvernement grec a pris une mesure qui est en train de susciter un beau tollé par sa brutalité: la fermeture immédiate, à la clôture des programmes, des trois chaînes d’Ellinikí Radiofonía Tileórasi (ERT), la télévision publique. Pour cause de mauvaise gestion, de dépenses inconsidérées et de manque de transparence dans les comptes.
On dit le gouvernement de coalition d’Antonis Samaras divisé sur la mesure, mais sous pression de la troïka. Les experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI supervisent le redressement financier du pays et exigent que le nombre de fonctionnaires – les employés d’ERT en sont – soit drastiquement réduit pour faire fondre la dette publique et satisfaire aux exigences des partenaires européens de la Grèce à Bruxelles.

«Tremblement de terre»

«C’est la junte [au pouvoir entre 1967 et 1974] qui revient», a aussitôt déclaré au Monde, via l’AFP, Constantin Zambounis, ténor dans le Chœur d’ERT, qui est sous le choc: «Comme les 2655 autres salariés du groupe […], il a appris mardi soir la fermeture brutale des antennes, décrétée sans préavis et aussitôt mise en application.» Et de s’emporter: «Tout est arrêté, la télé, la radio, le Chœur aussi et dans toute la Grèce, tout va s’arrêter aussi.» Le quotidien Ta Nea parle de «tremblement de terre».
L’agence relate aussi qu’«en début de soirée, tout le monde pensait que les salariés d’ERT allaient organiser la résistance, garder l’antenne et le contrôle de la situation […]. Mais c’est l’émetteur principal, situé sur le mont Hymette à l’est d’Athènes, qui a été neutralisé.» Le journal Eleftherotypía compare le «forfait» à un «lynchage public». Et Kathimeriní précise, sur son site anglophone, que les journalistes résistent tout de même en continuant à émettre, mais dans le vide.

L’UER n’est pas d’accord

L’Union européenne de radio-télévision (UER) a d’ailleurs aussitôt demandé à la Grèce d’«annuler sa décision», écrit Le Figaro. Son président, Jean-Paul Philippot, et sa directrice générale, la Suissesse Ingrid Deltenre, ont écrit au premier ministre pour l’appeler à «user de tous ses pouvoirs» dans ce but, arguant du fait que «l’existence de médias de service public et leur indépendance à l’égard du gouvernement sont au cœur des sociétés démocratiques».
Peut-être en Grèce plus qu’ailleurs, où les médias privés se distinguent par leur médiocrité. De fait, le pays d’Homère devient aujourd’hui le premier en Europe à ne plus disposer de télévision publique, laissant le soin aux chaînes privées de servir leur soupe infame. Alors la décision choque, forcément. Pour les Grecs, indique Libération, «ce geste rappelle de mauvais souvenirs: la dernière fois que la télévision nationale du pays a cessé d’émettre, en 1967, un quarteron de colonels prenait le pouvoir et instaurait une dictature».

«Un choc et un scandale»

Après l’annonce, Slate.fr s’est entretenu avec le journaliste Vangelis Demeris, correspondant à Bruxelles d’ERT de 2001 à février 2013 et qui travaille maintenant entre autres pour le journal Ethnos, le deuxième quotidien grec, qui titre ce matin: «Tempête après la mort subite.» «Cette fermeture totale? s’interroge-t-il. Il y avait des rumeurs, des spéculations […]. Mais je ne m’attendais pas à ça. C’est un choc et un scandale. Je suis consterné, c’est absurde.»
ERT est la source majeure d’information pour l’opinion publique. […] C’est extrêmement grave pour la démocratie. […] Je n’exclus pas une grève des collègues journalistes de tous les médias, par solidarité. Et donc il n’y aurait plus d’information. Une situation pareille n’est jamais arrivée nulle part. Ça n’est jamais arrivé. Ils ont parlé de rouvrir plus tard, mais il n’y a pas d’agenda, pas de calendrier.»

«Tyrannique»

Le site Rue89 est, pour sa part, hors de lui: «La troïka est à la même heure en balade sur place pour rappeler les dirigeants grecs à leurs engagements de sinistre memorandum. […] Le porte-parole de la troïk… du gouvernement grec, Simos Kedikoglou, a immédiatement abondé dans le sens de ses chers hôtes. […] Alors zou, aussi sec, à minuit, terminé! Plus aucune chaîne publique d’informations, rien que des chaînes privées sous la férule de quelques gros armateurs locaux ou assimilés.»
Des chaînes qui sont «au demeurant illégales puisque, comme le souligne le blogueur Okeanews sur Twitter, leurs concessions ont expiré depuis longtemps sans qu’aucune autorité rescapée ne s’en émeuve. Ce que le plus tyrannique des tyranneaux africains n’avait pas osé, Bruxelles et ses acolytes grecs coalisés viennent de le faire.»

«Un coup d’Etat»

Une blogueuse de Mediapart estime qu’«en pratique, il s’agit d’un coup d’Etat (car la décision ministérielle ayant force de loi) qui met en péril la liberté d’information inscrite dans la Constitution hellénique». Et de noter que «les bâtiments centraux d’ERT, qui abritent des studios et du matériel de haute technologie, seront confiés… au «Ministère de la protection du citoyen» (comprenez: le ministère de l’intérieur et du flicage). Cela ne peut que rappeler les heures noires de l’histoire pas si ancienne de la Grèce.»
L’Avenir ne mâche pas ses mots non plus. Sous le titre «Black-out audiovisuel terroriste, digne d’une dictature», il écrit: «On dira que les journalistes se défendent entre eux et qu’aujourd’hui, ce texte écrit sous le coup de la stupéfaction et de la colère n’est qu’un acte corporatiste au sein du monde des médias. Simple vision d’esprit. Ici, il n’est pas question d’une simple question de solidarité confraternelle mais bien d’une pure aberration démocratique.»

Mal entendu? Mal compris?

En réalité, écrit l’éditorialiste fâché, «c’est une information qu’on a du mal à digérer. On a l’impression d’avoir mal entendu. Mal compris. Mais non, les phrases se répètent, allant toujours dans le même sens. […] Couper le jus, comme ça, sans préavis? Déstabiliser d’un coup l’offre d’information dans un pays? C’est inadmissible. C’est d’autant plus intolérable que dans la situation actuelle, les Grecs sont en droit d’exiger l’information la plus complète et la plus diversifiée possible. Leur pays traverse une crise sans précédent. Ils doivent être informés.»

L'UE est dans l'opinion publique virtuellement morte, nous nous approchons jour après jour de sa chute finale, je pense que les regards doivent se tourner vers l'Allemagne, il sera très probablement le premier pays à annoncer la dissolution de l'eurozone, sinon la dégradation sociale et économique sera telle qu'on pourrait assister à un putsch militaire venant de France, leur gouvernement français ne maîtrise plus rien, c'est une débandade qui ouvre la porte à un nouveau 1789 français qui entraînera la chute de l'Union Européenne.
Le pillage se poursuit Ce qui se passe en Grèce, mais aussi en Europe, ne devrait réjouir personne. Sauf ceux qui l'ont décidé et qui n'en font qu'une histoire de gros sous. Les 2656 salariés de la chaîne publique grecque jetés au chômage, sans justification autre que de faire des soi-disant économies. Le droit d'expression livré en pâture aux chiens d'exécutants des Goldman Sachs, FMI et BCE. La Commission européenne qui reçoit par email les félicitations des patrons de banque et autres théocrates de l'austérité doivent être satisfaits d'eux-mêmes, de pouvoir donner une leçon à ses méprisants journaleux. Personne n'y gagne sauf eux! Alors, que ne restons-nous pas les bras croisés et ne descendons-nous pas dans la rue à l'instar de nos amis Turcs pour envoyer paître ces chiens qui nous tondent comme des moutons, nous pressent comme des citrons. Il suffit! Il est temps de le montrer... L'argent du peuple doit revenir au peuple, l'argent public ne peut devenir privé.
Certains croiraient donc encore à une Europe démocratique ? Pour rappel, la Commission Européenne n'est pas soumise au suffrage universelle et elle est plombée par un lobbying intensif dont l'influence est si grande que certains passages de lois européennes sont de véritables copiés/collés de textes "suggérés" par ces lobbies. La tendance généralisée et continue depuis ses débuts est la privatisation grandissante de tous les services publics à terme, du système carcéral aux soins de santé en passant par les transports. Le pouvoir politique, censé être la voix du peuple via son vote, le garant de ses droits et son défenseur, perd à chaque loi un peu plus de terrain face à un secteur privé qui n'a lui que le profit à ligne de mire et non le service. La télévision publique grecque n'en est qu'un exemple.
Ce qui arrive aujourd'hui en Grèce, arrivera demain en Belgique et dans les autres pays européens. Les Allemands découvrent à l'instant que leurs retraites seront pour la majorité des retraités futurs inférieures au seuil de la pauvreté de l'assistance publique. Il en est de même en Belgique, mais tant que le Titanic flotte, on y danse ... !
 

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