Par Maître Bertrand Ramas-Mulhbach
La Conférence de Genève « 2 » prévue le 10 juin 2013, a pour objectif de régler le problème syrien avec une transition politique du pouvoir, l’engagement d’un processus constitutionnel, l’élection de représentants, un changement de régime et le transfert complet des pouvoirs exécutifs, notamment des forces armées et des services de sécurité. Sa tenue reste néanmoins compromise en raison des divergences de vues des participants : l'Iran ne reconnaît pas les acquis de la Conférence de Genève « 1 » (de juin 2012), les parties ne sont toujours pas d'accord sur la composition de la délégation syrienne, sur la liste des acteurs internationaux participants ou encore sur le sort du Président Bachar El Assad. Se pose une fois encore le problème de l’ingérence internationale : les acteurs internationaux voudraient trouver une solution au déchaînement de violence qui secoue la Syrie avec un raisonnement et des outils du monde occidental, sans tenir compte de la spécificité du monde de l'Islam. Rien ne devrait donc être modifié, à court terme, dans la situation géopolitique actuelle.
Les différents parties envisagent de résoudre la guerre civile qui fait rage en Syrie, sans tenir compte des spécificités propres au monde de l’Islam et au mode de raisonnement qu’il induit en terme de rapports de force. Ainsi, et progressivement, la Syrie est devenue le théâtre d’oppositions systématiques, du peuple contre le régime, des laïques contre les islamistes, des sunnites contre les chiites, des pacifistes contre ceux qui prônent la violence, des villes contre la campagne, plongeant le pays dans des violences sectaires d’une cruauté inqualifiable.
La révolution syrienne (dans le prolongement du printemps arabe débuté en Tunisie et en Egypte), était animée d’une volonté populaire d’accéder à la liberté et aux Droits de l’Homme. Les premiers manifestants étaient pacifiques, animés d’une foi dans l’idéal d’un changement social et politique avec la reconnaissance de droits civiques, inspirés par les grands visionnaires comme Nelson Mandela (dans sa lutte contre l’apartheid) ou encore par les enseignements de Gandhi. Seul comptait, la possibilité de se débarrasser d’un système népotique en place depuis 40 ans. Or, le mouvement de contestation a progressivement dégénéré et la situation a tourné au drame.
Par la suite, les combattants rebelles appartenant aux classes rurales défavorisées, ont pris d’assaut les villes et se sont vengés des injustices subies aux cours des dernières décennies. Ainsi, et alors qu'ils étaient censés combattre la tyrannie des gouvernants, ils ont commis les mêmes crimes que ceux du pouvoir en place : pillage systématique des maisons, des biens des populations, des entreprises commerciales, kidnappings et demande de rançons, destruction des monuments et des symboles de villas antiques, vol de machines industrielles (revendues en Turquie), du grain dans les silos de stockage des denrées alimentaires dans les entrepôts. Par la suite, la mort a tout balayé : les rebelles ont tiré des obus de mortiers et des roquettes sur les populations, usé de voitures piégées, tué et blessé des milliers de personnes avec leurs snipers isolés tuant de sang-froid les passants…
Dans les derniers temps, la violence en Syrie a pris une démesure démoniaque. La revendication populaire s’est progressivement transformée en combat entre groupes d’appartenances cultuelles différentes, chiites et sunnites, et récemment, elle a pris une autre dimension avec l’intervention des takfiris du Front al-Nusra (qui se disent affilié à Al Qaeda et donc en principe d'obédience sunnite).
Les takfiris sont des extrémistes islamistes adeptes d'une idéologie violente : le terme "takfiri" signifie excommunication, du nom de la méthode dont ils usent à l'égard des autres musulmans qui ne partageant pas leur point de vue. Les musulmans qui ne respectent pas les préceptes qu’ils imposent, sont considérés comme des apostats et ainsi des cibles légitimes pour leurs attaques. Leur idéologie exige l'élimination de tous les non musulmans quand bien même ils appartiendraient aux mouvances chiites et sunnites. Les Takfiris sont de véritables machines à tuer, qu’il s’agisse de laïcs mais également de musulmans croyants. Ils combattent en Syrie pour obtenir un l’État islamique voisin de celui auquel ils aspirent en Irak où ils ont tué des religieux sunnites et chiites, bombardé des mosquées, abattu des cheikh de tribus. Ils ont d’ailleurs abjuré ceux qui participent aux élections au Pakistan, en Irak, en Afghanistan...
La tentative de prise de contrôle des régions par les takfiris en Syrie ne pouvait que provoquer l'intervention du Hezbollah d’une part, pour « sauvegarder la Résistance et protéger ses lignes de ravitaillement », et , d’autre part, pour éviter que les groupes takifiri ne contrôlent les provinces syriennes frontalières du Liban. Le responsable du Hezbollah libanais Nasrallah s'en est donc pris aux groupuscules takfiris qui « arrachent les cœurs, coupent les têtes, et dépouillent les tombes » pour défendre le Liban, la Palestine et la Syrie. Il a menacé : « Si la Syrie tombe entre les mains de l’Amérique, d’Israël et des takfiris, la résistance sera assiégée et l’armement venu d’Iran dont dispose le Hezbollah, touchera à sa fin ». Le leader du Hezbollah a donc insisté dans son allocution qu’il n’y aurait alors plus de « Hezbollah pour chasser les Israéliens », précisant encore : « Si la Syrie tombe entre les mains des US et des takfiris, la résistance sera assiégée, et la Palestine perdue à jamais ».
L'histoire ne manque pas d'exemples où la folie meurtrière des hommes prend le pas sur la mesure, la réflexion et la sagesse. Lorsque le fonctionnement humain ne respecte plus la vie, la spirale mortifère devient incontrôlable. Cela tient notamment aux contradictions internes à l'Islam avec le Coran qui contient des recommandations vertueuses et, dans le même temps, confine l’individu à l’ignorance et à la haine d’autrui.
L'échec du mouvement de contestation, (tout comme en Tunisie et en Egypte), trouve sa cause dans la culture islamique et sa fascination de la mort, (qui semble être à la fois un moteur et une étape dans l’évolution des civilisations).
Le problème syrien n’est donc pas proche de La solution compte tenu des multiples contradictions dans le choix de la résolution. Les États-Unis et l’Europe aimeraient un renversement du régime syrien, en raison de son rôle de bailleur de fonds de la milice chiite libanaise, et d’intermédiaire de la République Islamique d’Iran sans pour autant accepter un Etat contrôlé par les Takfiris. La Russie n’entend pas voir tomber son partenaire historique syrien et l’assure de son soutien logistique dans son combat contre les rebelles quel qu’ils soient. Pour sa part, le pouvoir de Bahar El Assad a trouvé une solution radicale pour se débarrasser des gangs sanguinaires takfiris (et des opposants en général) avec le recours aux armes chimiques.
Une fois encore, il convient de mettre un terme aux contradictions internes du monde de l’Islam pour pacifier le pays. L’Islam doit grandir et évoluer comme l’a fait le christianisme pour adapter la règle religieuse au principe de tolérance, de respect de l’autre et de la diversité et au fonctionnement spécifique de l’homme. Lorsque les fauteurs de guerre et les courtiers du pouvoir en Syrie cesseront de penser qu’en Islam le sang doit nécessairement couler, il pourra être envisagé une renonciation à la violence de tous et une réconciliation des groupes cultuels.
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