dimanche 24 mars 2013

Des combattants Mai Mai sèment la panique à Lubumbashi


Colette Braeckman

Lubumbashi a commencé le week-end dans le crépitement des balles et les cris des manifestants. « Les combattants Mai Mai étaient vêtus de costumes traditionnels, brandissaient des manchettes, des arcs et des flèches et ils criaient « Kata Katanga », nous raconte un ressortissant belge, encore sous le choc de la violence avec laquelle les forces de l’ordre ont dispersé quelque 300 manifestants.
Venus du Nord Katanga, les miliciens Mai Mai accompagnés de femmes et d’enfants sont entrés dans la ville par la commune de Ruashi, puis ont gagné la place de la poste, en plein centre-ville. « Ils marchaient, sans que rien ne les arrête » assure notre témoin, « et même lorsque les forces de l’ordre ont commencé à tirer, ils poursuivaient leur progression. C’est ainsi que l’on déplore au moins cinq morts dans les rangs des manifestants. »
Dans l’après-midi, alors que la panique était générale au sein de la population de Lubumbashi, quelque 150 miliciens Mai Mai se sont dirigés vers le siège de la Monusco où ils se sont rendus et ont été désarmés. La police a par la suite procédé au ratissage de la ville. D’après notre témoin, les manifestants, qui brandissaient le drapeau du Katanga ne scandaient pas de slogans politiques mais exprimaient plutôt un ras-le-bol social : « ils criaient : on n’en peut plus, nous ne sommes pas des esclaves »…
Le gouverneur du Katanga, M. Moïse Katumbi, s’est dit indigné par cette manifestation violente et il a promis de mettre ces miliciens à la disposition de la justice. Il a aussi évoqué des complicités politiques : « ceux que nous allons interroger vont citer des gens que nous allons arrêter… » Il apparaît en effet que derrière le malaise social, le Katanga traverse aussi une crise politique : la province du cuivre, l’entité la plus riche du pays, vit très mal la perspective d’être découpée en quatre provinces distinctes, très inégales sur le plan économique. Dans le Nord Katanga en particulier, berceau de la famille du président Kabila, les Balubakat redoutent d’être coupés du « Sud utile » où se trouvent les principaux gisements miniers générant l’essentiel des ressources de la province.
En outre, plusieurs « Balubakat » importants, comme le général John Numbi (mis en cause dans l’assassinat de Floribert Chebeya) ou le pasteur Mulunda Ngoy(critiqué à la suite des élections de novembre 2012) sont écartés du pouvoir tandis que le député de Pweto, Katumba Mwanke a péri dans un accident d’avion. Se sentant de plus en plus écartés du pouvoir présidentiel, dont ils ont été la matrice, des notables « Balubakat », dénonçant l’« ingratitude » du chef de l’Etat, laisseraient volontairement fermenter la révolte d’une base frustrée, qui craint d’être privée des progrès économiques de la province. Ce week-end, la révolte a gagné Lubumbashi, mais il y a déjà plusieurs semaines que le Nord Katanga affronte la révolte des Mai Mai…

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