samedi 3 septembre 2011

Libye : une guerre pour le pétrole et pour l’Islam radical – Guy Millière


En 2003, quand la guerre pour renverser le régime de Saddam Hussein a commencé, la France entière était mobilisée contre une intervention « unilatérale ». La gauche et l’extrême gauche organisaient des manifestations et scandaient « pas de guerre pour le pétrole ». La presse française était très hostile à « Bush le boucher ». Chirac parlait d’ "ouverture de la boîte de Pandore". Villepin disait je ne sais quoi, avec l’arrogance qui le caractérise.
 
La France, à l’époque, était dans le « camp de la paix » (que j’ai appelé, à l’époque, le fan club de Saddam Hussein), et Chirac et Villepin avaient leurs raisons : les sociétés pétrolières françaises et le gouvernement français avaient des contrats très lucratifs avec Saddam Hussein. Et l’argent des accords pétrole contre nourriture et médicaments n’était pas perdu pour tout le monde. Les armes de destruction massive dont disposait Saddam Hussein ont disparu, les armes de corruption massive dont il a usé et abusé, elles, ont fait l’objet de rapports très documentés, dont le rapport Duelfer. La situation de la population irakienne ne comptait pas. Les liens avérés de Saddam Hussein avec divers mouvements islamo-terroristes ne comptaient pas non plus. D’ailleurs, on ne parlait pas de terroristes, mais d’ « insurgés ». Fin 2008, l’Irak était un pays stable, des milliers de djihadistes avaient été tués, des élections avaient eu lieu, une presse libre existait. Gagner la guerre avait pris trois semaines. Gagner la paix avait pris cinq années pendant lesquelles bien des civils innocents sont venus s’ajouter aux deux millions d’Irakiens dont on a retrouvé les corps dans les fosses communes du régime. Puis, Obama a été élu, et a commencé à défaire tout ce qui avait été fait par Bush. 
 
En 2011, une guerre a été menée pour renverser le régime du colonel Kadhafi en Libye. Nul ne s’est mobilisé contre la guerre, parce qu’officiellement, ce n’était pas une guerre, mais une opération de « protection des civils ». Cela n’en a pas moins été une guerre, et la protection des civils a été un prétexte hypocrite. Nul n’a dénoncé une intervention unilatérale : c’est logique, quand la France participe, ce n’est plus une guerre unilatérale. Cela a juste été une guerre menée au nom d’une motion du Conseil de Sécurité de l’ONU et en violation complète de ce que disait cette motion du Conseil de Sécurité. Cela a été une guerre où au lieu d’une coalition de quarante neuf pays comme en Irak, l’intervention à a été menée au nom de l’Otan par trois pays essentiellement : la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Les Etats-Unis ont assumé quatre vingt pour cent des frappes, et c’est la première fois, note-t-on outre Atlantique, qu’un Président fait entrer le pays dans une guerre qui n’est pas une guerre, en tirant la légitimité de son intervention non pas du Congrès américain, qui n’a pas été consulté, mais de l’ONU et de la Ligue Arabe. Il a fallu attendre Obama pour voir l’armée américaine devenir force d’intervention au service de l’ONU et de la Ligue Arabe. C’est une guerre qui a duré non pas trois semaines, mais six mois, parce qu’elle a été menée sans troupes au sol. Et la guerre n’est même pas gagnée que la paix semble déjà en train d’être perdue. 
 
Nul manifestant n’a scandé « pas de guerre pour le pétrole » : néanmoins, si la guerre en Irak n’a pas été une guerre pour le pétrole (aucune entreprise pétrolière américaine n’a de contrat pétrolier avec le gouvernement irakien), la guerre en Libye a, elle, bel et bien été une guerre pour le pétrole. Les « rebelles » libyens ont signé par avance des contrats qui sont censés accorder des avantages immenses à Total et à British Petroleum. La presse française n’a pas eu à être hostile au Président américain, qu’elle idolatre sans répit, et qui, tout en assurant l’essentiel des missions, a laissé le rôle de premier plan à Nicolas Sarkozy. Et la presse française ne va pas traiter Sarkozy de boucher. Nul ne parle de « boite de Pandore » : c’est juste une victoire pour l’islamisme et une démonstration de faiblesse (six mois pour venir à bout de la petite armée de Kadhafi !). L’arrogance est omniprésente dans les médias. La vérité et les faits passent aux oubliettes. La France est, cette fois, dans le camp de la guerre (mais ce n’est pas une guerre, je sais), et la France a ses raisons, qui ont tout à voir avec une matière noire et visqueuse qui se vend au baril. La guerre(qui n’est pas la guerre) a coûté cher, mais l’argent du pétrole ne sera pas perdu pour tout le monde. Kadhafi n’avait pas d’armes de destruction massive : il avait, par contre, des stocks d’armes importants, et ces stocks ont été pillés. Les armes ont trouvé le chemin du Sinaï, de Gaza, des endroits où al Qaida et Al Qaida au Maghreb islamique ont leurs bases. Mais, bien sûr, il ne faut pas le dire. 
 
La population libyenne ne compte pas : il y a eu, au minimum cinquante mille morts et des destructions immenses. Les Africains noirs vivant en Libye comptent encore moins : ils sont massacrés et torturés par centaines. 
 
Kadhafi était un dictateur, mais il coopérait avec les services de renseignement occidentaux et réprimait l’islamisme depuis les accords passés en 2003 avec l’administration Bush. C’est sans doute parce qu’il coopérait avec les services de renseignement occidentaux que la gauche et l’extrême gauche ne se sont pas mobilisées pour le défendre comme ils ont défendu Saddam Hussein. C’est aussi, sans doute, parce qu’il avait passé un accord de lutte anti-terroriste avec l’administration Bush qu’Obama ne pouvait que lui être hostile. 
 
Nul n’a à se soucier des mouvements islamo-terroristes en Libye : ils sont en train d’être installés au pouvoir par la guerre (qui n’est pas la guerre). En septembre 2011, la Libye n’est plus un pays stable. 
 
C’est bien pire qu’une guerre menée n’importe comment. C’est une guerre qui a été menée pour le pétrole, et pour l’islam radical. Les premiers à se réjouir de la chute de Kadhafi ont été les dirigeants d’al Qaida, du Hamas, du Hezbollah, de l’Iran islamiste, des Frères musulmans. C’est une guerre où on a parlé de « rebelles » avec enthousiasme : en laissant de côté le fait que tous les dirigeants des forces armées « rebelles » sont des djihadistes avérés qui disent aujourd’hui vouloir jouer le jeu de la démocratie. Comment ne pas les croire ? Le commandant des forces « rebelles » à Tripoli est Adbelhakim Belhadj, émir du Groupe Islamique de Combat Libyen, officiellement affilié à al Qaida. Le commandant des mêmes forces à Benghazi est Ismael as-Salabi, commandant du même Groupe Islamique de Combat Libyen. Au cœur du gouvernement provisoire se trouve un autre dirigeant du Groupe Islamique de Combat Libyen, Ali Salabi, 
 
A la tête du gouvernement provisoire, un homme très bien sous tout rapports : Mustafa Abdul Jalil. Il a été ministre de la justice de Kadhafi jusqu’au début de 2011. Il est le juge qui a confirmé par deux fois la condamnation à mort les infirmière bulgares que Nicolas Sarkozy a fait libérer en 2007. Il n’a cessé d’être un serviteur zélé du régime. Kadhafi le soupçonnait de sympathies islamistes, semble-t-il. Dans la mafia, lorsqu’on trucide un homme qu’on vient d’embrasser, on dit, paraît-il, « c’est les affaires ». Quand un homme politique extirpe des griffes d’un juge férocement acharné à vouloir les détruire des infirmières innocentes (Mustafa Abdul Jalil a fait beaucoup de zèle et voulait même que la sentence soit exécutée, disent des documents cités par divers médias américains), puis traite ce même juge comme s’il était son ami de toujours, « c’est de la politique », murmure-t-on. 
 
Je maintiens mon diagnostic en tout cas : au mieux , se mettra en place en Libye un régime islamique anti-occidental, anti-américain, anti-israélien, mais susceptible de vendre du pétrole à Total et BP. Au pire, la Libye prendra des allures de Somalie sur Méditerranée. 
 
Je me demande pourquoi il y a encore des soldats français en Afghanistan : ils combattent des gens qui sont les amis de ceux que le gouvernement français est en train d’essayer d’installer au pouvoir en Libye. 
 
Je ne me demande pas ce qu’Obama est allé faire dans cette galère, comme disait Molière : c’est un homme qui veut rendre la Méditerranée plus sûre pour les islamistes, et il obtient des résultats. C’est un homme qui n’a rien contre les talibans. C’est un homme qui a éliminé Oussama Ben Laden en un moment où Zawahiri, qui a remplacé Ben Laden après avoir été son bras droit, envisageait un changement de tactique : restaurer le califat non pas par des actes terroristes, mais en jouant le jeu de la démocratie. Y a-t-il des gens d’al Qaida qui jouent le jeu de la démocratie en Libye ? Oui ? Quelle étrange coïncidence. 
 
Le gouvernement israélien s’inquiète de la présence à Gaza et dans le Sinaï de missiles anti-chars et de missiles anti-aériens venus de Libye ? Mais qui ne connaît la réponse ? Le gouvernement israélien a tort. Par définition. 
 
Et je sais que je suis idiot. En Irak, il fallait laisser Saddam Hussein au pouvoir. Il massacrait sa population. Il avait des stocks d’armes chimiques et bactériologiques. Il soutenait l’islamo-terrorisme. Il vouait une haine viscérale à Israël et aux Etats-Unis. Un bon bougre de dictateur en somme. 
 
En Libye, il fallait renverser Kadhafi. Il ne massacrait pas sa population (je sais qu’on dit le contraire dans les diverses Pravda françaises), il avait renoncé à tout programme d’armes de destruction massives depuis 2003. Il coopérait avec les services de renseignement occidentaux. Il ne tenait plus depuis longtemps des discours hostiles aux Etats-Unis et à Israël : au point que les gentils « rebelles » libyens n’ont cessé de le caricaturer en singe et en porc arborant une étoile de David, et de le traiter de Juif. Il avait cessé depuis longtemps de soutenir l’islamo-terrorisme et était détesté par le reste de la Ligue Arabe pour ces raisons mêmes. Il fallait vraiment le renverser, et vite. 
 
Quel est le point commun entre Moubarak, Ben Ali, et Kadhafi ? Ils coopéraient avec l’Occident, et n’étaient pas, ou n’étaient plus, des ennemis farouches d’Israël et des Etats-Unis. Ils ont été balayés. Quel est le point commun entre Ahmadinejad et Bachar al Assad ? Ce sont des ennemis résolus d’Israël, des Etats-Unis et de l’Occident. Ils sont toujours en place.
 
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© Guy Millière pour www.Drzz.fr

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