vendredi 15 mars 2013

Syrie : « Bachar el-Assad ne lâchera pas »

Angélique Mounier-Kuhn pour Le Temps
Le 15 mars 2011, alors qu’une fièvre printanière saisissait le monde arabe, quelques vaillants manifestants commençaient à protester contre Bachar el-Assad à Deraa et à Damas, prélude à un soulèvement qui a viré à la guerre civile. Selon certaines estimations, le conflit a déjà coûté 100 000 vies, exilé un million de Syriens à l’étranger et déplacé 2,5 millions de personnes à l’intérieur du pays. Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, à Lyon, dresse un état des lieux dramatique.
À quoi ressemble au­jour­d’hui la Syrie ?
À un gros puzzle. La Syrie du Nord, de la frontière turque à la frontière irakienne, échappe globalement au régime, à l’exception de poches urbaines. Cette région n’est pas organisée, son contrôle reste très fragmenté entre différents groupes rebelles. Et on ne peut pas dire qu’elle soit « libérée » ou « sécurisée » : l’aviation y mène des raids en permanence pour empêcher les rebelles d’y instaurer un contre-modèle. Les villes, Deir ez-Zor, Hassakié, Alep ou Idlib, restent tenues par le régime, qui y concentre ses troupes. Dans sa stratégie contre-insurectionnelle, il privilégie les communications et le transport aériens. D’où l’importance pour lui de conserver le contrôle des aéroports proches de ces villes. Il a en revanche abandonné le contrôle des zones kurdes du nord, où il joue la carte de la confrontation entre les Kurdes et les rebelles arabes sunnites. À terme, elle semble inévitable. Les Kurdes (15 % de la population) sont certes opposés au régime, mais ils ont leur propre agenda. Ils veulent un territoire autonome, or il est tronçonné. Il y a déjà eu des combats, comme dans les quartiers kurdes d’Alep ou à Ras al Aïn, dans le nord-est, entre des groupes islamistes entrés via la Turquie et les Kurdes.
Sur la côte, le pays alaouite reste tenu par le régime, comme à peu près à 80 % la région d’Homs. Ail­leurs, dans certaines zones telles que Talkalakh, sur la frontière libanaise, un modus vivendi s’est instauré entre le régime et les rebelles, tenus de faire barrage aux islamistes. Quant aux frontières, celle avec la Jordanie est tenue, celle avec le Liban l’est encore assez bien, contrairement à la frontière turque qui est ouverte, et celle avec l’Irak qui l’est en bonne part, permettant aux combattants étrangers d’entrer en Syrie et aux rebelles de se réfugier hors du pays.
Enfin, le contrôle de la capitale reste essentiel à la légitimité du régime. « Qui tient Damas tient la Syrie », disait-on à l’époque d’Hafez el-Assad, qui avait mis en place tout un système de défense. La ville est cernée de camps militaires et entourée de villages druzes et chrétiens, grossis par l’exode rural. Le régime a aussi laissé se développer des quartiers informels de populations fidèles le long d’axes stratégiques, comme à proximité de l’aéroport. Dans ces endroits, des comités d’autodéfense se sont constitués. La bataille de Damas lancée en juin 2011 par l’Armée syrienne libre est un échec. Elle y a perdu des centaines, voire des milliers d’hommes.
Quelles sont les forces en présence du côté des rebelles ?
Au départ, l’ASL n’était pas plus qu’un groupe d’officiers ayant fait défection, réfugiés en Syrie où ils ont constitué un état-major qui a apposé le label ASL à tous les groupes se prévalant de faits d’armes en Syrie. Comme en Libye, on a pensé qu’elle pourrait fragmenter l’armée syrienne, mais sa capacité a été surestimée. Aujourd’hui, la situation est encore pire, avec la montée en puissance des groupes islamistes, bien équipés et financés par l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Koweït. Ils sont composés de djihadistes syriens revenus d’Irak pour faire des émules dans les villages ou de combattants étrangers et rejoints par des bataillons frustrés de l’ASL. Ces groupes islamistes sont en concurrence les uns avec les autres auprès de leurs « bailleurs de fonds », d’où la multiplication des vidéos vantant leurs exactions. Pour les plus proches d’Al-Qaida, comme Jabhat al-Nosra, l’objectif est d’abattre le régime, d’instaurer un califat islamique en Syrie puis d’aller libérer la Palestine.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Une intensification des combats entre les deux camps est vraisemblable, puisque chacun reste convaincu qu’il peut gagner. Armer les rebelles, comme le préconisent la France et la Grande-Bretagne, risque d’ajouter de l’huile sur le feu. Le régime n’est pas près de tomber, et continue lui-même d’être armé par les Russes et les Iraniens. Sans parler du danger de voir ces armes tomber dans les mains des djihadistes. Il sera difficile de l’avoir à l’usure. Les Occidentaux misent sur la persistance d’un conflit de basse intensité, pour laisser le temps aux populations d’organiser une administration, afin qu’une éventuelle chute du régime n’engendre pas le chaos. Mais, en réalité, ce sont plus les islamistes que l’ASL qui sont en train d’organiser les populations. Les classes moyennes, les intellectuels, tout ce qui pouvait constituer un substrat démocratique s’exile, et laisse la place aux radicaux.
Rien ne stoppera le clan Assad ?
Il a été trop loin pour reculer et est prêt à détruire le pays, avec ce slogan : « Bachar ou le feu. » Si on veut la paix, il faut donc se résoudre plus ou moins à le laisser en place. Car, s’il est dos au mur, menacé par la justice internationale, il se battra jusqu’au bout. Mais, comme cette option est inconcevable pour l’opposition, le scénario d’un éclatement du pays doit être envisagé, où aucune réconciliation ne serait possible et où un Etat alaouite finirait par se barricader sur la côte.
Il n’y a aucun espoir de négociation avec l’opposition en exil ?
En raison de ces dissensions, elle n’a pas encore été capable de former un gouvernement provisoire. Il serait censé gérer les zones libérées, mais en réalité la Coalition nationale syrienne (CNS) n’a aucun contrôle sur elles et manque cruellement d’argent. Elle demande 500 millions de dollars afin d’approvisionner les rebelles en armes, et les populations en nourriture. Les sommes promises n’arrivent pas. En prônant le dialogue avec des éléments du régime, le président de la CNS, Moaz al-Khatib, a endossé une posture tactique. Il veut passer pour quelqu’un d’ou­vert, mais il peine à s’imposer au sein même de son camp.
Risque-t-on l’embrasement régional ?
L’impact est considérable car le conflit syrien réactive tous les problèmes communautaires dans la région. Au Liban, chiites et sunnites sont à couteaux tirés. En Irak, les sunnites sont en pleine confrontation avec le gouvernement d’Al-Maliki. En outre, la guerre en Syrie bloque toute l’économie de la région, avec des con­séquences graves, en Jordanie notamment. Deux blocs géopolitiques se sont créés et s’affrontent : d’un côté l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. De l’autre, l’Iran et l’Irak. Ces deux blocs sont richissimes grâce au pétrole et financent leur expérience de guerre en Syrie, qui joue le rôle d’Etat tampon. Si on ajoute à cela la relation entre la Russie et les Etats-Unis, on est en plein scénario de Guerre froide.
Bachar el-Assad ne lâchera pas ?
On s’est trompé sur son compte. En janvier 2011, alors que débutaient les printemps arabes, il avait glissé à des proches, lors d’un dîner privé : « Mon père a tué 30 000 personnes à Hama en 1982, il a eu 30 années de sécurité. » Tout était clair.
Après avoir combattu les djihadistes au Mali, Hollande veut les soutenir en Syrie ! Et en leur offrant des missiles sol/air! Comprenne qui pourra. Il ne devra pas s'étonner un jour de trouver un Mistral planté dans un Airbus! Décidément, ce faible est prêt à encourir les risques les plus insensés pour essayer de se donner une stature internationale, faute d'en avoir une au niveau national

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