samedi 16 mars 2013

Nos ennemis au Mali seraient-ils nos amis en Syrie ?


Journaliste et écrivain.
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d’une vingtaine de romans et d’essais.



Le 11 janvier dernier, le président de la République décidait d’intervenir militairement au Mali. Cette intervention, qui n’est pas terminée, répondait à la pressante demande du gouvernement de Bamako et bénéficiait du soutien de l’ONU. Il s’agissait alors, et dans l’urgence, d’empêcher les bandes islamistes déjà maîtresses du Nord-Mali de déferler sur le Sud du pays pour y installer un régime terroriste sous l’invocation de la charia. Il y a donc un peu plus de deux mois que nos soldats sont engagés, au nom de la France, dans une opération qui a pour but, selon les propres termes du chef de l’État et du chef d’État-major des armées, de « détruire »l’adversaire dont nous aurions d’ores et déjà« cassé les reins ».
Cet adversaire, bien connu, c’est l’hydre islamiste qui menaçait de prendre le Sahel dans l’un de ses tentacules. Sur le terrain, nos soldats ont affaire à des gangs de narco-trafiquants, doublés de criminels fanatiques, que sont venues épauler les Brigades internationales du Djihad, dans les rangs desquels figurent quelques volontaires de nationalité française. C’est au nom de l’islam, et grâce notamment aux armements puisés dans les arsenaux de feu Kadhafi, que ces gens nous tirent dessus, qu’ils se font tuer et que, parfois, ils réussissent eux-mêmes à tuer.
Il y a maintenant un peu plus de deux ans que la Syrie est déchirée par une guerre civile qu’enveniment et nourrissent des interventions étrangères. Si tout a commencé par des manifestations et des émeutes contre la dictature de la famille El Assad, depuis belle lurette, le mouvement a été rejoint et est encadré aujourd’hui par des intégristes, subventionnés et soutenus militairement par les mêmes régimes sunnites qui ont déstabilisé la Tunisie, l’Égypte, la Libye, et y ont porté au pouvoir, forts de notre indifférence et parfois même de notre complicité aveugle, les diverses variantes locales des Frères musulmans. Poursuivant leur entreprise fondamentaliste, les mêmes qui ont épinglé à leur tableau de chasse les gouvernements laïques, modernistes et pro-occidentaux de l’Irak, de l’Égypte et de la Tunisie s’apprêtent à y ajouter la Syrie religieusement tolérante, multiconfessionnelle, multiculturelle, dernière pièce qui leur manque pour compléter le puzzle intégriste. Pour ce faire, ils s’appuient naturellement sur les fanatiques du Front Al Nosra et sur les Brigades internationales du Djihad, dans les rangs desquels figurent, aux dires de Manuel Valls lui-même, quelques dizaines de volontaires de nationalité française venus ici prêter main-forte à leur camp et s’entraîner en vue des guerres futures.
Ils peuvent aussi compter désormais sur l’appui de la France et de la Grande-Bretagne puisque ces deux pays semblent avoir décidé,« souverainement », d’aider en Syrie ceux mêmes que nous combattons au Mali à s’emparer du pouvoir. Nous n’avons donc tiré aucune leçon du chaos consécutif aux « printemps arabes » ? Les armes que nous nous apprêtons à mettre entre les mains des « révolutionnaires » syriens, sans mandat de l’ONU, au prix d’une ingérence grossière dans les affaires intérieures d’un État indépendant, ils les retourneront évidemment demain contre l’Occident, contre sa présence, contre son influence, contre sa civilisation et d’abord contre ceux qui les leur auront imprudemment fournies.
Cette sottise et surtout cette incohérence seraient seulement grotesques si elles n’étaient criminelles tant elles sont lourdes de conséquences dramatiques. La France n’a pas une politique étrangère, elle en a deux, ce qui revient à n’en avoir aucune. Souhaitons-nous la victoire de l’islamisme ? Si c’est le cas, il faut le dire. Si ce n’est pas le cas, M. Hollande et M. Fabius doivent impérativement se ressaisir avant d’avoir commis l’irréparable. Védrine, réveille-les, ils sont devenus fous !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire